Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 24 avril 2019, la compagnie nationale Royal Air Maroc, représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cette décision ou de la décharger du paiement de l'amende ;
3)° à titre subsidiaire, de réduire le montant de l'amende ;
Elle soutient que :
- le montant de l'amende est disproportionné dès lors que la passagère en cause ne pouvait, à la date de son débarquement, être assimilée à une étrangère en situation irrégulière sur le territoire français ; en effet, elle était en possession de documents lui permettant de séjourner et de travailler sur le territoire français ainsi que de franchir les frontières de l'espace Schengen, au moins jusqu'au 1er août 2016 ;
- les autorités marocaines n'ont pas relevé d'irrégularité dans les documents présentés par la passagère à l'aéroport de Casablanca ;
- les erreurs commises par l'agent d'embarquement, à les supposer établies, ne sont pas manifestes et ne justifient pas le prononcé d'une amende à son montant maximum.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 novembre 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des transports ;
- le décret n° 2020-1404 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La compagnie nationale Royal Air Maroc relève appel du jugement du 26 février 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 15 juin 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé une amende de 10 000 euros pour avoir, le 6 juillet 2016, débarqué sur le territoire français une passagère de nationalité congolaise, démunie de visa Schengen et ayant présenté un récépissé de demande de carte de séjour manifestement contrefait ou, à titre subsidiaire, à la réduction du montant de l'amende.
2. Les dispositions de l'article L. 6421-2 du code des transports et celles des articles L. 625-1 et L. 625-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile font obligation aux transporteurs aériens de s'assurer, au moment des formalités d'embarquement, que les voyageurs ressortissants d'Etats non membres de l'Union européenne sont en possession de documents de voyage leur appartenant, le cas échéant revêtus des visas exigés par les textes, non falsifiés et valides. Si elles n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de conférer au transporteur un pouvoir de police aux lieu et place de la puissance publique, elles lui imposent de vérifier que l'étranger est muni des documents de voyage et des visas éventuellement requis et que ceux-ci ne comportent pas d'éléments d'irrégularité manifeste, décelables par un examen normalement attentif des agents de l'entreprise de transport. En l'absence d'une telle vérification, à laquelle le transporteur est d'ailleurs tenu de procéder en vertu de l'article L. 6421-2 du code des transports, le transporteur encourt l'amende administrative prévue par les dispositions citées ci-dessus.
3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la passagère en cause, Mme E..., ressortissante congolaise, qui était soumise à l'obligation de visa en vertu des dispositions de l'annexe I au règlement (CE) n° 539/2001 du 15 mars 2001 fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des Etats membres, a, lors de son débarquement le 6 juillet 2016, présenté un passeport congolais démuni de visa Schengen mais sur lequel était apposé un visa de retour sous forme de timbre humide. Contrairement à ce que soutient la compagnie nationale Royal Air Maroc, ce visa comportait des irrégularités manifestes, décelables par un examen normalement attentif des agents procédant à l'embarquement des passagers, en ce que, notamment, y figuraient les mentions " Préfecture de Bobigny " en lieu et place de " Préfecture de la Seine-Saint-Denis " ainsi que " voyage d'Afrique " en lieu et place de " voyage de France " et qu'il ne comportait pas de signature au-dessous de la mention " Pour le préfet ". La passagère a en outre présenté un récépissé de demande de carte de séjour, délivré aux fins d'obtention d'un premier titre de séjour. La présentation d'un tel document, qui n'a pas valeur de titre de séjour selon les dispositions combinées des articles 2, paragraphe 16 b) et 6 du règlement européen n° 2016/399 du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen), constituait également un élément d'irrégularité manifeste, décelable par un examen normalement attentif des agents d'embarquement, ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres éléments d'irrégularité que comportait le récépissé précité, le ministre de l'intérieur a pu légalement faire application des dispositions précitées de l'article L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et infliger à la compagnie nationale Royal Air Maroc une amende sur ce fondement.
4. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours de pleine juridiction contre la décision infligeant une amende sur le fondement des dispositions législatives précitées, de statuer sur le bien-fondé de la décision attaquée et de réduire, le cas échéant, le montant de l'amende infligée en tenant compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce.
5. Il résulte de l'instruction qu'en raison du caractère aisément décelable des irrégularités constatées consistant en l'absence de détention, par la passagère susmentionnée, d'un visa l'autorisant à pénétrer dans l'espace Schengen et de la présentation d'un document n'autorisant pas le franchissement des frontières, l'agent de la compagnie ne pouvait que constater que l'intéressée ne respectait pas ces formalités. La compagnie nationale Royal Air Maroc ne saurait à cet égard utilement soutenir que Mme E... ne pouvait être assimilée à une étrangère en situation irrégulière sur le territoire français ni qu'elle aurait été nécessairement interpellée par la police marocaine aux frontières ou par les agents de sûreté aéroportuaire si l'irrégularité était manifeste. Par suite, la compagnie nationale Royal Air Maroc n'est pas fondée à soutenir qu'en retenant à son encontre le montant maximum de l'amende prévu par les dispositions précitées, le ministre de l'intérieur aurait commis une erreur d'appréciation.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la compagnie nationale Royal Air Maroc n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la compagnie nationale Royal Air Maroc est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la compagnie nationale Royal Air Maroc et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 11 décembre 2020 à laquelle siégeaient :
- Mme A..., présidente,
- M. B..., premier conseiller,
- Mme Portes, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 décembre 2020.
Le rapporteur,
P. B...
Le président,
M. A... Le greffier,
A. BENZERGUA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 19PA01411