Procédure devant la Cour :
Par une requête sommaire et des mémoires, enregistrés le 24 avril 2017, le 9 juin 2017 et le 18 décembre 2019, M. F... D... et M. E... A..., représentés par la SCP Boulloche, avocats aux Conseils, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté n° 2172/CM du 24 décembre 2015 portant approbation du projet d'avenant n° 17 à la convention de concession d'énergie électrique de Tahiti n° 60-10 du 27 septembre 1960 et autorisation de le conclure, ainsi que l'avenant n° 17 ;
3°) d'annuler l'arrêté n° 194 CM du 25 février 2016 portant approbation du projet d'avenant n°17 B à la convention précitée et autorisation de le conclure, ainsi que l'avenant n° 17B ;
4°) d'annuler l'arrêté n°192 CM du 25 février 2016 relatif aux prix de l'énergie électrique distribuée par la société Electricité de Tahiti (SA EDT) dans le cadre de sa concession ;
5°) d'enjoindre à la Polynésie française, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, de produire pour leur être communiqué un exemplaire daté, numéroté et signé des avenants n° 17 et n° 17 B le complétant, et/ou à la SA EDT les documents comptables complets relatifs à son dernier exercice (bilan, comptes de résultats, annexes, rapport de gestion, rapport des commissaires aux comptes), ainsi que les états financiers et comptables établis par la SA EDT conformément à la " comptabilité appropriée " analytique ;
6°) d'enjoindre à la Polynésie française, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, de conclure avec la SA EDT un avenant tarifaire respectant les critères d'objectivité, de rationalité et de transparence, comportant des indices d'actualisation spécifiques à l'activité du concessionnaire et lui assurant une marge n'allant pas au-delà de la marge raisonnable à laquelle il pourrait prétendre ;
7°) de condamner la Polynésie française et la société EDT à leur payer la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
Sur la régularité du jugement et la recevabilité de leurs demandes :
- le jugement méconnaît l'article R. 741-2 du code de justice administrative dès lors que ses visas ne mentionnent pas les conclusions tendant à l'annulation des décisions de conclure les avenants n° 17 et n° 17B ;
- les conclusions à fin d'annulation des arrêtés no 2172 CM du 24 décembre 2015 et n° 194 CM du 25 février 2016 portant approbation du contrat étaient recevables, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, dès lors notamment qu'ils n'avaient invoqué que des vices propres à ces arrêtés, et en tout état de cause en ce qu'il s'agit d'actes réglementaires de l'exécutif de la Polynésie française, soumis au contrôle de légalité et donc au juge de l'excès de pouvoir ;
- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que les arrêtés n° 2172 CM et n° 194 CM sont soumis au contrôle de légalité et, en conséquence, relevaient du juge de l'excès de pouvoir ;
- les premiers juges ne se sont pas prononcés sur la demande d'annulation des avenants n° 17 et n° 17B et ont donc statué infra petita ;
- les premiers juges ont méconnu l'étendue de leurs pouvoirs en ce qu'ils auraient dû regarder la défense de l'administration en première instance comme constituant un refus implicite d'abrogation des clauses réglementaires de l'avenant n° 17 et, le recours direct étant expiré, statuer sur ce refus ;
- en tout état de cause, la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté, opposée à la demande d'annulation de l'arrêté n° 2172 CM et de l'avenant n° 17, est infondée, dès lors que les conclusions dirigées contre ces actes devaient être regardées comme dirigées contre le refus de la Polynésie française d'abroger ces actes ;
- la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté, dirigée contre les arrêtés n° 192 CM et n° 194 CM du 25 février 2016, ainsi que contre l'avenant n° 17B, tous actes publiés le
1er mars 2016, est infondée ;
- la fin de non-recevoir tirée du caractère collectif du recours est infondée ;
- à supposer que les différentes conclusions à fin d'annulation n'aient pas de lien suffisant entre elles, elles ne pouvaient être rejetées sans que la juridiction ait invité leur auteur à les régulariser ;
- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que l'arrêté n° 192 CM du 25 février 2016 est dépourvu de base légale ;
- la fin de non-recevoir opposée aux conclusions dirigées contre les avenants n° 17 et n° 17B, qu'elles concernent les clauses réglementaires ou non réglementaires, est infondée ;
- la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de M. D... est infondée dès lors que le recours de celui-ci porte sur des actes de la Polynésie française, qu'il a la qualité d'usager et de contribuable local et qu'il conteste le bien-fondé des tarifs prévus par les avenants n° 17 et n° 17B, alors même que ces derniers conduiraient à une baisse du prix de l'électricité ;
- la fin de non-recevoir tirée du caractère prétendument confus du recours et de la méconnaissance de l'article R. 411-1 du code de justice administrative est infondée ;
- la fin de non-recevoir opposée par la SA EDT à des moyens prétendument nouveaux en appel ou invoqués après l'expiration du délai d'appel est infondée ;
- les premiers juges n'ont pas répondu aux arguments invoqués par M. D..., tels que le manque de transparence manifeste de la formule tarifaire des avenants n° 17 et n° 17B, l'insuffisance de la répercussion de la baisse des charges d'hydrocarbure sur les tarifs de l'électricité, l'enrichissement sans cause de la SA EDT lié à la suppression de l'amortissement de caducité, la distorsion de concurrence en faveur de la SA EDT résultant du nouvel article 12 bis du cahier des charges de la concession dans la compétition pour le renouvellement de la concession du syndicat pour l'électrification des communes du Sud de Tahiti (SECOSUD), ainsi que l'accroissement de la marge du concessionnaire, pourtant déjà qualifiée comme étant " au-delà de la marge raisonnable à laquelle il pourrait prétendre " par l'arrêt de la présente Cour du 1er juillet 2014 ;
- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que les avenants n° 17 et n° 17B ainsi que les arrêtés no 2172 CM du 24 décembre 2015 et n° 194 CM du 25 février 2016 sont entachés de détournement de pouvoir ;
- les premiers juges ont méconnu l'étendue de leur compétence en refusant de faire droit à la demande d'injonction de production de pièces à la Polynésie française et à la SA EDT, alors qu'il s'agit de documents communicables et indispensables au règlement du litige et qu'il appartient au juge de mettre en oeuvre son pouvoir d'instruction aux fins de lui permettre de former sa conviction ;
- ils n'ont en outre pas répondu au moyen tiré de ce que les documents demandés étaient communicables au sens de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978.
Sur le fond :
- l'arrêté n° 192 CM du 25 février 2016 est dépourvu de base légale dès lors que l'avenant n° 17B sur lequel il se fonde n'a été signé et publié que postérieurement ;
- les critères d'objectivité et de rationalité de la formule tarifaire fixée par l'avenant n° 17B ne sont pas remplis dès lors que, la production d'énergie électrique relevant du secteur concurrentiel en vertu des lois de pays n° 27 et n° 28 du 23 décembre 2003, l'élément P (production) n'a pas à figurer dans la composante RE (revenu d'exploitation) mais dans la composante CE (coût d'énergie) ;
- aucun élément ne permet de justifier que la SA EDT réalise une marge sur la production en l'intégrant dans le revenu d'exploitation, alors que la concession ne porte que sur la distribution d'électricité ;
- le calcul retenu pour répercuter la baisse des charges d'hydrocarbure sur la grille des tarifs de l'électricité est irrégulier ;
- le mode de calcul de la vente en gros d'électricité prévu à l'article 12 bis du cahier des charges de la concession crée une distorsion de concurrence entre les candidats à la délégation du SECOSUD dès lors qu'il permet un surenchérissement artificiel du coût de production, permettant à la SA EDT de réduire sa marge sur la distribution et de créer une barrière à l'entrée de ses concurrents ;
- l'avenant n° 17B permet au concessionnaire de s'assurer une marge " au-delà de la marge raisonnable à laquelle il pourrait prétendre " ;
- les avenants n° 17 et n° 17B, ainsi que les arrêtés d'approbation n° 2172 CM et n° 194 CM sont entachés de détournement de pouvoir ;
- la rémunération de la puissance maximale majorée P1 a été fixée par la SA EDT à un niveau abusif et préjudiciable aux usagers ;
- les trois indices utilisés pour actualiser la grille tarifaire prévue à l'avenant n° 17B, non spécifiques à l'activité du concessionnaire, ne sont pas pertinents et préjudicient aux intérêts des usagers ;
- le défaut de communication du rapport annuel du délégataire méconnaît l'article LP 19 de la loi de pays n° 2009-22 du 7 décembre 2009 et caractérise un manque de transparence de la Polynésie française et de la SA EDT.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 20 octobre 2017 et le 9 janvier 2020, la société Electricité de Tahiti (SA EDT), représentée par la SELARL Jurispol, demande à la Cour :
1°) à titre principal, de rejeter la requête ;
2°) à titre subsidiaire, et dans l'hypothèse d'une annulation par la Cour d'un ou de plusieurs des actes querellés, de dire que la décision ne prendra effet qu'à une date que la Cour fixera de manière à permettre aux parties de se conformer aux termes de cette décision ;
3°) de condamner M. D... et M. A... à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le moyen présenté à l'appui de la recevabilité des conclusions dirigées contre les actes d'approbation des contrats administratifs, nouveau en appel et présenté après l'expiration du délai de recours contentieux, est irrecevable, alors en outre que les requérants n'ont pas invoqué de vices propres à l'encontre de ces actes ;
- le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient statué infra petita, présenté après l'expiration du délai de recours contentieux, est irrecevable ;
- le moyen tiré de la jurisprudence du Conseil d'Etat Compagnie Alitalia du
3 février 1989, qui constitue en tout état de cause une demande nouvelle en appel irrecevable, n'est pas fondé ;
- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 19 juin 2018 et le 20 janvier 2020, la Polynésie française, représentée par Me G..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit solidairement mise à la charge de M. D... et de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'ensemble des conclusions à fin d'annulation sont irrecevables, tant au regard de leur tardiveté que du caractère collectif réel du recours et de son caractère confus ;
- les conclusions dirigées contre les avenants n° 17 et n° 17B sont irrecevables en ce qu'elles ne distinguent pas les clauses réglementaires et les clauses non réglementaires ;
- les conclusions dirigées contre les actes d'approbation des avenants et d'autorisation de les conclure sont irrecevables eu égard à leur objet ;
- M. D... n'a pas d'intérêt à agir contre les clauses contractuelles des avenants contestés ;
- il n'a pas non plus d'intérêt à agir en tant qu'usager de la concession du SECOSUD ;
- M. D... n'a pas d'intérêt à agir contre un tarif qui lui est plus favorable, pour la seule défense de la légalité ou en qualité de citoyen ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, le 7 août 2020, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision de la Cour était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004,
- la délibération n° 60-47 du 5 août 1960 portant approbation de la convention et du cahier des charges relatifs à la concession de distribution publique d'énergie électrique de Tahiti, ainsi que la convention n° 60-10 du 27 septembre 1960,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Un avenant n° 17 à la convention de concession de distribution publique d'énergie électrique de Tahiti du 27 septembre 1960, approuvé par un arrêté n° 2172 CM du 24 décembre 2015 du conseil des ministres, a été signé entre la Polynésie française et la société anonyme Electricité de Tahiti (SA EDT) le 29 décembre 2015. L'article 2 de cet avenant a modifié l'article 11 du cahier des charges annexé au contrat de concession, en prévoyant que la rémunération du concessionnaire serait définie par la fixation, par le concédant, de tarifs de l'électricité permettant au concessionnaire d'atteindre un " revenu autorisé ". Aux termes de l'article 10 de cet avenant, il était toutefois prévu que cet article 2 n'entrerait en vigueur qu'à compter de l'institution d'un mécanisme de péréquation entre les différentes concessions de la SA EDT, reposant sur un fondement réglementaire, et que, dans l'attente, la grille des tarifs applicable resterait unique pour l'ensemble de ces concessions. Un avenant n° 17B à la convention précitée, approuvé par un arrêté n° 194 CM du 25 février 2016 du conseil des ministres, a été signé entre les parties le 26 février 2016. L'article 1er de cet avenant stipulait la mise en place, à compter du 1er mars 2016, d'une grille tarifaire temporaire, jusqu'à l'entrée en vigueur du dispositif réglementaire de péréquation précité sur l'ensemble du territoire de la Polynésie française, de façon à couvrir le " revenu autorisé " du concessionnaire sur l'ensemble de ses concessions. Par un arrêté n° 192 CM, également du 25 février 2016, le conseil des ministres de la Polynésie française a fixé les nouveaux tarifs de l'énergie électrique distribuée par EDT dans le cadre de la concession précitée du 27 septembre 1960. M. D... et M. A... relèvent appel du jugement du 24 janvier 2017 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté leur demande tendant à l'annulation des clauses réglementaires des avenants n° 17 et n° 17B à la convention précitée, des arrêtés n° 2172 CM et n° 194 CM approuvant le contenu de ces avenants et autorisant leur conclusion, des décisions de conclure ces avenants ainsi que de l'arrêté n° 192 CM fixant les nouveaux tarifs de l'énergie électrique au sein de la concession.
Sur les conclusions d'appel dirigées contre les clauses non réglementaires des avenants n° 17 et n° 17B :
2. M. D... et M. A... demandent devant la Cour l'annulation de l'avenant n° 17 à la convention de concession précitée du 29 décembre 2015 et de l'avenant n°17B à la même convention du 26 février 2016. Ils doivent ainsi être regardés comme demandant, outre l'annulation des seules clauses réglementaires de ces avenants déjà demandée en première instance dans le dernier état des écritures de M. D..., enregistrées le 8 novembre 2016, l'annulation de leurs clauses non réglementaires. Toutefois ces dernières conclusions sont en tout état de cause nouvelles en appel, et donc irrecevables, et ne peuvent par suite qu'être rejetées.
Sur les autres conclusions d'appel :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
S'agissant des conclusions dirigées contre les avenants n°17 et n° 17B :
3. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. D... n'a formulé, dans le dernier état de ses conclusions de première instance, que des conclusions à fin d'annulation des clauses réglementaires des avenants n°17 et n° 17B. Par suite, le moyen tiré de ce que les premiers juges ne se seraient pas prononcés sur la demande d'annulation des avenants n° 17 et n° 17B " par eux-mêmes " et auraient de ce fait statué " infra petita " manque en fait et doit être écarté.
S'agissant des conclusions dirigées contre les arrêtés n° 2172 CM du 24 décembre 2015 et n° 194 CM du 25 février 2016 :
4. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi. La légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer, ne peut être contestée qu'à l'occasion du recours ainsi défini.
5. Il résulte de ce qui vient d'être dit que les arrêtés n° 2172 CM du 24 décembre 2015 et n° 194 CM du 25 février 2016 du président de la Polynésie française, portant respectivement approbation des projets d'avenant n° 17 et n° 17 B et autorisation de les conclure, ne peuvent être contestés qu'à l'occasion d'un recours de pleine juridiction contestant la validité de ces avenants ou de certaines de leurs clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Or M. D... ne peut être regardé comme ayant formé un tel recours dès lors qu'ainsi qu'il a été dit au point 2, il n'a entendu contester que les clauses réglementaires des avenants n° 17 et n° 17 B. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que les conclusions de la demande dirigées contre ces arrêtés étaient irrecevables. Il s'ensuit que l'ensemble des autres moyens dirigés contre la régularité du jugement en tant qu'il a statué sur ces conclusions doivent être écartés comme inopérants.
S'agissant des conclusions dirigées contre les décisions de conclure les avenants n° 17 et n° 17B :
6. L'article R. 741-2 du code de justice administrative dispose que le jugement contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires. Il ressort des pièces du dossier, notamment des mémoires produits par M. D... en première instance les 8 novembre 2016 et 26 décembre 2016, que celui-ci a demandé l'annulation "des décisions de conclure l'avenant 17 et son erratum 17B", sans que ces conclusions aient été visées ni analysées. Les motifs du jugement ne sauraient, en l'espèce, suppléer à cette carence. Par suite, les premiers juges ont entaché leur jugement d'irrégularité. Dès lors, le jugement attaqué doit être annulé dans cette mesure.
S'agissant des conclusions dirigées contre les clauses règlementaires de l'avenant
n° 17 :
7. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ".
8. Il ressort des pièces du dossier que l'avenant n° 17 à la convention de concession du 27 septembre 1960 a été publié au Journal officiel de la Polynésie française du 31 décembre 2015. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que les conclusions dirigées contre ces clauses, enregistrées le 2 mai 2016, soit postérieurement à l'expiration du délai de recours contentieux, étaient tardives, sans que les requérants puissent sérieusement soutenir que, constatant la tardiveté d'une demande d'annulation d'un acte, le tribunal administratif aurait été tenu de statuer sur le refus implicite d'abrogation qui résulterait de la position prise en défense par l'auteur de cet acte. Il s'ensuit que les premiers juges, qui relevaient à bon droit cette tardiveté, n'étaient pas tenus de répondre aux moyens de la demande dirigés contre ces clauses. Compte tenu de cette tardiveté, les autres moyens des requérants dirigés contre la régularité du jugement en tant qu'il a statué sur ces clauses doivent être écartés comme inopérants.
S'agissant des conclusions dirigées contre les clauses règlementaires de l'avenant
n° 17B :
9. Il ressort des pièces du dossier que M. D... avait invoqué devant le Tribunal administratif de la Polynésie française le moyen tiré du détournement de pouvoir à l'encontre des clauses règlementaires de l'avenant n° 17B. Or, les premiers juges n'ont pas répondu à ce moyen. Par suite, ils n'ont pu se prononcer sur les conclusions dirigées contre ces clauses sans entacher leur jugement d'irrégularité. Dès lors, le jugement attaqué doit être annulé dans cette mesure, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de régularité dirigés contre cette partie du jugement.
S'agissant des conclusions dirigées contre l'arrêté n° 192 CM du 25 février 2016 :
10. Il ressort des pièces du dossier que M. D... avait invoqué devant le Tribunal administratif de la Polynésie française, à l'encontre de l'arrêté susvisé fixant les prix de l'énergie électrique distribuée par la SA EDT, le moyen tiré de ce que cet arrêté avait été pris avant la signature de l'avenant n° 17B, constatant l'accord des parties sur ces prix, et aurait été, en conséquence, privé de base légale. Or les premiers juges n'ont pas répondu à ce moyen. Par suite, ils n'ont pu se prononcer sur les conclusions dirigées contre cet arrêté sans entacher leur jugement d'irrégularité. Dès lors, le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il a statué sur cette partie de la demande.
11. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande de M. D... devant le tribunal administratif dirigées contre les décisions de conclure les avenants n° 17 et n° 17B, contre les clauses règlementaires de l'avenant n° 17B et contre l'arrêté n° 192 CM du 25 février 2016 et de statuer, par l'effet dévolutif de l'appel, sur le surplus des conclusions présentées par M. D... devant le tribunal administratif.
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :
12. Les conclusions d'une requête collective, qu'elles émanent d'un requérant qui attaque plusieurs décisions ou de plusieurs requérants qui attaquent plusieurs décisions, sont recevables dans leur totalité si elles présentent entre elles un lien suffisant. En l'espèce, dès lors que les conclusions à fin d'annulation de M. D... présentent entre elles, eu égard à leur objet, relatif au tarif de l'électricité en Polynésie française, un lien suffisant, la fin de non-recevoir tirée du caractère collectif de la demande doit être écartée.
S'agissant de l'intervention de M. A... au soutien de la demande de M. D... devant le tribunal administratif:
13. M. A..., usager du service public de distribution d'énergie électrique relevant de la concession d'énergie électrique de Tahiti n° 60-10 du 27 septembre 1960, a intérêt à demander l'annulation des décisions attaquées par M. D... en première instance mentionnées au point 11. Son intervention doit donc être admise.
S'agissant des conclusions de la demande dirigées contre les décisions de conclure l'avenant n° 17 et l'avenant n° 17B :
14. Ainsi qu'il a été dit au point 4, de telles décisions ne peuvent être contestées qu'à l'occasion d'un recours de pleine juridiction contestant la validité de ces avenants ou de certaines de leurs clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Or M. D... ne peut être regardé comme ayant formé un tel recours dès lors qu'ainsi qu'il a été dit au point 2, il n'a entendu contester que les clauses réglementaires des avenants n° 17 et n° 17 B. Par suite, les conclusions susvisées doivent être rejetées comme irrecevables.
S'agissant des conclusions de la demande dirigées contre les clauses réglementaires de l'avenant n° 17B :
Sur les fins de non-recevoir opposées par la Polynésie française et la SA EDT :
15. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'avenant n°17B à la convention de concession du 27 septembre 1960 a été publié au Journal officiel de la Polynésie française du 1er mars 2016. M. D... disposait d'un délai franc de deux mois à compter de cette date pour saisir le tribunal administratif d'une demande à fin d'annulation de cet avenant ou de ses clauses réglementaires. Par suite, les conclusions de la demande dirigées contre ces dernières, enregistrées au greffe du tribunal le 2 mai 2016, n'étaient pas tardives.
16. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ".
17. Contrairement à ce que soutient la Polynésie française, la demande de M. D..., qui n'est pas confuse, exposait de manière précise des moyens à l'encontre des clauses réglementaires de l'avenant n° 17B à la convention de concession de distribution publique d'énergie électrique de Tahiti en date du 27 septembre 1960. Elle répondait ainsi aux exigences de motivation posées par les dispositions précitées de l'article R. 411-1 du code de justice administrative.
18. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date d'introduction de sa demande, M. D... résidait à Taravao, ville ne relevant pas de la convention de concession de distribution publique d'énergie électrique de Tahiti du 27 septembre 1960, dite de " Tahiti nord " mais de celle passée, également avec la SA EDT, par le syndicat pour l'électrification des communes du Sud de Tahiti (SECOSUD). Toutefois, en tant qu'usager domestique du service public de distribution d'énergie électrique concédé à la SA EDT, il doit être regardé comme ayant intérêt à agir contre les clauses réglementaires de l'avenant n°17B, notamment contre son article 1er relatif à la mise en place, à compter du 1er mars 2016, d'une grille des tarifs de l'électricité temporaire applicable sur l'ensemble des concessions de la SA EDT. En outre, la circonstance, à la supposer établie, que les tarifs résultant de l'avenant n°17B auraient été moins élevés, pour la catégorie d'usagers à laquelle M. D... appartient, que ceux antérieurement en vigueur, n'est pas de nature à le priver d'intérêt à demander l'annulation des stipulations de l'avenant fixant des tarifs qu'il estime excessifs.
19. Il résulte de tout ce qui précède que les fins de non-recevoir susvisées doivent être écartées.
Au fond :
20. Au soutien de ses conclusions dirigées contre l'article 1er de l'avenant n° 17B portant mise en place d'une grille tarifaire temporaire à compter du 1er mars 2016, M. D... a invoqué l'illégalité de la formule de rémunération du concessionnaire dénommée " revenu autorisé ", modifiant l'article 11.1 du cahier des charges de la concession, seulement explicitement mentionnée à l'article 2 de l'avenant n° 17 précité. Ce " revenu autorisé ", défini par la formule RE + CE, est composé, d'une part, d'un revenu d'exploitation RE, calculé par application de forfaits annuels multipliés par des unités d'oeuvres, correspondant notamment à la rémunération des missions de gestion de la clientèle, de distribution et de production et, d'autre part, des coûts d'énergie CE, correspondant aux dépenses réelles liées à l'énergie engagées par le concessionnaire, prenant notamment en compte le coût des hydrocarbures. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, d'une part, les tarifs prévus à l'article 1er de l'avenant n°17B, établis de façon à couvrir le revenu autorisé du concessionnaire sur l'ensemble de ses concessions, sont identiques à ceux prévus à l'article 11 du cahier des charges modifié relatif au " Prix de vente de l'énergie électrique ", tel qu'issu de l'article 2 de l'avenant n°17, à tout le moins pour les usages domestiques. Il ressort d'autre part du préambule de l'avenant n°17B que ce dernier a été conclu entre la Polynésie française et la SA EDT dans le but d'anticiper certains effets de la nouvelle formule de rémunération du concessionnaire prévue à l'article 2 de l'avenant n°17, dans l'attente de sa pleine application liée à la mise en place d'un mécanisme réglementaire de péréquation. Dès lors, la grille tarifaire de l'avenant n° 17B doit être regardée comme ayant été élaborée suivant le modèle et les principes de la formule de rémunération du concessionnaire prévue à l'article 2 de l'avenant n° 17. La concordance entre les modalités de calcul des tarifs issus de l'article 1er de l'avenant n°17B et ceux issus de l'article 2 de l'avenant n°17 est d'ailleurs corroborée par les écritures en défense, non contestées, de la SA EDT, selon lesquelles " la grille tarifaire adoptée (par l'avenant n° 17B) tient pleinement compte de la nouvelle méthode de fixation du revenu du concessionnaire définie par l'article 2 de l'avenant n° 17, à ceci près qu'elle reste temporairement fixée de façon unique pour la totalité des concessions (...). En aucun cas l'avenant n° 17B n'a pour objet ou pour effet de poser ou reprendre des règles sur le principe de rémunération du concessionnaire (...) Et même, l'esprit de cet article 2 est déjà appliqué de facto, puisque la grille tarifaire de l'avenant n° 17B a tenu compte de tous les principes qui y sont fixés, comme le montre le recours à l'annexe 9 qui détaille les revenus autorisés par concession (...) ". Il résulte de ce qui précède que M. D... pouvait utilement invoquer l'illégalité de la formule du " revenu autorisé " prévue à l'article 2 de l'avenant n° 17 à l'encontre des clauses réglementaires de l'avenant n° 17B.
21. Les tarifs des services publics à caractère industriel et commercial, qui servent de base à la détermination des redevances demandées aux usagers en vue de couvrir les charges du service, doivent trouver leur contrepartie directe dans la prestation fournie par le service ou, le cas échéant, dans l'utilisation d'un ouvrage public et, par conséquent, doit correspondre à la valeur de la prestation ou du service. Si l'objet du paiement que l'administration peut réclamer à ce titre est en principe de couvrir les charges du service public, il n'en résulte pas nécessairement que le montant de la redevance ne puisse excéder le coût de la prestation fournie. Il s'ensuit que le respect de la règle d'équivalence entre le tarif d'une redevance et la valeur de la prestation ou du service peut être assuré non seulement en retenant le prix de revient de ce dernier, mais aussi, en fonction des caractéristiques du service, en tenant compte de la valeur économique de la prestation pour son bénéficiaire. Dans tous les cas, le tarif doit être établi selon des critères objectifs, rationnels et transparents, dans le respect du principe d'égalité entre les usagers du service public et des règles de la concurrence.
Sur la prise en compte d'éléments de rémunération liés à la production électrique :
22. D'une part, aux termes du cahier des charges annexé au contrat de concession de distribution publique d'énergie électrique de Tahiti du 27 septembre 1960, tel que modifié en dernier lieu par l'avenant n° 17B signé le 26 février 2016 : " Article 5. (...) II- Ouvrages à établir par le concessionnaire. 1/ Augmentation de la production d'énergie. Le concessionnaire s'engage : à réaliser les augmentations de puissance des centrales thermiques qui permettent de faire face aux besoins de la croissance de la puissance appelée par les clients de l'île de Tahiti (...). Au besoin, de créer un ou plusieurs centres de production d'énergie. Ces équipements doivent permettre d'assurer la continuité de l'alimentation des abonnés même en cas de panne du groupe le plus important installé dans chaque centrale. (...) Sont à la charge du concessionnaire, les travaux d'entretien et de renouvellement nécessaires au maintien des installations de production en bon état de fonctionnement. Article 8. (...) Le concessionnaire est tenu d'assurer la garantie de puissance sous déduction des autres engagements de puissance garantie, la continuité et la stabilité de la fourniture dans le respect des contraintes techniques définies au présent cahier des charges. A cette fin, le concessionnaire optimise l'utilisation de l'ensemble des sources de production, pour assurer en permanence, une adéquation totale entre la puissance appelée par ses clients et les moyens de production à mettre en oeuvre pour y parvenir (...). Article 20. Le concessionnaire sera tenu de livrer le courant à toutes heures du jour et de nuit (...) ".
23. D'autre part, l'article 140 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française dispose : " Les actes de l'assemblée de la Polynésie française, dénommés "lois du pays", sur lesquels le Conseil d'Etat exerce un contrôle juridictionnel spécifique, sont ceux qui, relevant du domaine de la loi, soit ressortissent à la compétence de la Polynésie française en application de l'article 13, soit sont pris au titre de la participation de la Polynésie française à l'exercice des compétences de l'Etat dans les conditions prévues aux articles 31 à 36. / Les actes pris sur le fondement du présent article peuvent être applicables, lorsque l'intérêt général le justifie, aux contrats en cours ". Et l'article LP 1er de la loi du Pays du 23 décembre 2013 relative à la production d'énergie électrique dispose : " La production d'électricité ne constitue pas une activité de service public ".
24. Les stipulations qui précèdent du cahier des charges de la concession modifiée mettent à la charge du concessionnaire une obligation de réaliser des augmentations des capacités de production, proportionnées à la croissance de puissance appelée par les usagers de l'île de Tahiti, ainsi que des contraintes relatives à l'équilibre et à la nécessaire continuité du système d'approvisionnement en électricité de cette île. Ces stipulations font ainsi ressortir que la production des ouvrages de la SA EDT est entièrement destinée, de façon permanente, à alimenter les réseaux de distribution d'électricité. La SA EDT soutient en outre, sans être contredite, que les ouvrages qu'elle exploite aux fins d'assurer la production d'énergie, constitués par les treize groupes électrogènes des deux centrales thermiques de Vairaatoa et de Punaruu, dont elle est propriétaire, font partie des charges de la concession, sont inventoriés chaque année aux fins d'information de l'autorité concédante et subissent un amortissement qui est intégré dans les prix de l'électricité. Ces ouvrages auxquels sont imposées ces contraintes en raison de la contribution déterminante qu'ils apportent à l'équilibre du système d'approvisionnement en électricité de l'Ile de Tahiti doivent être regardés comme directement affectés au service public de la sécurité de l'approvisionnement en électricité et leur propriétaire, la SA EDT, est ainsi, dans cette mesure, chargée d'exécuter ce service public. Ainsi, alors même que la SA EDT est titulaire d'une concession portant sur la distribution publique d'énergie électrique de l'île de Tahiti, son activité tenant à la production d'énergie électrique se rattache également, à raison des obligations et des contraintes précitées, à une mission de service public. A cet égard, s'il ressort des dispositions précitées de l'article LP 1er de la loi du Pays du
23 décembre 2013 que l'activité de production d'électricité ne constitue pas une activité de service public, celles-ci ne sauraient s'appliquer au contrat de concession litigieux dès lors que cette loi ne comporte aucune disposition mentionnant, en application de l'article 140 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, son applicabilité aux contrats en cours pour des motifs d'intérêt général. M. D... n'est dès lors pas fondé à soutenir que l'élément P (production électrique), qui relève d'une mission de service public, n'avait pas à figurer dans la composante RE (revenu d'exploitation) de la formule tarifaire prévue à l'article 2 de l'avenant n° 17, dont le modèle et les principes ont servi de fondement à l'élaboration des tarifs de l'avenant n°17B. Il s'ensuit également que le moyen tiré d'une méconnaissance des règles de concurrence est inopérant dès lors que l'intégration de l'élément " production " dans le revenu d'exploitation du concessionnaire n'a ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à l'entrée d'un concurrent potentiel à la SA EDT sur le marché de la distribution électrique.
Sur la rémunération de la puissance maximale majorée :
25. Il résulte de la formule de calcul du revenu autorisé prévue à l'article 11.1.1.1 du cahier des charges de la concession modifiée que la rémunération de la " puissance maximale majorée " P1 est définie par la formule P1= UP1 x FP1, la puissance maximale majorée UP1, fixée à 111,523 MW suite à la rectification de l'erreur matérielle de l'annexe 2 de l'avenant
n° 17 opérée au point 13 du jugement, non contestée, étant équivalente à la puissance maximale appelée, majorée de la puissance du groupe électrogène le plus puissant de chaque centrale thermique, et l'élément FP1 étant un forfait propre à la concession. En premier lieu, à supposer même que, ainsi que l'allègue M. D..., la capacité du réseau de production d'énergie électrique du concessionnaire pour assurer la puissance maximale majorée UP1 ait été fixée à 162 MW, celle-ci resterait sans incidence sur la rémunération du concessionnaire, les termes UP1 et FP1 étant contractuellement fixés. En second lieu, si M. D... faisait valoir que le montant de la puissance maximale majorée aurait dû être réduit à concurrence de la puissance d'énergie hydroélectrique garantie par la société Marama Nui, soit 18 MW, telle qu'elle résulterait d'une convention entre cette société et la SA EDT du 3 mai 1999, il résulte des écritures de la SA EDT, non utilement contestées, que la société Marama Nui n'est tenue qu'à une " puissance garantie hydro modulée ", variable selon les saisons et dont le non-respect n'entraîne que des sanctions financières, et qui reste en tout état de cause sans incidence sur l'obligation de garantie de puissance fournie aux usagers telle qu'elle résulte du contrat de concession, dont la SA EDT est seule débitrice. Enfin et en tout état de cause, il résulte également des écritures de la SA EDT, non utilement contredites par M. D..., que les capacités de production mises en oeuvre par celle-ci pour remplir sa mission de service public relative à la sécurité de l'approvisionnement en électricité des usagers de l'île de Tahiti sont adaptées et proportionnées, tant au regard de la nécessaire redondance des moyens de couverture des besoins de puissance garantis, de la prise en compte des programmes d'arrêt pour révision des groupes électrogènes, de l'hypothèse d'une panne, de la nécessité d'assumer la garantie de puissance supplémentaire de 12 MW incluse dans le contrat de concession passé avec le SECOSUD, également assurée avec les moyens de production mentionnés au point 18, et, enfin, de l'état d'obsolescence de la centrale de Vairaatoa, laquelle n'est maintenue qu'à l'état de centrale urbaine de secours de l'agglomération de Papeete. Par suite, M. D... n'est fondé à soutenir ni que le concessionnaire aurait mis en oeuvre une surcapacité de ses moyens de production de nature à gonfler artificiellement le tarif de l'électricité, conduisant à le rémunérer pour un entretien de capacités de production inutiles, ni que les moyens de production mis en oeuvre dans le cadre de la convention de concession litigieuse auraient été disproportionnés au regard de la puissance maximale majorée garantie par la SA EDT et de son niveau de rémunération résultant de l'article 2 de l'avenant n° 17.
Sur la divergence entre la baisse des recettes et la baisse des charges en combustible :
26. Au soutien de l'argument selon lequel la formule de rémunération prévue à l'article 2 de l'avenant n° 17 conduirait à assurer au concessionnaire une marge allant au-delà de la marge raisonnable à laquelle il pourrait prétendre, M. D... produit un tableau mettant en perspective, d'une part, le montant de l'économie de charges de combustibles réalisée, selon lui, par la SA EDT entre septembre 2014 et mars 2016, résultant notamment de la baisse des cours du fioul et du gazole et, d'autre part, le montant de la baisse des recettes de la même société résultant, également selon lui, de la diminution des prix de vente de l'énergie électrique sur la même période. Il en a inféré l'existence d'une " divergence " d'un montant de 1 539, 312 millions francs CFP, ramené ultérieurement à une estimation de 1 357 millions de francs CFP, constitutive, selon lui, d'un accroissement de marge indu du concessionnaire qui n'aurait pas répercuté " au franc le franc " la baisse des charges de combustible réalisée dans les tarifs de l'électricité, ainsi que le lui impose l'article 11.1.2.2 du cahier des charges de la concession modifiée. Toutefois, les allégations précitées de M. D... sont contestées par la SA EDT et la Polynésie française, qui estiment que les données utilisées par celui-ci ainsi que ses méthodes d'évaluation pour arriver à de telles conclusions sont erronées. Le concessionnaire fait valoir notamment que M. D... a surestimé les volumes d'hydrocarbures consommés en 2014, a en revanche sous-estimé ces mêmes volumes en 2016 en prenant comme référence annuelle le prix exceptionnellement bas du mois de mars, a pris une référence du prix de l'électricité non pertinente en ce qu'elle ne constitue pas un prix moyen, ne comprend pas la prime fixe de la facture des usagers et a en tout état de cause disparu en 2016 et, enfin, a utilisé une valeur artificiellement sous-évaluée de ce prix de référence, inférieure de 1,24 francs CFP/kWh par rapport à son niveau contractuel normal. Il a fait ainsi valoir que, notamment, la baisse de la facturation client est supérieure d'environ 500 millions de francs CFP à la baisse des prix des combustibles. Compte tenu de l'ensemble des pièces du dossier, notamment du caractère circonstancié et étayé de la défense de la SA EDT qui n'est pas sérieusement contestée par M. D..., les allégations de ce dernier ne peuvent être retenues.
Sur la suppression de l'amortissement de la caducité :
27. M. D... fait valoir que la suppression de l'amortissement de caducité, résultant du point 2 de l'exposé préalable de l'avenant n° 17, qui aura notamment pour effet de différer à la fin de la concession le remboursement des frais engagés par le concessionnaire au titre des équipements nécessaires à son activité, entraînera une reprise de provision de l'ordre de 13 milliards francs CFP sur la durée restante de la concession, soit entre 2016 et 2030, qui augmentera à due concurrence le résultat de celui-ci de façon à lui procurer un enrichissement sans cause très important au lieu de bénéficier aux usagers par le biais d'une réduction des tarifs de l'électricité. Toutefois, en premier lieu, M. D... n'a étayé ses allégations que par des éléments prospectifs qui ne sont corroborés par aucun commencement de preuve. En second lieu, celles-ci ont été contestées par la SA EDT et la Polynésie française, qui ont estimé que la baisse des charges résultant de la suppression de l'amortissement de caducité aura pour effet de diminuer automatiquement le revenu autorisé du concessionnaire et, en conséquence, les tarifs de l'électricité distribuée aux usagers dès l'entrée en vigueur de cette nouvelle méthode de traitement comptable des immobilisations. Le concessionnaire a soutenu notamment que l'intégralité de l'économie de charges provenant de la suppression de l'amortissement de caducité, estimée comptablement à la somme de 604.965.743 francs CFP par an, a été intégrée à la détermination du revenu d'exploitation RE au titre de l'année 2015 et sera actualisée chaque année. Il a produit en outre la décomposition de son revenu autorisé au titre de 2015, basée sur les données réelles, ainsi que celle du revenu autorisé prévisionnel au titre de 2016, d'un montant de 19.557.463.359 francs CFP, qui comprennent toutes les deux une ligne de charges intitulée " économies avenant 17 restituées "caducité" ", du montant précité, venant en déduction du revenu d'exploitation RE. Il s'ensuit, en l'absence notamment de contestation utile de ces éléments, que les allégations de M. D... doivent être écartées.
Sur l'utilisation d'indices non spécifiques à l'activité du concessionnaire :
28. Il résulte de la formule de calcul du revenu autorisé de l'avenant n°17 que, s'agissant des coûts de gestion entrant dans la détermination de la composante RE (revenu d'exploitation), celle-ci intègre différents forfaits qui sont spécifiques à chaque type de mission du concessionnaire et qui s'appliquent de manière différenciée en fonction des différents postes de charge, individualisés à partir d'une comptabilité analytique. La valeur initiale de ces forfaits, déterminée sur la base de l'historique des coûts du concessionnaire au 31 décembre 2014, figure en annexe 2 de l'avenant n° 17. Il résulte en outre de l'article 11.1.1.3. du cahier des charges de la concession modifié que les paramètres de la formule de calcul du revenu autorisé évoluent en fonction de l'actualisation de ces forfaits réalisée sur la base de trois indices, à savoir l'indice des salaires et des charges (ISC), l'indice des prix à la consommation ou indice du coût de la vie (ICV) et l'indice des produits et services divers hors TVA (PSD), avec une pondération tenant compte des parts respectives des différentes charges entrant dans la composition du forfait. Ces différents indices, alors même qu'ils ne sont spécifiques ni aux activités de production et de distribution d'énergie électrique ni aux diverses interventions de sous-traitance commandées par la SA EDT, ont toutefois un lien étroit avec les principaux postes de charges correspondant à son activité et sont ainsi adaptés à la revalorisation d'indicateurs représentatifs des charges du service public de distribution d'énergie électrique. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la formule de rémunération du concessionnaire appliquerait des indices d'actualisation non spécifiques à l'activité du concessionnaire, comme l'indice des prix à la consommation ou encore l'indice charge et salaires, qui ne concerneraient que des activités de construction et non de production et de distribution d'électricité.
Sur le détournement de pouvoir :
29. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le moyen tiré du détournement de pouvoir, en ce que le conseil des ministres de la Polynésie française aurait agi dans le seul intérêt particulier du concessionnaire, serait établi.
30. Il résulte de ce qui a été dit aux points 19 à 28 que M. D... n'est pas fondé à soutenir que la formule tarifaire du " revenu autorisé ", dont le modèle et les principes ont servi de fondement à l'élaboration des tarifs de l'avenant n°17B, serait entachée d'illégalité en ce qu'elle n'aurait pas été établie selon des critères objectifs, rationnels et transparents, dans le respect du principe d'égalité entre les usagers du service public et des règles de la concurrence. Par suite, ses conclusions dirigées contre les clauses réglementaires de l'avenant n°17B doivent être rejetées.
S'agissant des conclusions de la demande dirigées contre l'arrêté n° 192 CM du
25 février 2016 :
31. Aux termes de l'article 90 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française : " Sous réserve du domaine des actes prévus par l'article 140 dénommés "lois du pays", le conseil des ministres fixe les règles applicables aux matières suivantes : (...) 6° Prix, tarifs et commerce intérieur ". Aux termes de l'article 1er de la décision n° 326 AE du 5 décembre 1977 portant réglementation générale des tarifs dans le domaine énergétique : " Dans le territoire de la Polynésie française les tarifs afférents à la production et la commercialisation des produits énergétiques ainsi qu'aux prestations de services liées à la mise sur le marché de ressources énergétiques sont fixés par décision du conseil de gouvernement (...) ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté n° 171 CM du 7 février 1992 fixant le régime général des prix et des marges des produits aux différents stades de la commercialisation dans le territoire : " Dans le territoire de la Polynésie française, les prix et les marges des produits, qui ne sont pas destinés à satisfaire les besoins d'une activité professionnelle, sont réglementés à la revente, quelle que soit la nature juridique des entreprises qui les commercialisent. Ces produits sont classés, en fonction du régime de prix qui leur est applicable, en quatre catégories distinctes : (...) 2° Les produits de grande consommation (P.G.C.) importés ou fabriqués localement, dont les marges de commercialisation sont fixées en valeur relative, sauf régime spécifique / ANNEXE 2 à l'arrêté n° 171 CM du 7 février 1992 - PRODUITS DE GRANDE CONSOMMATION : B - PRODUITS INDUSTRIELS : (...) 27.16 : Energie électrique : Régime spécifique ". Aux termes de l'article 11 du cahier des charges annexé au contrat de concession du 27 septembre 1960, tel que modifié en dernier lieu par l'avenant n° 17B : " (...) Les tarifs de l'électricité sont fixés par le concédant, de manière à permettre au concessionnaire d'atteindre le niveau de revenu autorisé basé sur les prévisions de ce dernier (...) / 11.2.1. Etablissement des prix de vente : (...) Les tarifs (parts fixes et Prix unitaires de chaque tranche de consommation), de même que les catégories de consommateurs, ainsi que le nombre et l'amplitude des tranches de consommation sont fixés par arrêtés en Conseil des Ministres sans nécessiter d'avenant au présent cahier des charges, de manière à permettre au concessionnaire d'atteindre le niveau de Revenu Autorisé (...) ".
32. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté n° 192 CM fixant les nouveaux tarifs de l'énergie électrique distribuée par EDT dans le cadre de sa concession a été signé le 25 février 2016, soit antérieurement à l'avenant n° 17B dont l'objet est la mise en place d'une grille tarifaire temporaire à compter du 1er mars 2016, signé le 26 février 2016 entre la Polynésie française et son concessionnaire la SA EDT. M. D... en déduit que l'arrêté n° 192 CM est dépourvu de base légale. Toutefois, il résulte des dispositions qui précèdent que le conseil des ministres de la Polynésie française est seul compétent pour fixer les tarifs de l'électricité sur ce territoire, ainsi d'ailleurs que le mentionnent également les stipulations précitées de l'article 11 du cahier des charges de la concession. Par suite, et dès lors que l'accord contractuel entre les parties, s'il est nécessaire à la définition de l'équilibre économique du contrat de concession et celle du revenu autorisé du concessionnaire, n'est pas un préalable indispensable à la fixation des tarifs, qui relève de la seule compétence du conseil des ministres, le moyen doit être écarté.
33. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de M. D... dirigées contre l'arrêté n° 192 CM fixant les nouveaux tarifs de l'énergie électrique, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté, doivent être rejetées.
En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction de production de documents :
34. De telles conclusions doivent être rejetées dès lors que la mise en oeuvre du pouvoir d'instruction prévu à l'article R. 611-10 du code de justice administrative constitue un pouvoir propre du juge.
En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
35. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées.
En ce qui concerne les frais liés au litige :
36. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Polynésie française et de la société Electricité de Tahiti (SA EDT), qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que M. D... et M. A... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... et M. A... le versement de la somme que la Polynésie française et la société Electricité de Tahiti demandent sur le fondement des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1600206 du Tribunal administratif de la Polynésie française du 24 janvier 2017 est annulé en tant qu'il est relatif aux conclusions dirigées contre les décisions de conclure les avenants n° 17 et n° 17B, aux conclusions dirigées contre les clauses règlementaires de l'avenant n° 17B et aux conclusions dirigées contre l'arrêté n° 192 CM du
25 février 2016.
Article 2 : L'intervention de M. A... présentée devant le Tribunal administratif de la Polynésie française au soutien des conclusions de M. D... visées à l'article 1er est admise.
Article 3 : La demande de M. D... présentée devant le Tribunal administratif de Polynésie française, en tant qu'elle est dirigée contre les décisions et clauses mentionnées à l'article 1er , est rejetée.
Article 4 : Le surplus des conclusions d'appel de M. D... et M. A... est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de la Polynésie française présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Les conclusions de la société Electricité de Tahiti (SA EDT) présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... D..., à M. E... A..., à la Polynésie française et à la société Electricité de Tahiti.
Copie en sera délivrée au Haut-commissaire de la République en Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 25 septembre 2020 à laquelle siégeaient :
- Mme B..., président,
- M. C..., premier conseiller,
- Mme Portes, premier conseiller.
Lu en audience publique le 30 octobre 2020.
Le rapporteur,
P. C...
Le président,
M. B... Le greffier,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au ministre des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA01370