Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 12 mars 2020, Mme D..., représentée par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1924964 du 13 février 2020 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 10 octobre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision portant refus de séjour :
- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 6° et 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle contribue de manière effective à l'entretien et à l'éducation de ses enfants.
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle emporte des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour sa situation personnelle dès lors qu'elle possède ses attaches privées et familiales en France.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 novembre 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.
M. D... a produit des pièces postérieurement à la clôture d'instruction intervenue le 8 février 2021 à minuit qui n'ont pas été communiquées au préfet de police.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant,
- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;
- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique .
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... D..., de nationalité angolaise, est entrée en France le 24 juillet 1998 selon ses déclarations. Elle a sollicité le 17 juillet 2019 un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'intéressée fait appel du jugement du 13 février 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 10 octobre 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Sur les conclusions dirigées contre la décision portant refus de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du casier judiciaire de l'intéressée, que Mme D... a fait l'objet de plusieurs condamnations pour des infractions de vol, vol en réunion, vol avec violence en réunion et escroqueries, commises entre 2006 et 2018. Eu égard à la nature et au caractère répété de ces infractions, dont la réalité n'est au demeurant pas contestée par l'intéressée, le préfet de police a pu légalement estimer que la présence de Mme D... en France représentait une menace pour l'ordre public. Au demeurant, si Mme D... se prévaut de sa qualité de mère d'un enfant de nationalité française, son fils A... D..., né le 28 novembre 2002, a été placé auprès de l'aide sociale à l'enfance et ce placement a été prolongé par un jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 12 octobre 2017 au 31 octobre 2018. Or, Mme D... n'apporte aucun élément de nature à établir qu'elle contribuerait à l'entretien ou à l'éducation de ce dernier. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
4. En deuxième lieu, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code.
5. Mme D... a bénéficié d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur les périodes du 9 janvier 2007 au 9 janvier 2009, puis du 1er février 2013 au 31 janvier 2014. Toutefois, elle n'établit pas avoir sollicité un nouveau titre de séjour sur le fondement de ces dispositions. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet de police qui n'était pas tenu d'examiner sa demande de titre de séjour sur ce fondement, aurait méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et alors qu'au surplus, il résulte de ce qui a été dit au point 3, qu'elle ne pouvait prétendre à la délivrance d'un tel titre dès lors que sa présence en France représente une menace pour l'ordre public.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. Mme D... soutient, sans plus de précisions, qu'elle est parfaitement intégrée en France où elle réside depuis de nombreuses années. Toutefois, Mme D... ne produit aucune pièce permettant d'établir sa présence en France depuis 1998. En outre, la requérante fait valoir qu'elle est mère de quatre enfants scolarisés sur le territoire français, dont le premier, Jason D..., de nationalité française, est placé en famille d'accueil et dont, comme il a été dit au point 3, elle n'établit pas contribuer à l'entretien et à l'éducation, non plus qu'à ses trois autres enfants conçus avec des pères différents, nés le 29 mars 2004, le 5 juin 2007 et le 13 mars 2012, dont il est constant que deux sont placés auprès de l'aide sociale à l'enfance. S'agissant de Jason D..., si ce dernier a été reconnu par un ressortissant de la République démocratique du Congo, bénéficiant en France du statut de réfugié, il ne ressort pas des pièces du dossier que Jason D... puisse bénéficier du statut de réfugié de ce seul fait. De surcroît, Mme D... n'apporte aucun élément de nature à établir que le père de Jason D... contribuerait à l'entretien et à l'éducation de son fils placé auprès des services de l'aide sociale à l'enfance. Enfin, Mme D... ne justifie pas de liens personnels en France, nonobstant la résidence régulière de sa mère sur le territoire français. Elle ne démontre pas davantage être dépourvue d'attaches personnelles dans son pays d'origine. Dans ces conditions, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant refus de séjour a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.
8. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point ci-dessus, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant refus de séjour serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle.
Sur les conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. Le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de Mme D... doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux mentionnés aux points ci-dessus.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
11. Le présent arrêt qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par la requérante n'implique par lui-même aucune mesure d'exécution. Ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par Mme D..., partie perdante, doivent dès lors être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 11 février 2021 à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- M. Platillero, président assesseur,
- Mme C..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 mars 2021.
Le rapporteur,
I. C...Le président,
S.-L. FORMERY
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA00956 2