Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2019, le préfet du Val-de-Marne, représenté par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1800004 du 28 juin 2019 par lequel le Tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 8 décembre 2017 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de délivrer un titre de séjour à M. B..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Melun.
Il soutient que :
- il ne saurait lui être imputé les négligences commises par l'employeur de M. B... dans la réception de ses courriers ;
- la situation de M. B... ne répondant pas à des motifs exceptionnels, il aurait pris la même décision nonobstant une éventuelle réponse de la société Sud Nord Logistics ;
- la décision portant refus de séjour a été signée par une autorité compétente ;
- elle est motivée ;
- elle ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration ; la demande effectuée par la DIRECCTE auprès de la société Sud Nord Logistics n'avait pas à être transmise à M. B... ;
- elle ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il ne s'est pas estimé lié par l'avis de la DIRECCTE ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été signée par une autorité compétente ;
- elle est motivée ;
- la durée du délai de départ volontaire a été fixée en tenant compte de la situation personnelle de l'intéressé ;
- elle ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français a été signée par une autorité compétente ;
- elle est motivée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 avril 2020, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête du préfet du Val-de-Marne ;
2°) par la voie de l'appel incident, d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 10 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée et n'a pas fait l'objet d'un examen approfondi de sa situation ;
- le préfet a méconnu l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration en omettant de lui adresser une copie du courrier adressé à son employeur ;
- la décision portant refus de séjour méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale dès lors que le préfet n'a pas examiné la possibilité de lui octroyer un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ;
- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée et n'a pas fait l'objet d'un examen réel et sérieux ;
- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;
- elle méconnaît les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français.
La requête a été communiquée à la société Sud Nord Logistics, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Les parties ont été informées, par courrier en date du 27 avril 2020, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrégularité du jugement du 28 juin 2019 du Tribunal administratif de Melun qui a omis de prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions présentées par M. B..., la délivrance du titre de séjour salarié à M. B... le
31 mai 2018 ayant implicitement mais nécessairement abrogé l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 8 décembre 2017.
Une lettre d'observations en réponse au moyen relevé d'office a été enregistrée le 3 juin 2020 pour M. B....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Mach, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. M. B..., ressortissant béninois, né le 22 janvier 1982, est entré en France le 9 septembre 2009 selon ses déclarations. Employé par la société Sud Nord Logistics en qualité de chef de quai depuis le 9 mars 2016, il a sollicité, le 27 octobre 2016, la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 8 décembre 2017, le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Le préfet du Val-de-Marne relève appel du jugement du 28 juin 2019 par lequel le Tribunal administratif de Melun a annulé cet arrêté.
2. Il ressort des pièces du dossier, produites pour la première fois en appel, que le 30 mai 2018, postérieurement à l'introduction de la demande devant le Tribunal administratif de Melun, M. B... a été mis en possession du titre de séjour d'une validité d'un an qu'il sollicitait en qualité de salarié sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, suite au recours hiérarchique qu'il a formé auprès du ministre de l'intérieur à l'encontre de l'arrêté du 8 décembre 2017. La délivrance de ce titre a implicitement mais nécessairement abrogé l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 8 décembre 2017 refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de renvoi et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Dès lors, les conclusions de la demande de première instance tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 décembre 2017 étaient devenues sans objet. Le jugement du Tribunal administratif de Melun en date du 28 juin 2019, qui a statué sur cette demande, doit, dès lors, être annulé.
3. Il y a lieu d'évoquer les conclusions de la demande ainsi devenues sans objet au cours de la procédure de première instance et de constater qu'il n'y a pas lieu d'y statuer. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par M. B... en appel à fin d'injonction.
4. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. B... au titre des frais exposés en appel et non compris dans les dépens sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1800004 du 28 juin 2019 du Tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Melun.
Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions présentées en appel par M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à la société Sud Nord Logistics et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 11 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme A..., président de chambre,
- Mme F..., présidente assesseure,
- Mme Mach, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 septembre 2020.
Le rapporteur,
A-S. MACHLe président,
M. A...Le greffier,
A. BENZERGUA La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA02496