Procédure devant la Cour :
I°/ Par une requête n° 20PA03586, enregistrée le 26 novembre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2008375 du 30 octobre 2020 du Tribunal administratif de Montreuil ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Montreuil.
Il soutient que :
- c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil s'est fondé sur la méconnaissance des articles R. 743-1 et R 213-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler l'arrêté attaqué ; la fiche Telemofpra qu'il produit démontre la notification régulière de la décision de la Cour nationale du droit d'asile à M. A... ;
- les autres moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 février 2021, M. A..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit admis à l'aide juridictionnelle à titre provisoire et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de la Seine-Saint-Denis ne sont pas fondés.
II°/ Par une requête n° 20PA03589, enregistrée le 26 novembre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 2008375 du 30 octobre 2020 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du
30 juillet 2020.
Il soutient que les conditions fixées par l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont en l'espèce remplies.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 février 2021, M. A..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit admis à l'aide juridictionnelle à titre provisoire et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de la Seine-Saint-Denis ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B..., président, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant bangladais, né 5 avril 1988, est entré en France le
15 novembre 2018 selon ses déclarations. Le 16 janvier 2019, il a présenté une demande d'admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 28 février 2019, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 2 juin 2020. Par un arrêté du 30 juillet 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Le préfet de la Seine-Saint-Denis relève appel du jugement du 30 octobre 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté.
2. Les requêtes enregistrées sous les nos 20PA03586 et 20PA03589 concernant le même jugement du Tribunal administratif de Montreuil, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur la requête n° 20PA03586 :
3. Aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1 dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent. ". Il résulte de ces dispositions que l'étranger qui demande l'asile a le droit de séjourner sur le territoire national à ce titre jusqu'à ce que la décision rejetant sa demande lui ait été notifiée régulièrement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé devant elle, par la Cour nationale du droit d'asile et que, en l'absence d'une telle notification, l'autorité administrative ne peut regarder l'étranger à qui l'asile a été refusé comme ne bénéficiant plus de son droit provisoire au séjour ou comme se maintenant irrégulièrement sur le territoire. Aux termes de l'article R. 733-32 du même code : " Le secrétaire général de la cour notifie la décision de la cour au requérant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article R. 213-6. Il la notifie également au directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides. La cour communique au préfet compétent et, à Paris, au préfet de police, lorsque ceux-ci en font la demande, copie de l'avis de réception ". Aux termes de l'article R. 213-6 du même code : " L'étranger est informé, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, du caractère positif ou négatif de la décision prise par le ministre chargé de l'immigration en application de l'article L. 213-8-1 (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 72319 du même code : " (...) III.- La date de notification de la décision de l'office et, le cas échéant, de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'office et est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français
de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques fait foi jusqu'à preuve du contraire ".
4. Il ressort de la fiche TelemOfpra, produite pour la première fois en appel par le préfet de la Seine-Saint-Denis, que la décision prise par la Cour nationale du droit d'asile le 2 juin 2020 sur le recours formé par M. A... contre la décision de rejet de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 28 février 2019 lui a été notifiée le 5 juin 2020. Aucun des éléments versés au dossier ne permet de remettre en cause l'exactitude des mentions portées sur cette pièce qui, en vertu des dispositions précitées du III de l'article R. 72319 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, fait foi jusqu'à preuve du contraire. Si M. A... affirme que cette notification n'a pas été effectuée dans une langue qu'il comprend, en méconnaissance de l'article R. 213-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne produit aucun élément et, notamment, les documents qu'il a nécessairement reçus de la CNDA, pour justifier du bien-fondé de ses allégations. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur le moyen tiré du défaut de notification régulière de la décision de la CNDA pour annuler la décision obligeant M. A... à quitter le territoire français ainsi que, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de renvoi.
5. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A... devant le Tribunal administratif de Montreuil.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ". Aux termes de l'article L. 211-5 de ce code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
7. La décision attaquée vise les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment ses articles L. 511-1 à L. 511-4. Elle précise que la demande d'asile de l'intéressé a été rejetée par décision de l'OFPRA du 28 février 2019, confirmée par la CNDA le 2 juin 2020 et que, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Enfin, elle mentionne que le requérant n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, la décision attaquée, qui contient l'exposé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée.
8. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de la décision contestée, ni d'aucune pièce du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'aurait pas procédé à un examen complet et personnel de la situation de M. A.... Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de sa situation personnelle doit être écarté.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires réglées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Aux termes de l'article 51 de cette charte : " 1. Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions et organes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union. En conséquence, ils respectent les droits, observent les principes et en promeuvent l'application, conformément à leurs compétences respectives. / (...) ". Si le moyen tiré de la violation de l'article 41 précité par un Etat membre de l'Union européenne est inopérant, dès lors qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que cet article ne s'adresse qu'aux organes et aux organismes de l'Union, le droit d'être entendu, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
10. Or, lorsqu'il présente une demande d'asile, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche, qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de rejet de sa demande d'asile, il pourra faire l'objet d'un refus de titre de séjour et, lorsque la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui a été définitivement refusé, d'une mesure d'éloignement du territoire français. Il lui appartient, lors du dépôt de sa demande d'asile, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles et notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Il lui est loisible, tant au cours de l'instruction de sa demande, qu'après que l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ont statué sur sa demande d'asile, de faire valoir auprès de l'administration toute information complémentaire utile.
11. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas contesté que M. A... a été entendu par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et la Cour nationale du droit d'asile dans le cadre de l'examen de sa demande d'asile. De plus, le requérant n'établit pas ni même n'allègue qu'il aurait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux ou qu'il aurait été empêché de présenter ses observations avant que ne soit prise la mesure d'éloignement litigieuse. Par suite, et alors que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'était pas tenu d'inviter M. A... à formuler des observations avant l'édiction de cette mesure, le moyen tiré de la méconnaissance du droit de l'intéressé à être entendu ne peut qu'être écarté.
12. En quatrième et dernier lieu, M. A..., célibataire et sans charge de famille en France, n'établit pas être réellement inséré en France, ni être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 30 ans. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en l'obligeant à quitter le territoire français. Pour les mêmes motifs, il n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
13. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant entachée d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi doit, en conséquence, être écarté.
14. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".
15. M. A... soutient qu'en tant que membres de Jubo Dal, branche étudiante du Parti Nationaliste du Bangladesh, il risquerait d'être exposé à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Toutefois, d'une part, ainsi qu'il a été exposé aux points précédents, sa demande tendant à obtenir le statut de réfugié a été rejetée par l'OFPRA puis par la CNDA. D'autre part, il ne produit aucun justificatif nouveau à l'appui de ses allégations. Dans ces conditions, il n'établit pas l'existence d'une menace actuelle et personnelle en cas de retour au Bengladesh. Ainsi, la décision en litige ne méconnaît pas les stipulations et dispositions précitées et ces moyens ne peuvent qu'être écartés.
16. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de renvoi.
Sur la demande de sursis à exécution :
17. Le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation du jugement n° 2008375 du 30 octobre 2020 du Tribunal administratif de Montreuil, les conclusions de la requête n° 20PA03589 tendant au sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet.
Sur les frais des instances susvisées :
18. Il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées devant la Cour par M. A... sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 20PA03589 du préfet de la
Seine-Saint-Denis.
Article 2 : Le jugement n° 2008375 du 30 octobre 2020 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.
Article 3 : La demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Montreuil et ses conclusions présentées devant la Cour sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 9 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme B..., président de chambre,
- M. Mantz, premier conseiller,
- Mme Portes, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 avril 2021.
Le président-rapporteur,
M. B...L'assesseur le plus ancien,
P. MANTZLe greffier,
A.BENZERGUA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Nos 20PA03586... 2