Par une requête, enregistrée le 8 août 2019, M. D..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1800287 du 21 mai 2019 du tribunal administratif de la Polynésie française ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 juin 2018 du garde des sceaux, ministre de la justice, en tant que cet arrêté le classe au premier échelon de son grade ;
3°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, de le reclasser au treizième échelon de son grade, de reconstituer sa carrière à compter du 19 février 2016 et de lui verser le rappel de rémunération qui lui est dû ;
4°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision de la Cour administrative de Bordeaux ;
5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
M. D... soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- il devait être reclassé au treizième échelon de son grade en application de l'article 10 du décret du 14 avril 2006, son ancienneté dans son corps d'origine devant être appréciée à la date de sa nomination en tant que stagiaire ;
- les fonctionnaires de la Polynésie française ne peuvent être exclus du dispositif prévu à cet article, dès lors qu'il s'agit d'une collectivité territoriale et que le principe d'égalité doit s'appliquer.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 mars 2021, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.
Le garde des sceaux, ministre de la justice soutient que les moyens invoqués par M. D... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;
- la délibération n° 95-215 AT du 14 décembre 1995 portant statut général de la fonction publique de la Polynésie française ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État ;
- le décret n° 2006-441 du 14 avril 2006 portant statut particulier des corps du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;
- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C... ;
- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., qui relevait du cadre d'emploi des rédacteurs de la fonction publique de la Polynésie française, a été admis au concours d'entrée dans le corps des personnels d'encadrement et d'application du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire et a été nommé élève surveillant de cette administration par un arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice du 29 février 2016. Par un arrêté du 28 octobre 2016, il a été nommé en qualité de stagiaire dans ce corps. Par un arrêté du 22 juin 2018 du garde des sceaux, ministre de la justice, il a été titularisé dans le grade de surveillant et surveillant principal de ce corps à compter du 29 octobre 2017, au premier échelon de son grade. M. D... fait appel du jugement du 21 mai 2019 par lequel tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté, en tant qu'il le classe au premier échelon de son grade.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. En réponse au moyen invoqué par M. D..., tiré de ce que pour déterminer l'échelon dans lequel il devait être classé à la suite de sa titularisation, l'administration devait appliquer l'article 10 du décret n° 2006-441 du 14 avril 2006 dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-1009 du 10 mai 2017, et non pas cet article dans sa rédaction issue de ce décret, les premiers juges se sont bornés à citer cet article en précisant qu'il l'appliquait dans sa rédaction " applicable à la date de la titularisation du requérant ", sans expliciter les motifs qui conduisaient à faire application de ces dispositions. Compte tenu de l'argumentation qui était présentée, ce jugement est ainsi insuffisamment motivé. M. D... est, dès lors, fondé à en demander l'annulation.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de la Polynésie française.
Sur le bien-fondé du jugement :
5. Aux termes de l'article 10 du décret du 14 avril 2006, dans sa rédaction issue de l'article 61 du décret n° 2017-1009 du 10 mai 2017, en vigueur à la date de la titularisation de M. D... : " I. Sous réserve des dispositions du II, du III et du IV, les surveillants titularisés sont classés au 1er échelon de leur grade. II. Les surveillants qui avaient, à la date de leur nomination en tant qu'élève, la qualité de fonctionnaire de l'État, des collectivités territoriales ou d'établissements publics en relevant sont classés à un échelon comportant un indice brut égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui qu'ils détenaient dans leur corps ou cadre d'emplois d'origine (...) ".
6. L'article 61 du décret du 10 mai 2007 s'inscrit dans son titre V intitulé " Dispositions modifiant le décret n° 2006-441 du 14 avril 2006 portant statut particulier des corps du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire (Articles 60 à 66) ", chapitre Ier intitulé " Dispositions entrant en vigueur le 1er janvier 2017 (Articles 60 à 66) ", section 1 intitulé " Dispositions permanentes (Articles 60 à 65) ". Ainsi, les dispositions de l'article 10 du décret du 14 avril 2006 mentionnées au point 5 sont entrées en vigueur le 1er janvier 2017 et, dès lors que M. D... a été titularisé par un arrêté du 22 juin 2018, ces dispositions, à les supposer même applicables à la situation des surveillants pénitentiaires issus d'un corps relevant de la délibération du 14 décembre 1995 portant statut général de la fonction publique de la Polynésie française sur le fondement du principe d'égalité, devaient alors être retenues pour apprécier sa situation. Par suite, le garde des sceaux, ministre de la justice, devait en tout état de cause titulariser l'intéressé à un échelon comportant un indice brut égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui qu'il détenait dans son corps d'origine à la date de sa nomination en tant qu'élève, et non pas à un échelon comportant un traitement égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui qu'il percevait dans ce corps à cette date, ce que prévoyait l'article 10 du décret du 14 avril 2006 dans sa rédaction antérieure au décret du 10 mai 2017.
7. Il ressort des pièces du dossier, ce qu'opposait sans être contredit en première instance le garde des sceaux, ministre de la justice, que M. D... détenait un indice brut égal à 287 dans son corps d'origine de fonctionnaire de la Polynésie française à la date de sa nomination en tant qu'élève et qu'il a été classé lors de sa titularisation à un indice brut égal à 347, correspondant au premier échelon de son grade. Dans ces conditions, compte tenu de ce qui a été dit au point 6, M. D... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait dû être classé au treizième échelon de son grade lors de sa titularisation.
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre motif invoqué en défense et de surseoir à statuer, que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 22 juin 2018 du garde des sceaux, ministre de la justice, en tant que cet arrêté le classe au premier échelon de son grade. Ses conclusions à fin d'annulation de cet arrêté doivent, dès lors, rejetées.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. D... demande au titre des frais qu'il a exposés.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1800287 du 21 mai 2019 du tribunal administratif de la Polynésie française est annulé.
Article 2 : La demande de M. D... devant le tribunal administratif de la Polynésie française et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 12 mai 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- M. C..., président assesseur,
- Mme Marion, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 juin 2021.
Le rapporteur,
F. C...Le président,
S.-L. FORMERY
La greffière,
F. DUBUY-THIAM
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA02649