Par un jugement n° 1926048/6-3 du 10 décembre 2020, le tribunal administratif de Paris a condamné l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à verser à Mme B... la somme de 126 347,89 euros en réparation de ses préjudices (article 1er du dispositif) ainsi qu'une rente annuelle de
1 650 euros, revalorisée annuellement par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, versée par trimestres échus, de laquelle seraient déduites les sommes éventuellement perçues par Mme B... au titre de la prestation de compensation du handicap ou de l'allocation d'aide personnalisée (article 2), a rejeté le surplus des conclusions de la demande de Mme B... (article 7), a condamné l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise la somme de 41 305,67 euros au titre des frais exposés pour Mme B... (article 3) ainsi qu'une rente annuelle de 151 328,675 euros, payable à terme échu, sous réserve du versement effectif des sommes correspondant aux dépenses de santé futures déboursées pour Mme B... (article 4) et la somme de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion (article 5).
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 25 janvier 2021, et un nouveau mémoire, enregistré le
29 mars 2021, Mme B..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 1926048/6-3 du 10 décembre 2020 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses conclusions indemnitaires ;
2°) à titre principal, de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à indemniser intégralement ses préjudices en lui versant les sommes suivantes :
- au titre des dépenses de santé actuelles, de surseoir à statuer,
- au titre des frais divers, la somme de 26 823,38 euros,
- au titre des dépenses de santé futures, de surseoir à statuer,
- au titre de l'aménagement du domicile, de surseoir à statuer,
- au titre de l'aménagement du véhicule, la somme de 24 139,20 euros,
- au titre de la tierce personne, la somme de 481 508,37 euros,
- au titre de la perte de gains professionnels futurs, la somme de 1 422 864 euros,
- au titre de l'incidence professionnelle, la somme de 500 000 euros,
- au titre du préjudice scolaire, la somme de 20 000 euros,
- au titre des périodes de déficit fonctionnel temporaire, la somme de 22 000 euros,
- au titre des souffrances endurées, la somme de 50 000 euros,
- au titre du déficit fonctionnel permanent, la somme de 140 000 euros,
- au titre du préjudice d'agrément, la somme de 30 000 euros,
- au titre des atteintes esthétiques temporaires et définitives, la somme de 10 000 euros,
- au titre du préjudice sexuel, la somme de 30 000 euros,
- au titre du préjudice d'établissement, la somme de 15 000 euros ;
3°) à titre subsidiaire, de confirmer le jugement et de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à indemniser la moitié de ses préjudices en lui versant les sommes suivantes :
- au titre des dépenses de santé actuelles, de surseoir à statuer,
- au titre des frais divers, la somme de 14 411,69 euros,
- au titre des dépenses de santé futures, de surseoir à statuer,
- au titre de l'aménagement du domicile, de surseoir à statuer,
- au titre de l'aménagement du véhicule, la somme de 12 069,60 euros,
- au titre de la tierce personne, la somme de 240 754,85 euros,
- au titre de la perte de gains professionnels futurs, la somme de 721 432 euros,
- au titre de l'incidence professionnelle, la somme de 250 000 euros,
- au titre du préjudice scolaire, la somme de 10 000 euros,
- au titre des périodes de déficit fonctionnel temporaire, la somme de 11 000 euros,
- au titre des souffrances endurées, la somme de 25 000 euros,
- au titre du déficit fonctionnel permanent, la somme de 70 000 euros,
- au titre du préjudice d'agrément, la somme de 15 000 euros,
- au titre des atteintes esthétiques temporaires et définitives, la somme de 5 000 euros,
- au titre du préjudice sexuel, la somme de 15 000 euros,
- au titre du préjudice d'établissement, la somme de 7 500 euros ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a retenu une perte de chance de 50 % d'éviter l'amputation et a, en conséquence, limité l'obligation de réparer mise à la charge de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à 50% des dommages ;
- les indemnités allouées en première instance doivent être réévaluées ;
- c'est à tort que le jugement a rejeté les demandes relatives aux dépenses de santé actuelles et futures et à celles concernant l'aménagement du domicile, alors qu'il convenait de surseoir à statuer.
Par un mémoire, enregistré le 26 mars 2021, la caisse primaire d'assurance maladie du
Val d'Oise, représentée par Me F..., conclut, à titre principal, à la confirmation du jugement attaqué en ce qu'il a condamné l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à lui verser la somme de 41 305,67 euros au titre des frais exposés pour Mme B..., une rente annuelle de
151 328,675 euros payable à terme échu, sous réserve du versement effectif des sommes correspondant aux dépenses de santé futures déboursées pour Mme B..., et enfin la somme de
1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, et à titre subsidiaire, si la Cour réformait le jugement entrepris et fixait le taux de perte de chance à un montant supérieur à 50%, de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à lui régler la différence.
Elle s'en rapporte sur le mérite de l'appel de Mme B... et fait valoir qu'elle a justifié, par la production du relevé des débours par elle exposés et de l'attestation d'imputabilité de son médecin conseil, avoir engagé en faveur de son assurée, à la date de consolidation, des dépenses en lien avec les fautes commises à hauteur de 82 611,34 euros ; enfin, elle demande la confirmation du jugement attaqué en ce qu'il a condamné l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à lui verser une rente annuelle de 151 328,675 euros sur présentation de justificatifs du versement effectif des sommes correspondantes.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 avril 2021, l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ; à cette fin, elle soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés ;
2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement n° 1926048/6-3 du10 décembre 2020 du tribunal administratif de Paris en ce qu'il a retenu l'existence d'une perte de chance de
50 % et de ramener cette perte de chance à 40 % ;
3°) à titre subsidiaire et en tout état de cause, de ramener le montant des demandes à de plus justes proportions.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., avocat de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., née le 8 décembre 1993, a été victime le 27 février 2002 d'un accident sur la voie publique, qui a notamment occasionné des fractures et d'importantes lésions des tissus mous de l'ensemble du membre inférieur gauche. En juillet 2003, elle a consulté pour la première fois à l'hôpital Robert Debré à Paris, relevant de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris. Elle y a subi, à compter de janvier 2004, plusieurs interventions chirurgicales sur sa jambe gauche, certaines marquées par des complications post-opératoires (infections et ulcérations). Désirant redonner du galbe à son mollet gauche par une intervention, elle a consulté le 23 octobre 2012 à l'hôpital Robert Debré, puis y a été opérée le 28 janvier 2013, l'intervention consistant à effectuer une injection de graisse autologue (graisse abdominale) dans la cicatrice du membre inférieur gauche (lipofilling). Le lendemain matin de l'intervention, devant le constat d'un pied très oedématié, d'une diminution de la chaleur locale, d'une cyanose jusqu'à la cheville et d'un pouls non perçu, une réintervention en urgence a été effectuée par une lipoaspiration et une manoeuvre d'évacuation de la graisse par les anciens points d'évacuation qui ont été agrandis. Après une meilleure coloration cutanée, le pied est devenu violet ; un angioscanner a alors été réalisé et la patiente a été transférée à l'hôpital Avicenne pour une prise en charge en chirurgie vasculaire. La réunion médicale qui a alors eu lieu a estimé qu'aucun geste de chirurgie vasculaire n'était possible et qu'aucune aponévrotomie de décharge n'était réalisable, la seule intervention envisageable semblant être une amputation de jambe, avec des difficultés au niveau du recouvrement postérieur de cette amputation eu égard aux multiples cicatrices et à l'absence du galbe de la face postérieure. Mme B... a été transférée en retour à l'hôpital Robert Debré le 30 janvier 2013, où une intervention afin de tenter de sauver le membre a été réalisée dans la soirée par une aponévrotomie de décharge (incision de décharge en face interne et externe sur toute la longueur de la jambe provoquant un important désengorgement veineux). Après une évolution satisfaisante, le pansement étant refait à plusieurs reprises en bloc opératoire sous anesthésie générale, il a toutefois été constaté le 23 mars que le talon était à nu au niveau de deux zones. Lors de l'intervention consistant à refaire le pansement le 27 mars, il a été noté que ces deux zones au niveau du calcanéo-cuboïdien et du calcanéum restaient préoccupantes, ce qui a été confirmé le 2 avril et le 7 avril lorsque le pansement a été refait. Le 18 avril, il a été procédé à une greffe de peau. La perte de substance au niveau du calcaneum a été constatée le 2 mai 2013.
Mme B... a quitté l'hôpital le 8 mai 2013 pour retourner à son domicile. Lors de la consultation du 12 novembre 2013, il a été constaté une destruction importante du calcanéum et une fistule dans la tibio-astragalienne avec une destruction complète articulaire, ce qui a conduit à ce qu'une amputation de jambe soit proposée, laquelle a été réalisée le 21 janvier 2014. Les suites opératoires ont été marquées par un état anxio-dépressif nécessitant un suivi et un traitement psychotrope et des difficultés d'appareillage en raison d'un moignon défectueux avec une peau très fragile, nécessitant une opération du moignon le 16 novembre 2017 puis le 8 décembre 2017 en raison d'une infection locale ; la cicatrisation du moignon est complète depuis janvier 2018.
2. Par une ordonnance de référé du 6 juin 2016, le premier vice-président adjoint du tribunal de grande instance de Paris a nommé comme expert un médecin infectiologue, assisté de trois sapiteurs, un chirurgien plasticien, un chirurgien vasculaire et un psychiatre ; le rapport a été rédigé le 27 septembre 2018. Le 26 septembre 2019, Mme B... a adressé une demande indemnitaire préalable à l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, restée sans réponse. Par le jugement du 10 décembre 2020 dont la réformation est demandée, le tribunal administratif de Paris a condamné l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à verser à Mme B... la somme de
126 347,89 euros en réparation de ses préjudices (article 1er du dispositif) ainsi qu'une rente annuelle de 1 650 euros, revalorisée annuellement par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, versée par trimestres échus, de laquelle seraient déduites les sommes éventuellement perçues par Mme B... au titre de la prestation de compensation du handicap ou de l'allocation d'aide personnalisée (article 2), a rejeté le surplus des conclusions de la demande de Mme B... (article 7), a condamné l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise la somme de 41 305,67 euros au titre des frais exposés pour Mme B... (article 3) ainsi qu'une rente annuelle de 151 328,675 euros, payable à terme échu, sous réserve du versement effectif des sommes correspondant aux dépenses de santé futures déboursées pour Mme B... (article 4) et la somme de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion (article 5).
Sur le défaut d'information allégué :
3. Aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus ".
4. Il résulte de ces dispositions que doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l'accomplissement d'un acte médical, les risques connus de cet acte qui, soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence. En cas de manquement à cette obligation d'information, si l'acte de diagnostic ou de soin entraîne pour le patient, y compris s'il a été réalisé conformément aux règles de l'art, un dommage en lien avec la réalisation du risque qui n'a pas été porté à sa connaissance, la faute commise en ne procédant pas à cette information engage la responsabilité de l'établissement de santé à son égard, pour sa perte de chance de se soustraire à ce risque en renonçant à l'opération. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction, compte tenu de ce qu'était l'état de santé du patient et son évolution prévisible en l'absence de réalisation de l'acte, des alternatives thérapeutiques qui pouvaient lui être proposées ainsi que de tous autres éléments de nature à révéler le choix qu'il aurait fait, qu'informé de la nature et de l'importance de ce risque, il aurait consenti à l'acte en question.
5. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise médicale, que le
23 octobre 2012, lors de la consultation préalable à l'intervention chirurgicale souhaitée par
Mme B..., des explications lui ont été données sur l'intervention et ses risques. Si Mme B... n'a pas été informée du risque d'amputation qui s'est malheureusement réalisé, un tel risque, terme ultime des complications post-opératoires dont Mme B... a été victime, n'était pas alors décrit dans la littérature médicale et, n'étant pas connu, ne pouvait a fortiori être indiqué à la patiente. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que les praticiens de l'hôpital Robert Debré auraient manqué à leur obligation d'information.
Sur le pourcentage de perte de chance :
6. Aux termes des dispositions l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ".
7. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou du traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage advienne, la réparation qui incombe à l'hôpital devant alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.
8. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise médicale, que l'intervention du 28 janvier 2013, réalisée sur un membre inférieur gauche déjà très fragilisé par le traumatisme initial survenu en 2002 et par les multiples interventions chirurgicales consécutives à cet accident et qui présentait ainsi un état de vulnérabilité augmentant très sensiblement les risques de complication de tout geste chirurgical, a provoqué une ischémie aiguë d'origine veineuse qui doit être regardée comme une affection iatrogène. L'aponévrotomie de décharge, qui constituait le seul geste susceptible de soulager cette compression veineuse, n'a été réalisée que le 30 janvier 2013 dans la soirée à l'hôpital Robert Debré, après un aller-retour de la patiente à l'hôpital Avicenne de Bobigny où les médecins ont estimé qu'aucune aponévrotomie de décharge n'était réalisable. Le retard mis au diagnostic de cette complication ischémique survenue en postopératoire ainsi que le retard thérapeutique à la réalisation de l'aponévrotomie de décharge ont eu pour conséquence une ischémie dépassée du membre inférieur gauche qui est la cause de toutes les complications ultérieures, liées à la nécrose tissulaire, notamment infectieuses, et ont ainsi fait perdre à Mme B... une chance de cinquante pour cent d'éviter l'amputation qui a été réalisée le 21 janvier 2014, l'état du membre inférieur gauche antérieur à l'intervention du 28 janvier 2013 étant pris en considération dans la détermination de ce pourcentage. A cet égard, la circonstance qu'une intervention chirurgicale ait, ou non, des fins thérapeutiques, est sans incidence sur l'appréciation de l'importance de la chance perdue, la finalité esthétique de l'intervention en cause par laquelle il s'agissait, à la demande de la patiente, de redonner du galbe à son mollet gauche particulièrement atrophié, ayant pour seule conséquence une obligation d'information particulièrement étendue à l'égard de la patiente.
9. Enfin, si le rapport d'expertise qualifie à plusieurs reprises l'indication opératoire de l'intervention du 28 janvier 2013 de " très discutable ", eu égard notamment à la circonstance que le membre inférieur gauche de Mme B..., qui avait fait l'objet de nombreuses opérations, était affecté par d'importantes séquelles trophiques et par une fibrose cicatricielle cutanée et sous-cutanée dense, très peu extensible, et avait connu des difficultés majeures de cicatrisation après l'intervention de cross-leg des 24 juin et 26 juillet 2004 nécessitant plusieurs réinterventions de chirurgie plastique et de multiples épisodes infectieux dont, en mars 2012, une cellulite du pied, il ne résulte toutefois pas de l'instruction que cette indication opératoire ait été fautive et, par conséquent, de nature à engager la responsabilité de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris.
Sur les préjudices :
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :
S'agissant des dépenses de santé :
10. D'une part, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise la somme non contestée de 41 305,67 euros au titre des débours exposés au bénéfice de Mme B..., après application du pourcentage de perte de chance, ainsi qu'une rente annuelle de 151 328,675 euros, après application du pourcentage de perte de chance, payable à terme échu, sous réserve du versement effectif des sommes correspondantes.
11. D'autre part, les premiers juges ont à bon droit rejeté la demande de Mme B... relative à ses dépenses de santé futures, comprenant des besoins d'appareillage, pour lesquelles elle demande qu'un sursis à statuer soit prononcé, dès lors que ce préjudice futur est éventuel et qu'il appartiendra à Mme B... de présenter le cas échéant une nouvelle demande indemnitaire à l'Assistance publique - hôpitaux de Paris.
S'agissant des frais de logement adapté :
12. Les premiers juges ont à bon droit rejeté la demande de Mme B..., qui réside actuellement au domicile familial, relative aux dépenses d'adaptation de son futur logement à son handicap, pour lesquelles elle demande qu'un sursis à statuer soit prononcé, dès lors que ce préjudice futur est éventuel et qu'il appartiendra à Mme B... de présenter le cas échéant une nouvelle demande indemnitaire à l'Assistance publique - hôpitaux de Paris.
S'agissant des frais de véhicule adapté :
13. Le rapport d'expertise avait estimé que l'acquisition d'un véhicule avec boîte de vitesse automatique était justifiée, et Mme B... produit en cause d'appel le permis de conduire qui lui a été délivré le 6 juillet 2020. Toutefois, Mme B... n'établit pas avoir procédé à l'acquisition d'un tel véhicule. Par suite, le préjudice constitué par les frais correspondant à l'acquisition d'un tel véhicule ne présente en l'état qu'un caractère éventuel. Il appartiendra à Mme B..., le cas échéant, de présenter une nouvelle demande indemnitaire à ce titre à l'Assistance publique - hôpitaux de Paris.
S'agissant des frais d'expertise :
14. Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à verser à Mme B... la somme de 2 040 euros, non contestée en appel, correspondant aux honoraires du médecin conseil qui l'a assistée à l'occasion de l'expertise, ces frais résultant intégralement du dommage subi par elle.
S'agissant des dépenses liées à l'assistance par une tierce personne pour les besoins de la vie quotidienne :
15. D'une part, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à verser à Mme B... la somme totale de 12 391,69 euros, non contestée en appel, correspondant à l'indemnisation de l'aide par une tierce personne de la fin de son hospitalisation à la date de consolidation de son état, fixée au 1er avril 2018.
16. D'autre part, si Mme B... conteste l'estimation faite par le rapport d'expertise médicale de la nécessité qu'elle aurait d'être assistée par une aide humaine temporaire non médicalisée à raison de quatre heures par semaine à compter de la consolidation, elle ne produit, à l'appui de son argumentation, aucun élément probant. Par suite, l'estimation du besoin d'aide par une tierce personne pour les besoins de la vie courante du fait des séquelles de son amputation de la jambe gauche doit être fixée à quatre heures par semaine.
17. Enfin, il y a lieu de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à verser à Mme B..., au titre de l'aide par une tierce personne, sur la base d'un coût de l'heure de 18 euros incluant les charges sociales et les congés payés, d'une part la somme totale de 5 760 euros, après application du pourcentage de perte de chance de 50 %, pour la période allant de la date de consolidation à la date de mise à disposition du présent arrêt, soit 160 semaines, et d'autre part, pour la période postérieure à cette mise à disposition, une rente annuelle de 1 872 euros, après application du pourcentage de perte de chance de 50 %, versée par trimestres échus. Cette rente sera revalorisée annuellement par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. Dans l'hypothèse où Mme B... viendrait à percevoir une somme au titre de la prestation de compensation du handicap ou de l'allocation d'aide personnalisée, ces sommes devront être déduites de la rente précédemment mentionnée. Le jugement doit être réformé dans cette mesure.
S'agissant des pertes de gains professionnels futurs :
18. Il ne résulte pas de l'instruction que les séquelles de l'amputation subie par Mme B... lui interdisaient d'exercer une activité professionnelle à compter de la consolidation de son état le
1er avril 2018. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'elle n'est pas fondée à solliciter une indemnisation au titre de la perte de gains professionnels futurs à compter de cette date.
S'agissant de l'incidence professionnelle :
19. Il résulte de l'instruction que les premiers juges ont fait une juste appréciation de l'incidence professionnelle du dommage subi par Mme B..., tant en ce qui concerne les opportunités d'emploi que la pénibilité du travail, en lui allouant, après application du taux de perte de chance, la somme de 12 500 euros.
En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux :
S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :
20. Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à verser à Mme B... la somme 11 000 euros, non contestée en appel, après application du taux de perte de chance, correspondant aux périodes de déficit fonctionnel temporaire total et partiel subis par elle.
S'agissant du déficit fonctionnel permanent :
21. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise médicale, que
Mme B... subit un déficit fonctionnel permanent qui a été évalué par les experts à 35%. Les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce préjudice, eu égard à ce taux, au sexe et à l'âge de Mme B... à la date de la consolidation de son état, en lui allouant, après application du taux de perte de chance, une somme de 45 000 euros.
S'agissant du préjudice esthétique :
22. Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à verser à Mme B... la somme de 5 000 euros, non contestée en appel, après application du taux de perte de chance, correspondant aux préjudices esthétiques temporaire et permanent subis par Mme B....
S'agissant des souffrances endurées :
23. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise médicale, que
Mme B... a subi des souffrances évaluées par les experts à 6 sur une échelle allant de 1 à 7.
Les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce préjudice en allouant à Mme B..., après application du taux de perte de chance, une somme de 12 500 euros.
S'agissant du préjudice scolaire :
24. Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à verser à Mme B... la somme de 10 000 euros, non contestée en appel, après application du taux de perte de chance, correspondant au préjudice scolaire subi par Mme B... de 2013, date de l'intervention litigieuse, à 2018, date de la consolidation de son état et année où elle a pu de nouveau se présenter à l'examen du baccalauréat.
S'agissant du préjudice d'agrément :
25. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise médicale, que
Mme B... est désormais limitée dans ses activités sportives ou de loisirs sollicitant les membres inférieurs et a dû notamment abandonner la pratique du football, auquel elle établit avoir joué avant l'intervention chirurgicale en cause. Les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce préjudice en allouant à Mme B..., après application du taux de perte de chance, une somme de 2 500 euros.
S'agissant du préjudice d'établissement :
26. Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à verser à Mme B... la somme de 7 500 euros, non contestée en appel, après application du taux de perte de chance, correspondant à son préjudice d'établissement.
S'agissant du préjudice sexuel :
27. Il sera fait une juste appréciation du préjudice sexuel subi par Mme B... en portant à 3 000 euros, après application du taux de perte de chance, la somme de 1 500 euros qui lui avait été allouée par le jugement dont la réformation est demandée.
28. Il résulte de tout ce qui précède que l'indemnité totale de 126 347,89 euros que l'Assistance publique - hôpitaux de Paris a été condamnée à verser à Mme B... doit être portée à la somme de 132 703,69 euros, et que la rente annuelle de 1 650 euros mentionnée au point 14 doit être portée à la somme de 1872 euros.
Sur les frais liés à l'instance :
29. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris le paiement à Mme B... de la somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l'instance en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 126 347,89 euros que l'Assistance publique - hôpitaux de Paris a été condamnée à verser à Mme B... est portée à la somme de 132 703,69 euros. La rente annuelle de 1 650 euros que l'Assistance publique - hôpitaux de Paris a été condamnée à verser à Mme B... est portée à la somme de 1 872 euros, versée par trimestres échus à compter de la mise à disposition du présent arrêt. Cette rente sera revalorisée annuellement par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. Dans l'hypothèse où Mme B... viendrait à percevoir une somme au titre de la prestation de compensation du handicap ou de l'allocation d'aide personnalisée, ces sommes seraient déduites de la rente précédemment mentionnée.
Article 2 : Le jugement du 10 décembre 2020 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Assistance publique - hôpitaux de Paris versera à Mme B... une somme de
1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B..., à l'Assistance publique - hôpitaux de Paris et à la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise.
Délibéré après l'audience du 15 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, président de chambre,
- M. A..., président assesseur,
- Mme Collet, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 avril 2021.
La présidente de la 8ème Chambre,
H. VINOT
La République mande et ordonne au ministre de la santé et des solidarités en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA00424