Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 12 septembre 2019, la compagnie nationale Royal Air Maroc, représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cette décision ou, à défaut, de réduire le montant de l'amende à la somme de 750 euros.
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 750 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le passager étant en situation régulière sur le territoire français à la date de son débarquement, il n'est pas justifié de prononcer une amende au montant maximum de 10 000 euros, compte tenu de l'objectif du législateur de lutter contre l'immigration irrégulière ;
- le montant de l'amende est disproportionné.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (CE) n° 539/2001 du Conseil du 15 mars 2001 ;
- le règlement (UE) n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des transports ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision R/17-0248 du 28 septembre 2017, le ministre de l'intérieur a infligé à la compagnie nationale Royal Air Maroc, sur le fondement de l'article L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une amende de 10 000 euros pour avoir, le 5 mars 2017, débarqué sur le territoire français une personne de nationalité marocaine, titulaire d'un passeport non revêtu d'un visa Schengen. La compagnie nationale Royal Air Maroc relève appel du jugement du 12 juillet 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 6421-2 du code des transports : " Le transporteur ne peut embarquer les passagers pour un transport international qu'après justification qu'ils sont régulièrement autorisés à atterrir au point d'arrivée et aux escales prévues ". Par ailleurs, selon l'article L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'entreprise de transport aérien ou maritime qui débarque sur le territoire français, en provenance d'un Etat avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen, un étranger non ressortissant d'un Etat de l'Union européenne et démuni du document de voyage et, le cas échéant, du visa requis par la loi ou l'accord international qui lui est applicable en raison de sa nationalité est punie d'une amende d'un montant maximum de 10 000 euros. Toutefois, en vertu du 2° de l'article L. 625-5, l'amende n'est pas infligée lorsque l'entreprise de transport établit que les documents requis lui ont été présentés au moment de l'embarquement et qu'ils ne comportaient pas d'élément d'irrégularité manifeste.
3. Ces dispositions imposent à l'entreprise de transport de vérifier que l'étranger est muni des documents de voyage et des visas éventuellement requis et que ceux-ci ne comportent pas d'irrégularité manifeste, décelable par un examen normalement attentif de ses agents. En l'absence d'une telle vérification, le transporteur encourt l'amende administrative prévue par les dispositions précitées.
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : / 1° Des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur (...) ". Aux termes de l'article 2 du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du
9 mars 2016 : " Aux fins du présent règlement, on entend par : / (...) 16) "titre de séjour" : / a) tous les titres de séjour délivrés par les Etats membres selon le format uniforme prévu par le règlement (CE) no 1030/2002 du Conseil (23), ainsi que les cartes de séjour délivrées conformément à la directive 2004/38/CE ; / b) tous les autres documents délivrés par un Etat membre aux ressortissants de pays tiers et leur autorisant le séjour sur son territoire qui ont fait l'objet d'une notification puis d'une publication conformément à l'article 39, à l'exception des documents suivants: / i) titres temporaires délivrés dans l'attente de l'examen d'une première demande de titre de séjour tel que visé au point a) (...) ". Aux termes de l'article 6 du même règlement : " Pour un séjour prévu sur le territoire des Etats membres, d'une durée n'excédant pas 90 jours sur toute la période de 180 jours, ce qui implique d'examiner la période de 180 jours précédant chaque jour de séjour, les conditions d'entrée pour les ressortissants de pays tiers sont les suivantes : a) être en possession d'un document de voyage en cours de validité autorisant son titulaire à franchir la frontière qui remplisse les critères suivants (...) ; b) être en possession d'un visa en cours de validité si celui-ci est requis en vertu du règlement (CE) no 539/2001 du Conseil sauf s'ils sont titulaires d'un titre de séjour ou d'un visa de long séjour en cours de validité (...) ". L'article 1er du règlement (CE) n° 539/2001 du Conseil du 15 mars 2001 susvisé dispose que les ressortissants des pays tiers figurant sur la liste de l'annexe I doivent être munis d'un visa lors du franchissement des frontières extérieures des Etats membres, à l'exclusion du transit aéroportuaire. Le Maroc fait partie des pays figurant sur la liste de cette annexe.
5. Ainsi que l'a à bon droit rappelé le tribunal au point 5 de son jugement, l'article 2 du règlement n° 562/2006, non modifié sur ce point par le règlement n° 2016/399, exclut expressément de la notion de titre de séjour les titres temporaires délivrés au cours de l'examen d'une première demande de titre de séjour ou d'une demande d'asile.
6. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours de pleine juridiction contre la décision infligeant une amende sur le fondement des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de statuer sur le bien-fondé de la décision contestée et de réduire, le cas échéant, le montant de l'amende infligée en tenant compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce.
7. Il résulte de l'instruction que le passager débarqué le 5 mars 2017 par la compagnie nationale Royal Air Maroc n'était muni, outre son passeport marocain dépourvu de visa permettant l'entrée dans l'espace Schengen, que d'un récépissé de demande d'un premier titre de séjour sur le territoire français qui, en application des dispositions combinées des articles 2 et 6 du règlement (UE) n° 2016/399, ne lui permettait pas de déroger à l'obligation de présentation d'un visa. Par ailleurs, cette absence des documents requis pour entrer sur le territoire français était aisément décelable au terme d'un examen normalement attentif par un agent d'embarquement rompu au contrôle des documents de voyage. Il s'ensuit que le ministre de l'intérieur a pu légalement faire application des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et infliger à la compagnie nationale Royal Air Maroc une amende sur ce fondement.
8. Nonobstant la présentation par le passager du récépissé de demande de titre de séjour mentionné au point 7 et quels que soient les droits qu'un tel récépissé confère à son titulaire lorsqu'il se trouve déjà sur le territoire national, la Compagnie nationale Royal Air Maroc n'établit l'existence d'aucune circonstance particulière de nature à justifier une réduction du montant de l'amende prononcée à son encontre. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le montant de l'amende n'était pas disproportionné et que la compagnie nationale Royal Air Maroc n'était pas fondée à demander la réduction de l'amende qui lui a été infligée.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la Compagnie nationale Royal Air Maroc n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la compagnie nationale Royal Air Maroc est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la compagnie nationale Royal Air Maroc et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 9 avril 2021 à laquelle siégeaient :
- Mme A..., président de chambre,
- M. B..., premier conseiller,
- Mme Portes, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 avril 2021.
Le rapporteur,
P. B...
Le président,
M. A... Le greffier,
A. BENZERGUA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA02963