Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 18 novembre 2020, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler le jugement n° 2015285 du 19 octobre 2020 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris ;
3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 10 septembre 2020 ;
4°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une attestation de demande d'asile ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation administrative dans le délai de deux semaines à compter de la notification du présent arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 3 000 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté a été pris en méconnaissance de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, dès lors que les brochures d'information prévues par ces dispositions lui ont été remises de manière tardive et incomplète ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que sa remise aux autorités suédoises aurait nécessairement pour conséquence son renvoi en Afghanistan, où il serait exposé à des traitements inhumains et dégradants ;
- le préfet de police, qui a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle et des conséquences de l'arrêté contesté sur celle-ci, aurait dû faire usage du pouvoir discrétionnaire qu'il tient de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
La requête a été communiquée au préfet de police, lequel n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une décision du 1er décembre 2020, le président du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. C....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 portant application de la loi sur l'aide juridictionnelle ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu à l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant afghan né le 17 novembre 1999, est entré irrégulièrement sur le territoire français et a présenté une demande d'asile au guichet unique des demandeurs d'asile de Paris le 29 juillet 2020. La consultation du fichier " Eurodac " a révélé que l'intéressé a présenté une demande d'asile auprès des autorités suédoises le 10 décembre 2015. Le préfet de police a adressé aux autorités néerlandaises et suédoises une demande de reprise en charge de M. C... le 30 juillet 2020. Les autorités néerlandaises ont refusé sa reprise en charge le 5 août 2020, au motif que les autorités suédoises étaient devenues responsables de l'examen de la demande d'asile de M. C... dès le 3 février 2020. Les autorités suédoises ont, quant à elles, explicitement accepté leur responsabilité le 3 août 2020 sur le fondement des dispositions du d) du 1. de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Le préfet de police a alors décidé, par l'arrêté contesté du 10 septembre 2020, de remettre M. C... aux autorités suédoises. L'intéressé fait appel du jugement du 19 octobre 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :
2. M. C... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er décembre 2020 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris, ses conclusions tendant à ce que la Cour lui accorde le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sont devenues sans objet.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 (...) ". Il résulte de l'annexe X au règlement (CE) du 2 septembre 2003 que ladite brochure comprend une partie A intitulée " Informations sur le règlement de Dublin pour les demandeurs d'une protection internationale en vertu de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 " et une partie B intitulée " Procédure de Dublin - Informations pour les demandeurs d'une protection internationale dans le cadre d'une procédure de Dublin en vertu de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 ".
4. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations, une information complète sur ses droits, par écrit ou, si nécessaire pour la bonne compréhension du demandeur, oralement, et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Eu égard à la nature de ces informations, leur délivrance complète par l'autorité administrative, notamment par la remise de la brochure prévue par les dispositions précitées, constitue pour le demandeur d'asile une garantie dont la méconnaissance est de nature à entacher d'illégalité la décision ordonnant la remise de l'intéressé à l'État membre responsable de l'examen de sa demande d'asile.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. C... s'est vu remettre par les services préfectoraux, contre signature, le guide du demandeur d'asile ainsi que trois brochures d'information : " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' ", dite " brochure A ", " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ", dite brochure B, et " Les empreintes digitales et Eurodac " en langue dari, qu'il a déclaré comprendre.
6. D'une part, M. C... soutient qu'il a été privé d'une garantie, dès lors que ces brochures d'information lui ont été remises tardivement. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'elles lui ont été communiquées le 29 juillet 2020, soit le jour de la présentation de sa demande d'asile. Le résumé de l'entretien individuel de M. C..., qui a eu lieu le même jour et a été signé par le requérant, précise que les informations sur le règlement communautaire lui ont été remises, que sa demande d'asile est traitée conformément au règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et qu'il déclare avoir compris la procédure engagée à son encontre. Dans ces conditions, le requérant, qui a été mis à même de présenter ses observations lors de cet entretien individuel et a ainsi eu notamment l'occasion de faire part de sa prise en charge par les autorités suédoises ainsi que de tout élément relatif à sa situation personnelle, n'a été privé d'aucune garantie. La circonstance, à la supposer établie, que les brochures d'information ne lui auraient été délivrées qu'au cours de son entretien individuel n'entache pas la procédure d'irrégularité en vertu de la règle énoncée au point 4.
7. D'autre part, M. C... soutient que la brochure dite B ne lui aurait pas été communiquée intégralement, dès lors que la couverture de l'exemplaire qui lui a été remis comporte la mention manuscrite de ce qu'elle ne serait composée que de treize pages au lieu des seize qui la composent habituellement. Toutefois, la brochure dite B comporte une page de garde et une quatrième de couverture, ainsi que des pages revêtues de photographies et de cartes de l'Europe, n'énonçant aucune information relative à l'application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Dès lors que le requérant n'apporte aucune précision s'agissant des pages supposées manquantes, et alors qu'il a signé le compte-rendu de son entretien individuel, au terme duquel il a indiqué que les informations sur le règlement communautaire lui ont été remises et qu'il comprenait la procédure engagée à son encontre, la seule mention manuscrite dont se prévaut le requérant ne permet pas d'établir que la brochure dite B lui aurait été remise de manière lacunaire. Partant, le moyen tiré de ce que M. C... n'aurait pas reçu, en temps utile, une information complète comprenant l'ensemble des éléments requis par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
8. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe par en vertu des critères fixés par le présent règlement ".
9. M. C... soutient que, ayant été définitivement débouté de sa demande d'asile par la Suède, sa remise aux autorités suédoises entraînerait son renvoi en Afghanistan, où il craint de subir des traitements inhumains et dégradants, tant en raison de sa conversion au christianisme qu'en raison de la situation sécuritaire du pays. Toutefois, l'arrêté contesté n'a ni pour objet ni pour effet d'éloigner l'intéressé vers l'Afghanistan, mais seulement de prononcer son transfert vers la Suède. Or, la Suède, est un État membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. M. C..., qui se borne à produire des articles de presse généraux concernant la situation sécuritaire en Afghanistan, ainsi que plusieurs décisions de la Cour nationale du droit d'asile accordant le bénéfice de l'asile à des ressortissants afghans, ne produit aucun élément de nature à établir que sa demande ne sera pas traitée en Suède dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Au surplus, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les autorités suédoises, alors même que la demande d'asile de M. C... a fait l'objet d'un rejet par une décision de l'office national des migrations du 17 novembre 2017, confirmée par un jugement du Tribunal administratif de Malmö et par une décision de la Cour administrative d'appel de Stockholm du 31 octobre 2018, n'évalueront pas, avant de procéder à un éventuel éloignement du requérant, les risques auxquels il serait exposé en cas de retour en Afghanistan. Par suite, les moyens tirés de ce que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle du requérant et des conséquences de l'arrêté contesté sur celle-ci en s'abstenant de faire application de la clause de souveraineté prévue par les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de ce qu'il aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Il résulte de ce qui précède que, pour l'application des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant doivent donc être rejetées.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État la somme que demande M. C..., partie perdante, au titre des frais qu'il a exposés.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. C... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 4 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme B..., premier conseiller,
- M. Sibilli, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 1er avril 2021.
Le rapporteur,
I. B...Le président,
S.-L. FORMERY
La greffière,
F. DUBUY-THIAM
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA03448