Procédure devant la Cour :
I. Par une requête enregistrée le 7 décembre 2020 sous le n° 20PA03791, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 2 à 4 du jugement n° 2016804/8 du 10 novembre 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a retenu comme fondé le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 ;
- les autres moyens soulevés par M. B... en première instance ne sont pas fondés ;
- le tribunal administratif ne pouvait lui enjoindre de délivrer à M. B... une attestation de demandeur d'asile en procédure normale, la situation de l'intéressé relevant de la procédure accélérée.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 28 janvier 2021.
La requête a été communiquée à M. B... qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
II. Par une requête, enregistrée le 9 décembre 2020 sous le n° 20PA03843, le préfet de police demande à la Cour d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement n° 2016804/8 du 10 novembre 2020 du tribunal administratif de Paris.
Il soutient que les conditions fixées par l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont remplies.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 28 janvier 2021.
La requête a été communiquée à M. B..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n°2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant afghan né le 6 juillet 1982, a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile le 18 août 2020. Par un arrêté du 30 septembre 2020, le préfet de police a ordonné son transfert aux autorités autrichiennes. Le préfet de police relève appel du jugement du
10 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, et demande en outre à la Cour d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.
2. Les requêtes susvisées n° 20PA03791 et n° 20PA03843, présentées par le préfet de police tendent respectivement à l'annulation et au sursis à exécution du même jugement du 10 novembre 2020 du tribunal administratif de Paris et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.
Sur la requête n° 20PA03791 :
- Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Paris :
3. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
4. Pour annuler l'arrêté portant transfert de M. B... aux autorités autrichiennes au motif qu'il méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le premier juge s'est fondé, d'une part, sur la circonstance que le tribunal administratif (Bundesverwaltungsgericht) de Vienne a, le 26 juin 2020, rejeté le recours présenté par M. B... contre la décision de l'office fédéral autrichien des étrangers et de l'asile (Bundesamt für Fremdenwesen und Asyl) ayant rejeté sa demande de protection internationale ainsi que sur l'allégation de M. B... selon laquelle la Cour constitutionnelle (Verfassungsgerichtshof) aurait, le 9 juillet 2020, refusé d'examiner son recours contre ce jugement de sorte que l'office fédéral autrichien des étrangers et de l'asile l'a convoqué dans l'objectif qu'il quitte le territoire autrichien et, d'autre part, sur l'appréciation selon laquelle l'intéressé serait obligé, en cas de renvoi dans son pays d'origine, de passer par Kaboul, où il se trouverait exposé à un risque réel de subir des traitements inhumains ou dégradants.
5. Cependant, l'arrêté en litige a seulement pour objet de renvoyer l'intéressé en Autriche et non dans son pays d'origine. De plus l'Autriche, Etat membre de l'Union européenne, est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Or M. B..., s'il produit des extraits d'articles de presse et de rapports internationaux sur la situation en Afghanistan faisant état de ce que des gouvernements occidentaux procèdent à des renvois vers ce pays, ne produit aucun élément de nature à établir qu'il existerait de sérieuses raisons de croire à l'existence de défaillances systémiques en Autriche dans la procédure d'asile. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier, à supposer même que la demande d'asile de M. B... a fait l'objet d'un rejet par une décision de l'Office fédéral pour l'Immigration et l'Asile du 31 janvier 2020 devenu définitif, que les autorités autrichiennes n'évalueront pas, avant de procéder à un éloignement effectif de l'intéressé, les risques auxquels il serait exposé en cas de retour en Afghanistan. Dans ces conditions, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé l'arrêté du 30 septembre 2020 au motif qu'il méconnaitrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
6. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Paris.
- Sur les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal :
7. En premier lieu, par un arrêté n° 2020-00508 du 16 juin 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Paris du même jour, le préfet de police a donné à Mme F... E..., attachée principale d'administration de l'Etat au sein du 12ème bureau de la direction de la police générale de la préfecture de police et signataire de l'arrêté contesté, délégation à effet de signer tous les actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure la police des étrangers. Le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été signé par une autorité incompétente doit, par suite, être écarté comme manquant en fait.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Et aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. (...) ".
9. Il résulte de ces dispositions que la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.
10. Selon l'avis n° 420900 du 7 décembre 2018 du Conseil d'Etat, lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile sur le territoire d'un autre Etat membre, elle peut être transférée vers cet Etat, à qui il incombe de la reprendre en charge, sur le fondement des b), c) et d) du paragraphe 1 de l'article 18 du chapitre V et du paragraphe 5 de l'article 20 du chapitre VI du règlement (UE) n° 604/2013. Cet avis expose en outre qu'est suffisamment motivée, au sens des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une décision de transfert qui mentionne le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application. L'avis précise à titre d'exemple que, s'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.
11. La décision de transfert en litige vise, notamment, le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle indique que M. B..., de nationalité afghane, a demandé l'asile en France le 18 août 2020, que la comparaison de ses empreintes digitales au moyen du système " Eurodac " a révélé qu'il avait sollicité l'asile auprès des autorités autrichiennes le 25 septembre 2019, expose que les critères prévus par le chapitre III ne sont pas applicables à sa situation et que les autorités autrichiennes doivent être regardées comme responsables de sa demande d'asile. Elle précise que ces autorités, qui ont été saisies le 19 août 2020 d'une demande de reprise en charge de l'intéressé en application de l'article 18-1-b du règlement (UE) n° 604/2013 ont fait connaître leur accord le
21 août 2020 sur le même fondement de ce règlement. Ainsi, au regard des précisions apportées par l'avis n° 420900 du 7 décembre 2018 du Conseil, rappelées au point 9, la décision expose, de façon suffisamment précise, les considérations de droit et de fait qui ont conduit le préfet de police à estimer, sur le fondement des dispositions de l'article 18-1-b du règlement (UE) n° 604/2013 du
26 juin 2013, que l'Autriche est responsable de l'examen de la demande d'asile de M. B....
12. De plus, la décision en litige indique que la situation de M. B... ne relève pas des dérogations prévues par les articles 3-2 ou 17 du règlement (UE) n° 604/2013, qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au respect de son droit à la vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et enfin, qu'il n'établit pas de risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités de l'Etat responsable de sa demande d'asile. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision contestée ne satisferait pas à l'exigence de motivation posée aux articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration et à l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
13. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Droit à l'information / 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. (...) ".
14. Il ressort des pièces du dossier que M. B... s'est vu remettre contre signature, en langue dari, le 18 août 2020, la brochure intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " (brochure A), la brochure intitulée " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " (brochure B), le guide du demandeur d'asile et la brochure Eurodac. M. B... ne produit aucun début de preuve au soutien de ses allégations, d'ailleurs contraires aux vignettes qu'il a signées, selon lesquelles les brochures ne lui auraient pas été remises dans leur intégralité. En outre, si M. B... soutient qu'il n'a pas eu communication de la notice d'information pour les personnes dont l'examen de la demande d'asile relève de la compétence de la France et portant sur le choix de la langue dans laquelle ils souhaitent être entendus, il ressort des pièces du dossier que celle-ci lui a également été remise le 18 août 2020 contre signature. Dans ces conditions, et alors que les documents lui ont été remis en langue dari, l'une des deux langues officielles de l'Afghanistan, dont l'intéressé n'a ni allégué, ni établi qu'il ne la comprendrait pas, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé de la garantie tenant au droit à l'information tel que garanti par l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013.
15. En quatrième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) . / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. ".
16. La conduite de l'entretien par une personne qualifiée en vertu du droit national constitue, pour le demandeur d'asile, une garantie. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a bénéficié d'un tel entretien le 18 août 2020 dans les locaux de la préfecture de police, que cet entretien a été réalisé en présence d'un interprète en langue dari, langue que l'intéressé, ainsi qu'il a été dit, n'a ni allégué ni établi ne pas comprendre. De même, il ressort du résumé de l'entretien que que M. B... a eu la possibilité de faire part de toute information pertinente relative à la détermination de l'Etat responsable alors que l'intéressé ne fait état devant la Cour d'aucun élément laissant supposer que cet entretien ne se serait pas déroulé dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article 5 du règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013. En outre, si le résumé de l'entretien individuel, dont M. B... a eu connaissance comme l'atteste l'apposition de sa signature, ne mentionne pas le nom et la qualité de l'agent qui a conduit l'entretien, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a été reçu par un agent du 12ème bureau de la direction de la police générale en charge de l'asile à la préfecture de police. Dès lors que l'entretien de M. B... a ainsi été mené par une personne qualifiée au sens du 5 de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013, l'absence d'indication de l'identité de l'agent ayant conduit l'entretien est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie dès lors qu'elle n'a pas privé M. B... de la garantie tenant au bénéfice de cet entretien et à la possibilité de faire valoir toutes observations utiles et, en l'espèce, n'a pas été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise. Par ailleurs, il ne résulte ni des dispositions du règlement (UE) du 26 juin 2013, ni d'aucune autre disposition législative ou règlementaire que l'agent chargé de mener l'entretien individuel en vue de déterminer l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile, qui revêt le caractère d'une mesure préparatoire, devrait bénéficier d'une délégation de signature du préfet de police. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait méconnu les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.
17. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (...) ".
18. Il ressort des pièces du dossier, et ainsi qu'il a été dit au point 16 du présent arrêt, qu'un entretien individuel a été accordé à M. B... le 18 août 2020, à l'occasion duquel l'intéressé a pu faire part de sa situation personnelle et de ses conditions d'entrée. M. B..., qui a signé le procès-verbal de son audition sur lequel a été apposé la mention " Observations : l'administré n'a pas d'autre déclaration ", n'est dès lors pas fondé à soutenir qu'il aurait été empêché de présenter des observations écrites ou aurait été privé d'une procédure contradictoire ou du droit d'être entendu. Le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux aurait été pris en méconnaissance des dispositions citées par M. B..., qui d'ailleurs figurent à l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration et non à l'article L. 211-5 de ce code ainsi que le prétend cette demande, doit dès lors être écarté.
19. En sixième lieu, les dispositions de l'article 24 du règlement n° 604/2013 régissent la procédure applicable aux requêtes aux fins de reprise en charge lorsque aucune nouvelle demande d'asile n'a été introduite dans l'Etat membre procédant au transfert de l'intéressé. La situation de
M. B... ne relevant pas de ces dispositions dès lors qu'il a présenté une demande d'asile aux autorités françaises, ainsi qu'il a été dit au point 1, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 24 du règlement n°604/2013 comme inopérant.
20. En septième lieu, aux termes de l'article 23 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Lorsqu'un Etat membre auprès duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu'un autre Etat membre est responsable conformément à l'article 20, paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre Etat membre aux fins de reprise en charge de cette personne. / 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac (" hit "), en vertu de l'article 9 paragraphe 5, du règlement (UE) n° 603/2013. ". Aux termes de l'article 25 du même règlement : " 1. L'État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de reprise en charge de la personne concernée aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n'excédant pas un mois à compter de la date de réception de la requête. Lorsque la requête est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines. / 2. L'absence de réponse à l'expiration du délai d'un mois ou du délai de deux semaines mentionnés au paragraphe 1 équivaut à l'acceptation de la requête, et entraîne l'obligation de reprendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée ".
21. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de police a saisi le 19 août 2020 les autorités autrichiennes d'une demande de reprise en charge de la demande d'asile de M. B... sur la base des résultats positifs du système Eurodac communiqués le 18 août 2020 et que, par une réponse en date du 21 août 2020, les autorités autrichiennes ont accepté leur responsabilité sur le fondement des dispositions de l'article 18-1 b) du règlement n° 604/2013. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, faute pour le préfet de police de justifier avoir procédé aux diligences requises par les dispositions précitées, doit être ainsi écarté.
22. En huitième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 26 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté comme inopérant dès lors qu'il ne concerne pas la légalité de l'arrêté en litige, les conditions de notification de l'arrêté préfectoral portant remise aux autorités autrichiennes étant en elles-mêmes sans influence sur sa régularité.
23. En neuvième lieu, aux termes de l'article 18 du règlement n° 604/2013 susvisé du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre; (...) ". Aux termes de l'article 3 du même règlement : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. Lorsque aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen. ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement ". Aux termes de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
24. D'une part, et ainsi qu'il a été dit au point 5 du présent arrêt, M. B... n'établit pas qu'il existerait de sérieuses raisons de croire à l'existence de défaillances systémiques en Autriche dans la procédure d'asile ni que les autorités autrichiennes n'évalueront pas, avant de procéder à un éventuel éloignement effectif de l'intéressé, les risques auxquels il serait exposé en cas de retour en Afghanistan.
25. D'autre part, M. B... soutient qu'il souffre d'un traumatisme psychologique et que son transfert aux autorités autrichiennes, qui implique un risque de renvoi en Afghanistan, aura des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé, l'exposant ainsi à des risques de traitements inhumains et dégradants. Toutefois, l'intéressé ne produit aucun élément de nature à attester de la réalité de la pathologie dont il se prévaut. En tout état de cause, et alors que l'arrêté en litige n'a pas pour objet de renvoyer M. B... dans son pays d'origine, l'intéressé n'établit pas ni même n'allègue qu'une prise en charge médicale appropriée à son état de santé ne pourrait pas lui être dispensée en Autriche. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait méconnu les stipulations de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et les dispositions de l'article 3-2 du règlement n° 604/2013 en prononçant son transfert aux autorités autrichiennes, ni qu'il aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant d'appliquer les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013.
26. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 30 septembre 2020 décidant la remise aux autorités autrichiennes de M. B..., lui a enjoint de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile en procédure normale et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, et à demander en conséquence l'annulation de ce jugement.
Sur la requête n° 20PA03843 :
27. La Cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête n° 20PA03791 du préfet de police tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris du 10 novembre 2020, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 20PA03843 par laquelle le préfet de police sollicite de la Cour le sursis à exécution du jugement.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 20PA03843.
Article 2 : Les articles 2 à 4 du jugement n° 2016804/8 du 10 novembre 2020 du tribunal administratif de Paris sont annulés.
Article 3 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 15 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme A..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2021.
La présidente de la 8ème chambre,
H. VINOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°s 20PA03791, 20PA03843