Par une décision du 20 novembre 2018, la commission départementale d'aide sociale du Nord a rejeté son recours.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2018, régularisée le 6 février 2019, et un mémoire en réplique, enregistré le 27 août 2020, M. C... D..., représenté par sa tutrice, l'ASAPN, représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler la décision du 20 novembre 2018 par laquelle la commission départementale d'aide sociale du Nord a confirmé les décisions du président du conseil départemental du 8 septembre 2017 et du 30 octobre 2017 ;
2°) d'annuler la décision du 8 septembre 2017 du président du conseil départemental du Nord refusant à M. D... l'admission à l'aide sociale à l'hébergement pour la période du 18 juillet 2015 au 13 décembre 2016 compte tenu du dépôt tardif de la demande, ensemble la décision du 30 octobre 2017 confirmant, sur recours gracieux, la décision du 8 septembre 2017 ;
3°) d'accorder à M. D... le bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement pour la période du 18 juillet 2015 au 13 décembre 2016 ;
4°) de déclarer irrecevable le mémoire en défense présenté par le président du conseil départemental du Nord en ce qu'il a été signifié à M. D..., incapable majeur, et non à sa tutrice, l'ASAPN.
Il soutient que c'est à tort que le président du conseil départemental du Nord, dans sa décision du 8 septembre 2017, confirmée par une décision du 30 octobre 2017, et la commission départementale d'aide sociale du Nord, dans sa décision du 20 novembre 2018, ont refusé d'admettre M. D... à l'aide sociale à l'hébergement à compter du 18 juillet 2015, date de son entrée à l'institut médico-adaptatif de Montigny-en-Ostrevent, dès lors qu'une première demande d'aide sociale avait été effectuée dans les délais impartis mais qu'elle n'avait pu aboutir en raison de difficultés administratives rencontrées dans l'obtention des informations exigées par le conseil départemental.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2019, le président du conseil départemental du Nord soutient que la requête est, à titre principal, irrecevable, et, en tout état de cause, infondée.
Vu les autres pièces du dossier.
En application de l'article 12 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 et du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, le dossier de la requête susvisée a été transféré à la Cour administrative d'appel de Paris, où elle a été enregistrée le 2 janvier 2019 sous le n° 19PA00133.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ;
- le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
Sur la recevabilité de la requête :
1. Si la requête présentée pour M. D... et enregistrée le 20 décembre 2018 ne comprenait aucun moyen, un mémoire, enregistré le 27 août 2020, a été présenté pour celui-ci, dans lequel un moyen était soulevé et argumenté. Ce dernier mémoire ayant ainsi régularisé la requête initiale, sans qu'y fasse obstacle l'expiration du délai de recours contentieux, la fin de non-recevoir opposée par le président du conseil départemental du Nord, tirée de l'irrecevabilité de la requête faute d'avoir exposé des moyens, doit être écartée.
Sur le bien-fondé de la décision du 20 novembre 2018 de la commission départementale d'aide sociale du Nord, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité du mémoire en défense présenté par le président du conseil départemental du Nord :
2. Il résulte de l'instruction que M. C... D..., né le 18 juillet 1995, qui a fait l'objet d'une mesure de tutelle aux biens et à la personne, confiée à l'ASAPN par un jugement du tribunal d'instance de Valenciennes du 21 janvier 2014, était hébergé depuis le 14 septembre 2005 au sein de l'institut médico-adaptatif à Montigny-en-Ostrevent. Par une décision du 30 septembre 2016, le président du conseil départemental du Nord a rejeté la demande d'aide sociale à l'hébergement déposée le 25 août 2015 par l'ASAPN pour le compte de M. D..., faute d'éléments pour statuer. Par la décision litigieuse du 8 septembre 2017, le président du conseil départemental du Nord a fait droit à la nouvelle demande de prise en charge présentée le 14 mars 2017 par l'ASAPN pour la période du 14 décembre 2016 au 30 juin 2018, mais a refusé le bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement pour la période allant du 18 juillet 2015 au 13 décembre 2016. Saisi d'un recours gracieux, le président du conseil départemental du Nord a confirmé sa décision du 8 septembre 2017 par une décision du 20 octobre 2017. L'ASAPN relève appel de la décision du 20 novembre 2018 par laquelle la commission départementale d'aide sociale du Nord a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du président du conseil départemental du Nord du 8 septembre 2017 et du 30 octobre 2017 en tant qu'elle refuse la prise en charge des frais d'hébergement de M. D... pour la période du 18 juillet 2015 au 13 décembre 2016.
3. D'une part, aux termes de l'article L. 242-4 du code de l'action sociale et des familles : " La prise en charge la plus précoce possible est nécessaire. Elle doit pouvoir se poursuivre tant que l'état de la personne handicapée le justifie et sans limite d'âge ou de durée. / Lorsqu'une personne handicapée placée dans un établissement ou service mentionné au 2° du I de l'article L. 312-1 ne peut être immédiatement admise dans un établissement pour adulte désigné par la commission mentionnée à l'article L. 146-9, ce placement peut être prolongé au-delà de l'âge de vingt ans ou, si l'âge limite pour lequel l'établissement est agréé est supérieur, au-delà de cet âge dans l'attente de l'intervention d'une solution adaptée, par une décision de la commission mentionnée à l'article L. 146-9 siégeant en formation plénière. / Cette décision s'impose à l'organisme ou à la collectivité compétente pour prendre en charge les frais d'hébergement et de soins dans l'établissement pour adulte désigné par la commission mentionnée à l'article L. 146-9. / La contribution de la personne handicapée à ces frais ne peut être fixée à un niveau supérieur à celui qui aurait été atteint si elle avait été effectivement placée dans l'établissement désigné par la commission mentionnée à l'article L. 146-9. De même, les prestations en espèces qui lui sont allouées ne peuvent être réduites que dans la proportion où elles l'auraient été dans ce cas. / (...) Lorsque le jeune adulte handicapé est orienté vers un établissement relevant de la compétence du département, le tarif journalier de l'établissement pour mineurs dans lequel le jeune adulte handicapé est maintenu est pris en charge par l'aide sociale du département dans lequel il a son domicile de secours. / Lorsque le jeune adulte handicapé est orienté vers un établissement et service mentionné au V de l'article L. 314-1, le prix de journée de l'établissement pour mineur à la charge de l'aide sociale du département est diminué du forfait journalier plafond afférent aux soins fixé pour l'exercice précédent, qui est facturé aux organismes d'assurance maladie. Dans les autres cas, ce tarif journalier est pris en charge par les organismes d'assurance maladie et est facturé par l'établissement à ces derniers. " ; aux termes de l'article L. 242-10 du même code : " Les frais d'hébergement et de soins dans les établissements ou services mentionnés au 2° du I de l'article L. 312-1 ainsi que les frais de soins concourant à cette éducation dispensée en dehors de ces établissements, à l'exception des dépenses incombant à l'Etat en application de l'article L. 242-1, sont intégralement pris en charge par les régimes d'assurance maladie, dans la limite des tarifs servant de base au calcul des prestations. / A défaut de prise en charge par l'assurance maladie, ces frais sont couverts au titre de l'aide sociale sans qu'il soit tenu compte des ressources de la famille. Il n'est exercé aucun recours en récupération des prestations d'aide sociale à l'encontre de la succession du bénéficiaire décédé lorsque ses héritiers sont son conjoint, ses enfants ou la personne qui a assumé, de façon effective et constante, la charge du handicapé. " ; aux termes de l'article L. 312-1 du même code : " I.- Sont des établissements et services sociaux et médico-sociaux, au sens du présent code, les établissements et les services, dotés ou non d'une personnalité morale propre, énumérés ci-après : / (...) 2° Les établissements ou services d'enseignement qui assurent, à titre principal, une éducation adaptée et un accompagnement social ou médico-social aux mineurs ou jeunes adultes handicapés ou présentant des difficultés d'adaptation ; / (...) ".
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 131-4 du code de l'action sociale et des familles : " Les décisions attribuant une aide sous la forme d'une prise en charge de frais d'hébergement peuvent prendre effet à compter de la date d'entrée dans l'établissement à condition que l'aide ait été demandée dans un délai fixé par voie réglementaire. " ; aux termes de l'article R. 131-2 du même code : " Sauf dispositions contraires, les demandes tendant à obtenir le bénéfice de l'aide sociale prévue aux titres III et IV du livre II prennent effet au premier jour de la quinzaine suivant la date à laquelle elles ont été présentées. / Toutefois, pour la prise en charge des frais d'hébergement des personnes accueillies dans un établissement social ou médico-social, habilité à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale ou dans un établissement de santé dispensant des soins de longue durée, la décision d'attribution de l'aide sociale peut prendre effet à compter du jour d'entrée dans l'établissement si la demande a été déposée dans les deux mois qui suivent ce jour. Ce délai peut être prolongé une fois, dans la limite de deux mois, par le président du conseil départemental ou le préfet. / Le jour d'entrée mentionné au deuxième alinéa s'entend, pour les pensionnaires payants, du jour où l'intéressé, faute de ressources suffisantes, n'est plus en mesure de s'acquitter de ses frais de séjour. ".
5. Par les dispositions précitées de l'article L. 242-4 du code de l'action sociale et des familles, le législateur a entendu prévoir tant la continuité de l'accueil du jeune handicapé adulte qui ne peut être immédiatement admis dans un établissement pour adultes désigné par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, que la continuité de la prise en charge des frais d'hébergement et de soins de l'intéressé. Il résulte également de ces dispositions que la décision de la commission décidant le maintien, dans l'attente d'une solution adaptée, dans un établissement ou service mentionné au 2° du I de l'article L. 312-1 du même code au-delà de l'âge de vingt ans ou, si l'âge limite pour lequel l'établissement agréé est supérieur, au-delà de cet âge, s'impose à l'organisme ou à la collectivité compétente pour prendre en charge ces frais dans l'établissement qu'elle désigne. Il suit de là que les délais prévus par l'article R. 131-2 du code de l'action sociale et des familles ne sont pas applicables lorsqu'une personne handicapée est maintenue sur décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées dans un établissement ou service pour mineurs ou jeunes adultes handicapés. Dans ce cas, la prise en charge des frais relevant de l'aide sociale doit prendre effet à compter de la date d'expiration de la prise en charge précédente.
6. Il résulte de l'instruction que, comme il a été dit, M. C... D..., né le 18 juillet 1995, était hébergé depuis le 14 septembre 2005 au sein de l'institut médico-adaptatif à Montigny-en-Ostrevent en internat permanent. Dès lors que M. D..., qui devait être orienté vers une structure d'accueil pour adultes, a été maintenu après l'anniversaire de ses vingt ans, le 18 juillet 2005, à l'institut médico-éducatif de Montigny-en-Ostrevent où il séjournait auparavant, par une décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées du Nord, les délais prévus par l'article R. 131-2 du code de l'action sociale et des familles n'étaient pas applicables à sa situation, et la prise en charge des frais relevant de l'aide sociale devait prendre effet à compter de la date d'expiration de la prise en charge précédente, soit, en l'espèce, à l'anniversaire de ses vingt ans, le 18 juillet 2005, sans que puisse y faire obstacle la circonstance que sa tutrice aurait déposé tardivement un dossier de demande tendant au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement. Par suite, le président du conseil départemental du Nord, en n'accordant le bénéfice de l'aide sociale que pour la période du 14 décembre 2016 au 30 juin 2018, a entaché d'une erreur de droit sa décision du 8 septembre 2017, confirmée sur recours gracieux le 30 octobre 2017. Dès lors, il convient d'annuler ces décisions en tant seulement qu'elles ont refusé le bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement pour la période allant du 18 juillet 2015 au 13 décembre 2016, d'annuler la décision du 20 novembre 2018 de la commission départementale d'aide sociale du Nord rejetant la demande de M. D..., et d'accorder à l'Association pour le soutien et l'action personnalisée dans le département du Nord, tutrice de M. D..., le bénéfice de l'aide sociale pour la période allant du 18 juillet 2015 au 13 décembre 2016.
DÉCIDE :
Article 1er : La décision du 20 novembre 2018 de la commission départementale d'aide sociale du Nord et les décisions du 8 septembre 2017 et du 30 octobre 2017 du président du conseil départemental du Nord sont annulées.
Article 2 : M. C... D... est admis au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement pour la période allant du 18 juillet 2015 au 13 décembre 2016.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Association pour le soutien et l'action personnalisée dans le département du Nord, tutrice de M. C... D..., au président du conseil départemental du Nord et au ministre des solidarités et de la santé.
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, président de chambre,
- M. A..., président assesseur,
- Mme Larsonnier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 septembre 2020.
Le rapporteur,
I. A...Le président,
H. VINOT
Le greffier,
Y. HERBERLa République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA00133