Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 21 décembre 2020, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 2018244/8 du 27 novembre 2020 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. D... devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- l'arrêté n'est pas entaché d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 ;
- le motif d'annulation du jugement attaqué n'impliquait pas la délivrance d'une attestation de demande d'asile en procédure normale, mais en procédure accélérée en application du 2° du III de l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté n'est pas entaché d'incompétence ;
- il est suffisamment motivé et témoigne d'un examen complet de la situation de l'intéressé ;
- il ne méconnaît pas les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 ;
- il ne méconnaît pas les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 ;
- il ne méconnaît pas les dispositions des articles 15, 18 et 19 du règlement (CE) n° 1560/2003 et de l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 ;
- il n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 et ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
La requête a été communiquée à M. D... qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003, modifié par le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C..., a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant afghan né le 13 novembre 1996, a fait l'objet d'un arrêté du 2 novembre 2020, notifié le même jour, par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités suédoises responsables de l'examen de sa demande d'asile. Le préfet de police relève appel du jugement 27 novembre 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 2 novembre 2020 et lui a enjoint de procéder à l'enregistrement de la demande d'asile de M. D....
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
2. D'une part, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'état membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des états membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, intégré dans le chapitre II de ce règlement intitulé " Principes généraux et garanties " : " 1. Les états membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul état membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. Lorsque aucun Etat membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier Etat membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen (...) ". Le chapitre III de ce règlement est intitulé " Critères de détermination de l'Etat responsable ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 18 du même règlement, intégré dans le chapitre V du règlement, intitulé " Obligations de l'Etat membre responsable " : " 1. L'état membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre état membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre état membre; (...) d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre état membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre état membre. (...) ".
4. L'arrêté du 27 mai 2020 du préfet de police, qui fonde la remise de M. D... aux autorités suédoises sur les dispositions de l'article 18-1 d) du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 relatives à la reprise en charge d'un demandeur d'asile par un Etat membre de l'Union Européenne, expose notamment que celui-ci a présenté une demande de protection internationale en Hongrie puis en Suède avant de solliciter l'asile auprès des autorités nationales, et porte l'appréciation selon laquelle les critères mentionnés au chapitre III du règlement (UE) n° 604/2013 ne sont pas applicables à sa situation. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que, pour annuler cet arrêté, le premier juge a déduit de ces circonstances que les dispositions de l'article 18-1 de ce règlement devaient être combinées avec celles de l'article 3 du même règlement, et a estimé qu'en application de la combinaison de ces dispositions l'état membre responsable de l'examen de la demande d'asile de M. D... était non pas la Suède mais le premier État membre auprès duquel il avait introduit sa demande de protection internationale, c'est-à-dire la Hongrie.
5. Cependant, selon l'avis n° 420900 du 7 décembre 2018 du Conseil d'Etat, lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile sur le territoire d'un autre Etat membre, elle peut être transférée vers cet Etat, à qui il incombe de la reprendre en charge, sur le fondement des b), c) et d) du paragraphe 1 de l'article 18 du chapitre V et du paragraphe 5 de l'article 20 du chapitre VI du règlement (UE) n° 604/2013. Cet avis expose en outre qu'est suffisamment motivée, au sens des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une décision de transfert qui mentionne le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application. L'avis précise à titre d'exemple que, s'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.
6. Il ressort en outre de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de son arrêt n° C-582/217 et C-583/17 du 2 avril 2019, au point 52, que les b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 ne trouve à s'appliquer que si l'Etat membre dans lequel une demande a été antérieurement introduite a achevé la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile en admettant sa responsabilité pour examiner cette demande et en a débuté l'examen, au point 58, que la procédure de reprise en charge est régie par des dispositions présentant des différences substantielles avec celles gouvernant la procédure de prise en charge et, aux points 65 à 72, que malgré le libellé " Obligations de l'Etat membre responsable " du chapitre V, l'interprétation selon laquelle une requête aux fins de reprise en charge ne pourrait être formulée que si l'Etat membre requis peut être désigné comme l'Etat responsable en application des critères de responsabilité énoncés au chapitre III du règlement est contredite par l'économie générale de ce règlement.
7. Il ressort de ces jurisprudences que les critères du chapitre III du règlement (UE) n° 604/2013 ne sont susceptibles de fonder une décision de transfert que s'il s'agit d'un transfert en vue d'une première prise en charge, et non en vue d'une reprise en charge. Il en ressort également que les dispositions de l'article 18-1, b) à d) de ce règlement doivent être regardées comme figurant au nombre des critères énumérés dans le règlement, au sens du 2 de l'article 3 du règlement. Par suite, lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile auprès d'un ou de plusieurs Etats membres, avant d'entrer sur le territoire d'un autre Etat membre pour y solliciter de nouveau l'asile dans des conditions permettant à cet Etat de demander sa reprise en charge sur le fondement des dispositions de l'article 18-1 b), c) ou d) du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013, sa situation ne relève pas des dispositions du premier alinéa du 2 de l'article 3 du règlement, qui concernent le cas dans lequel aucun Etat membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans ce règlement.
8. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que les recherches effectuées par les services du ministère de l'intérieur dans le fichier " Eurodac " à partir des relevés décadactylaires de M. D..., comme le compte-rendu de l'entretien individuel de l'intéressé, ont permis d'établir qu'il a formulé une première demande de protection internationale en Hongrie, puis s'est rendu en Suède où il a présenté, le 24 août 2015, une demande de protection internationale qui a été rejetée. En décidant d'examiner ainsi la demande d'asile de M. D... alors qu'il avait antérieurement sollicité l'asile en Hongrie, les autorités suédoises ont reconnu leur responsabilité pour examiner cette demande, mettant ainsi fin au processus de détermination de l'état membre responsable de l'examen de la demande prévu par le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Ces autorités ont de plus explicitement accepté, le 22 septembre 2020, de reprendre en charge M. D... sur le fondement de l'article 18-1 d) de ce règlement.
9. Par suite, en vertu de la règle énoncée au point 7, la situation de M. D... ne relève pas des dispositions du premier alinéa du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 en application desquelles, lorsqu'aucun Etat membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans ce règlement, le premier Etat membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen de cette demande.
10. Il suit de là que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé son arrêté du 2 novembre 2020 au motif que les dispositions du premier alinéa du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 devraient être combinées avec celles de l'article 18-1 d) de ce règlement, de sorte que la Hongrie, et non la Suède, serait responsable de l'examen de la demande d'asile de M. D....
11. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le Tribunal administratif de Paris.
Sur les autres moyens soulevés par M. D... :
12. En premier lieu, par un arrêté n° 2020-0799 du 1er octobre 2020, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 9 octobre 2020, le préfet de police a donné à M. B... E..., attaché d'administration de l'Etat affecté au sein du douzième bureau de la sous-direction de l'administration des étrangers de la direction de la police générale à la préfecture de police, signataire de l'arrêté attaqué, délégation à l'effet de signer notamment les décisions en matière de police des étrangers, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles n'étaient pas absentes ou empêchées. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux aurait été signé par une autorité incompétente doit être écarté.
13. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.
14. La décision litigieuse vise les stipulations applicables de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ainsi que le règlement (CE) 1560/2003 du 2 septembre 2003. Elle fait référence à la consultation du fichier Eurodac, selon lequel M. D... était connu des autorités hongroises et suédoises auprès desquelles il avait sollicité l'asile. Elle précise que ces dernières, qui doivent être regardées comme responsables de sa demande d'asile, ont été saisies d'une demande de reprise en charge de l'intéressé, qu'elles ont acceptée sur le fondement des dispositions de l'article 18.1 (d) du règlement (UE) n° 604/2013. L'arrêté contesté comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté en litige et du défaut d'examen sérieux de la demande de M. D... doivent être écartés.
15. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un état membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les états membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de1'entretien individuel visé à l'article 5. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de ne pas instruire la demande de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit ou, si nécessaire pour la bonne compréhension du demandeur, oralement, et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, leur délivrance complète par l'autorité administrative, notamment par la remise de la brochure prévue par les dispositions précitées, constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
16. Il ressort des pièces du dossier que M. D... s'est vu remettre, le 11 septembre 2020, les documents d'information A et B, intitulés respectivement " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande " et " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ", qui constituent la brochure commune prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement précité, en langue farsi. Si M. D... a déclaré comprendre le dari, il ne ressort pas des pièces du dossier, et alors que la langue farsi est une langue très proche du dari dès lors qu'elle use du même alphabet et qu'elle peut être lue par les locuteurs des deux langues, que M. D... n'aurait pas compris les informations comprises dans ces documents. En outre, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que M. D... aurait indiqué, à une quelconque étape de la procédure ne pas savoir lire et écrire, l'intéressé ayant, au demeurant déclaré lors de son entretien individuel mené le 11 septembre 2019, en présence d'un interprète en langue dari, avoir compris la procédure engagée à son encontre. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'intéressé n'a pas reçu l'ensemble des éléments d'information requis par les dispositions précitées de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté comme manquant en fait.
17. En quatrième lieu, la méconnaissance de l'obligation d'information sur l'utilisation, la conservation et le droit d'accès aux données collectées lors du relevé d'empreintes digitales, prévue par les dispositions de l'article 29 du règlement n° 603/2013 du 26 juin 2013 et qui a uniquement pour objet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, ne peut être utilement invoquée à l'encontre de la décision portant remise aux autorités suédoises.
18. En cinquième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'état membre responsable, l'état membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...). 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. (...) ".
19. Il ressort des pièces du dossier que M. D... a bénéficié, le 11 septembre 2020, d'un entretien individuel dans les locaux de la préfecture de police. Il ressort du compte-rendu de cet entretien que l'intéressé a été personnellement reçu par un agent du 12ème bureau de la direction de la police générale de la préfecture de police, lequel doit être regardé comme une personne qualifiée en vertu du droit national pour mener cet entretien au sens du paragraphe 5 de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013. Dès lors que cet entretien a été mené par une personne qualifiée, l'absence d'indication de l'identité de l'agent ayant conduit l'entretien individuel, lequel n'avait en tout état de cause pas à justifier d'une délégation de signature, n'a pas privé l'intéressé de la garantie tenant au bénéfice de cet entretien et de la possibilité de faire valoir toutes observations utiles. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 doit être écarté.
20. En sixième lieu, aux termes de l'article 23 du règlement n° 604/2013 : " 1. Lorsqu'un Etat membre auprès duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu'un autre Etat membre est responsable conformément à l'article 20, paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre Etat membre aux fins de reprise en charge de cette personne. / 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac (" hit "), en vertu de l'article 9 paragraphe 5, du règlement (UE) n° 603/2013. ". Aux termes de l'article 15 du règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 : " Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre Etats membres visant à l'application du règlement (UE) n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre II du présent règlement (...). / 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national visé à l'article 19 est réputée authentique. / 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse. ". Aux termes de l'article 18 de ce règlement : " 1. Les moyens de transmission électroniques sécurisés, visés à l'article 22, paragraphe 2, du règlement (CE) no 343/2003, sont dénommés " DubliNet " ". Enfin, aux termes de l'article 19 du même règlement : " 1. Chaque état membre dispose d'un unique point d'accès national identifié. / 2. Les points d'accès nationaux sont responsables du traitement des données entrantes et de la transmission des données sortantes. / 3. Les points d'accès nationaux sont responsables de l'émission d'un accusé de réception pour toute transmission entrante / 4. Les formulaires dont le modèle figure aux annexes I et III ainsi que les formulaires de demande d'informations figurant aux annexes V, VI, VII, VIII et IX sont transmis entre les points d'accès nationaux dans le format fourni par la Commission. La Commission informe les États membres des normes techniques requises ".
21. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de police a été informé du résultat positif des recherches entreprises sur le fichier Eurodac le 11 septembre 2020 et que les autorités suédoises ont donné leur accord explicite à la demande de reprise en charge de l'intéressé 22 septembre 2020. Dans ces conditions, la réalité d'une demande de reprise en charge adressée à ces autorités dans les délais prévus à l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être regardée comme étant établie, alors même que le préfet de police ne produit pas l'accusé réception de celle-ci.
22. En septième et dernier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
23. M. D... soutient qu'en cas de renvoi vers la Suède, il serait exposé à un retour en Afghanistan où il risque de subir des traitements inhumains et dégradants. Toutefois, la décision de transfert vers la Suède n'a ni pour objet ni pour effet d'éloigner M. D... vers l'Afghanistan. En outre, la Suède est un Etat membre de l'Union européenne, qui est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. M. D... ne produit aucun élément de nature à établir qu'il existerait des raisons sérieuses de croire à l'existence de défaillances systémiques en Suède dans la procédure d'asile et que les autorités suédoises ne traiteraient pas sa demande d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Enfin, et alors même que sa demande d'asile aurait été définitivement rejetée, il ne ressort pas des pièces du dossier que les autorités suédoises n'évalueront pas, avant de procéder à un éventuel éloignement de l'intéressé, les risques auxquels il serait exposé en cas de retour en Afghanistan. Dans ces conditions, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police a commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage du pouvoir discrétionnaire qu'il tient de l'article 17 du même règlement. Pour les mêmes motifs, les moyens tirés de ce que l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne seront écartés.
24. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 2 novembre 2020.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2018244/8 du 27 novembre 2020 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 9 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme A..., président de chambre,
- M. Mantz, premier conseiller,
- Mme C..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 avril 2021.
Le rapporteur,
C. C...Le président,
M. A...
Le greffier,
A. BENZERGUA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA04149