Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 mai 2019 et 6 juillet 2020, M. A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1707373 du Tribunal administratif de Paris en date du 11 avril 2019 ;
2°) de condamner la société La Poste à lui verser la somme de 21 932,12 euros au titre de l'indemnisation des traitements non versés depuis le 5 avril 2016 et la somme de 5 000 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice moral ;
3°) de mettre à la charge de la société La Poste la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la Poste a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en ne le reclassant pas dans un emploi à Saint-Nazaire en méconnaissance de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la suspension de son traitement pour absence de service fait est également fautive, car il a justifié son absence par un arrêt de travail du 11 mai 2016 au 18 juin 2016 et également du fait qu'il ne pouvait déférer à la convocation à la contre-visite médicale ordonnée par la Poste faute de ressources financières.
Par un mémoire en défense enregistré, le 5 juin 2020, la société La Poste, représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;
- le décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteur public,
- les observations de Me C..., pour M. A..., et celles de Me B..., substituant Me F..., pour la société La Poste.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., fonctionnaire de La Poste, détenteur du grade d'agent professionnel qualifié de second niveau (APN 2) a été victime, en dehors de l'exercice de ses fonctions, d'un infarctus du myocarde le 6 janvier 2012. Il a été placé en congé de maladie ordinaire. A l'issue de ces congés, le comité médical de la Poste a émis un avis favorable à sa reprise de fonctions, assorti des conditions qu'il ne porte pas de charges lourdes, ne lève pas ses bras au-dessus de ses épaules et ne travaille pas de nuit mais, sur sa demande, M. A... a été placé en congé de longue maladie à compter du 3 septembre 2012. Ce congé a été prolongé à plusieurs reprises jusqu'au 11 décembre 2015. Suite à un nouvel avis du comité médical, il a été réintégré à compter du 5 avril 2016 à la plateforme industrielle du courrier de Wissous. Ne s'étant pas présenté à son travail, il a fait l'objet d'une retenue sur traitement à compter du 5 avril 2016. Par un courrier du 2 janvier 2017, complété le 6 mai 2017, il a demandé à la Poste de réparer les préjudices qu'il estime avoir subis en raison, d'une part, de la carence fautive de la société dans la mise en oeuvre de son obligation de reclassement et, d'autre part, de l'interruption du versement de son traitement à compter du 5 avril 2016. En l'absence de réponse expresse de la Poste, M. A... a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner La Poste à lui verser la somme totale de 26 932,12 euros se décomposant en 5 000 euros au titre du préjudice moral subi en l'absence de reclassement et 21 932,12 euros au titre de ses traitements nets non perçus depuis le 5 avril 2016. Par un jugement du 11 avril 2019, dont M. A... fait appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur l'existence d'une faute de la société La Poste en l'absence de reclassement du requérant :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, dans sa version applicable au présent litige : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. /.... Un décret en Conseil d'État détermine les conditions dans lesquelles le reclassement, qui est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé, peut intervenir. / Il peut être procédé au reclassement des fonctionnaires mentionnés à l'alinéa premier du présent article par la voie du détachement dans un corps de niveau équivalent ou inférieur....". Aux termes de l'article 1er du décret du 30 novembre 1984 pris en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 : " Lorsqu'un fonctionnaire n'est plus en mesure d'exercer ses fonctions, de façon temporaire ou permanente, et si les nécessités du service ne permettent pas un aménagement des conditions de travail, l'administration, après avis du médecin de prévention, dans l'hypothèse où l'état de ce fonctionnaire n'a pas rendu nécessaire l'octroi d'un congé de maladie, ou du comité médical si un tel congé a été accordé, peut affecter ce fonctionnaire dans un emploi de son grade, dans lequel les conditions de service sont de nature à permettre à l'intéressé d'assurer les fonctions correspondantes. ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " Dans le cas où l'état physique d'un fonctionnaire, sans lui interdire d'exercer toute activité, ne lui permet pas de remplir les fonctions correspondant aux emplois de son grade, l'administration, après avis du comité médical, invite l'intéressé à présenter une demande de reclassement dans un emploi d'un autre corps. ".
3. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, lorsqu'un fonctionnaire est déclaré inapte à l'exercice de ses fonctions, son poste de travail doit faire l'objet d'une adaptation à son état physique. Cette adaptation s'envisage sous la forme, par ordre de priorité, soit d'un aménagement de ses conditions de travail sur le poste où le fonctionnaire était déjà affecté avant qu'il soit reconnu inapte, soit d'une affectation sur un autre poste de travail adapté relevant de son grade soit enfin, dans le cas où tout aménagement du poste de travail s'avèrerait impossible, d'une affectation dans un autre emploi relevant de son grade.
4. Il résulte de l'instruction que M. A... n'a pas été déclaré inapte à l'exercice de l'ensemble des fonctions correspondant à son grade d'APN 2, dès lors que le médecin du travail de la société La Poste et les différentes instances paritaires saisies l'ont déclaré apte à reprendre ses fonctions sous les seules réserves qu'il ne porte pas de charges lourdes, ne lève pas ses bras au-dessus de ses épaules et ne travaille pas de nuit. Dès lors que le requérant était apte à l'exercice de la majorité des fonctions attachées à son grade et qu'un poste adapté à son état physique prenant compte les restrictions définies par le comité médical, la Poste n'était pas tenue de l'inviter à présenter une demande de reclassement dans un emploi d'un autre corps et n'a donc commis aucune faute du fait de cette abstention. S'il est vrai que le médecin du travail a préconisé un rapprochement de M. A... de la " région nazairienne ", ainsi que " la nécessité d'une vie calme dans une petite structure d'une petite agglomération avec un trajet de conduite limité à 20 km ", l'intimée fait valoir, sans être sérieusement contredite, qu'elle n'a pas trouvé de poste compatible avec les préconisations émises par le comité médical quant à une affectation de M. A... dans un établissement de la " région nazairienne ". Dans ces conditions, aucune faute ne peut être retenue à l'encontre de la Poste.
Sur la suspension du traitement de M. A... :
5. Aux termes, d'une part, de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération (...) ". Aux termes de l'article 64 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'État : " Les fonctionnaires (...) ont droit, après service fait, à une rémunération fixée conformément aux dispositions de l'article 20 du titre Ier du statut général. ". Aux termes, d'autre part, de l'article 25 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des : " Pour obtenir un congé de maladie ainsi que le renouvellement du congé initialement accordé, le fonctionnaire adresse à l'administration dont il relève, dans un délai de quarante-huit heures suivant son établissement, un avis d'interruption de travail. Cet avis indique, d'après les prescriptions d'un médecin..., la durée probable de l'incapacité de travail. / (...) L'administration peut faire procéder à tout moment à la contre-visite du demandeur par un médecin agréé ; le fonctionnaire doit se soumettre, sous peine d'interruption du versement de sa rémunération, à cette contre-visite... ".
6. Il résulte de ces dispositions que l'administration est tenue de suspendre jusqu'à la reprise effective de son service par l'intéressé, le versement du traitement d'un fonctionnaire qui, de son fait, n'accomplit pas son service et qu'en cas de refus du fonctionnaire de se soumettre à une contre-visite, l'administration est en droit d'interrompre le versement de son traitement.
7. Ainsi qu'il a été dit au point 4, M. A... n'a pas été déclaré inapte à reprendre ses fonctions au sein de la plateforme industrielle du courrier de Wissous. Informé de la date de sa reprise de fonctions et mis en garde, par un courrier du 1er avril 2016, des conséquences d'un refus de poste injustifié, il ne s'est pas présenté à son poste. En dépit d'un nouveau courrier de son employeur du 29 avril 2016 l'informant de la suspension de son traitement pour absence de service fait et le mettant en demeure de justifier son absence au plus tard le 16 mai 2016, M. A... a, par un courrier du 11 mai 2016, transmis un arrêt de travail couvrant la période du 10 mai au 18 juin 2016 ainsi qu'un certificat de son médecin traitant indiquant qu'il ne pouvait pas reprendre ses fonctions en région parisienne. Suite à la contre-visite médicale ordonnée par La Poste, M. A... a refusé de se rendre à cette contre-visite au motif qu'il ne disposait pas des ressources suffisantes pour se rendre de Saint-Nazaire à Paris. Dans ces conditions, eu égard à l'absence de service fait et au refus de M. A... de se soumettre à la contre-visite médicale sans motif valable, la société La Poste a pu légalement suspendre le versement de son traitement. Il suit de là que la société La Poste n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions en condamnation de la société La Poste.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Poste la somme que demande M. A..., partie perdante, au titre des frais qu'il a exposés. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. A... la somme que demande la société La Poste sur le fondement du même article.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête présentée par M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société La Poste sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et à la société La Poste.
Délibéré après l'audience du 4 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme D..., premier conseiller,
- M. Sibilli, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er avril 2021.
Le rapporteur,
I. D...Le président,
S.-L. FORMERY
La greffière
F. DUBUY-THIAM
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA01670