Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 10 août 2020, le 15 novembre 2020 et le 29 janvier 2021, M. et Mme A..., représentés par Me C..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance no 1812871- 1812921 du 1er avril 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. et Mme A... soutiennent que :
- l'ordonnance est irrégulière, dès lors que leurs demandes de première instance n'étaient pas manifestement irrecevables ;
- la signature d'une transaction, qui ne stipulait qu'un désistement d'instance, ne fait pas obstacle à l'introduction d'une nouvelle réclamation ;
- la transaction, qui n'a pas été notifiée et n'a pas permis un délai de réflexion, n'est pas régulière ;
- ses termes n'ayant pas été respectés, la transaction est caduque ;
- la position de l'administration est contraire à l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales combiné à son article 14 ;
- la prescription du droit de reprise est acquise ;
- ils sont fondés à se prévaloir de la décision n° 2016-554 QPC du 22 juillet 2016 du Conseil constitutionnel relative au paragraphe IV de l'article 1736 du code général des impôts pour obtenir la décharge des amendes en litige ;
- ils sont fondés à se prévaloir des décisions n° 2016-610 QPC du 10 février 2017 et
n° 2017-643/650 du 7 juillet 2017 du Conseil constitutionnel pour obtenir la réduction des suppléments de contributions sociales en litige ;
- ils sont fondés à se prévaloir de la décision n° 2016-614 QPC du 1er mars 2017 du Conseil constitutionnel relative à l'application de l'article 123 bis du code général des impôts pour obtenir la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, à hauteur de la différence entre les revenus forfaitaires revenus par le service et les revenus réels.
Par des mémoires en défense enregistrés le 9 novembre 2020, le 29 janvier 2021 et le 2 février 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Le ministre soutient que :
- la réclamation et l'instance de M. et Mme A... étaient irrecevables du fait d'une transaction ;
- les autres moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;
- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E... ;
- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteur public ;
- et les observations de Me C..., pour M. et Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A..., qui détenaient des avoirs à l'étranger qui n'avaient pas été déclarés, correspondant à trois comptes ouverts en Suisse détenus par deux fondations situées au Liechtenstein et un compte ouvert en Suisse détenu directement, ont déposé le 25 et le 28 mai 2015, dans le cadre de la circulaire du 21 juin 2013 du ministre délégué chargé du budget, un dossier de régularisation de leur situation fiscale comprenant notamment des déclarations rectificatives de revenus. Par une lettre du 4 décembre 2015, l'administration a informé les intéressés des conséquences financières de cette régularisation en matière, notamment, d'impôt sur le revenu, de contributions sociales et d'amendes pour défaut de déclaration de comptes bancaires détenus à l'étranger, prévues au IV de l'article 1736 du code général des impôts. Ils ont signé avec le directeur chargé de la direction nationale des vérifications de situations fiscales le 19 avril 2016 un contrat de transaction portant notamment sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 à 2013, en droits et majorations, et des amendes fiscales qui leur ont été infligées sur le fondement de l'article précité au titre des années 2010 à 2013. Ils ont acquitté le 15 juin 2016 les sommes laissées à leur charge après prise en compte des remises transactionnelles. Par une réclamation du 28 février 2018, M. et Mme A... ont contesté les sommes ainsi mises à leur charge. Par une ordonnance du 1er avril 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté leurs demandes tendant à la décharge de ces sommes. M. et Mme A... font appel de cette ordonnance.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les magistrats ayant une ancienneté minimale de deux ans et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller désignés à cet effet par le président de leur juridiction peuvent, par ordonnance : (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 251 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'une transaction est devenue définitive après accomplissement des obligations qu'elle prévoit et approbation de l'autorité compétente, aucune procédure contentieuse ne peut plus être engagée ou reprise pour remettre en cause les pénalités qui ont fait l'objet de la transaction ou les droits eux-mêmes (...) ". Aux termes de l'article R. 247-3 du même livre : " La proposition de transaction est notifiée par l'administration au contribuable par lettre recommandée avec avis de réception ; ce document mentionne le montant de l'impôt et celui des pénalités encourues ainsi que le montant des pénalités qui seront réclamées au contribuable s'il accepte la proposition. Le contribuable dispose d'un délai de trente jours à partir de la réception de la lettre pour présenter son acceptation ou son refus ".
4. L'article 2 de la transaction mentionnée au point 1 stipule que " Madame, Monsieur D... A... reconnaît le bien-fondé et la régularité des impositions visées (impôts en principal, pénalités et amendes) et se désiste en tant que de besoin de toute réclamation ou instance concernant ces impositions. Il s'engage à payer les sommes laissées à sa charge en vertu de l'article 1er à réception des avis de mise en recouvrement ". En outre, cette transaction mentionne en page 2 l'intégralité des termes de l'article L. 251 du livre des procédures fiscales. Il résulte ainsi clairement des termes de la transaction, qui contrairement à ce qui est soutenu, est dépourvue d'ambigüité, que M. et Mme A... ont renoncé à toute action, notamment par voie de réclamation, tendant à remettre en cause les impositions, pénalités et amendes visées et qu'ils ne se sont pas simplement engagés à se désister d'une instance, alors qu'au demeurant aucune instance n'était alors en cours. Dans ces conditions, dès lors que les obligations que comportait cette transaction ont été exécutées, sa signature et son exécution faisaient obstacle à la présentation d'une réclamation, rendant irrecevable tout recours juridictionnel ultérieur, alors même que le bien-fondé des sommes mises à la charge des requérants aurait été ultérieurement susceptible d'être remis en cause.
5. A cet égard, d'une part, dès lors que la transaction a été signée et exécutée, la circonstance que celle-ci n'a pas été notifiée par lettre recommandée avec avis de réception n'entache pas sa validité. D'autre part, M. et Mme A... ont présenté leur acceptation dès le 19 avril 2016 après avoir été informés par lettre du 4 décembre 2015 des conséquences financières de la régularisation et il ne résulte pas de l'instruction que leur consentement aurait été vicié motif pris d'une signature avant expiration d'un délai de trente jours calculé à partir d'une notification de la proposition de transaction par lettre recommandée avec avis de réception. Les moyens tirés de l'absence de validité de la transaction pour méconnaissance des dispositions de l'article R. 247-3 du livre des procédures fiscales doivent ainsi être écartés.
6. En outre, M. et Mme A... soutiennent que la transaction serait caduque, en se prévalant de son article 3, aux termes duquel " Faute par Madame, Monsieur D... A... de respecter l'une quelconque des échéances fixées à l'article 2 dans le délai prévu, et le cas échéant, de fournir les garanties qui pourraient être exigées par le comptable, le présente transaction pourra être déclarée caduque et le recouvrement de l'intégralité des sommes légalement exigibles (impôts en principal, amendes, intérêts de retard et majorations initialement dus) pourra être poursuivi selon les règles prévues par le code général des impôts (...) ". Toutefois, cette stipulation s'applique en faveur de l'administration, en contrepartie de l'engagement de paiement souscrit par les contribuables, et n'autorisent pas ces derniers à se prévaloir d'une caducité de la transaction, qu'ils ont d'ailleurs entièrement exécutée le 15 juin 2016.
7. Par ailleurs, si M. et Mme A... soutiennent que, dès lors que l'administration a admis la recevabilité de la réclamation d'autres contribuables dans une situation analogue à la leur, les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, combinées avec l'article 14 de la même convention, auraient été méconnues, ils n'apportent aucun élément probant de nature à établir l'existence d'une situation discriminatoire, compte tenu des éléments propres à leur situation précédemment rappelés, relatifs notamment à l'exécution du contrat de transaction. Ce moyen doit ainsi, en tout état de cause, être écarté.
8. Enfin, dès lors que l'argumentation à l'encontre des motifs par lesquels l'administration a rejeté comme irrecevable leurs réclamations, présentée par M. et Mme A... devant le tribunal administratif de Paris, était manifestement insusceptible de prospérer, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que leurs demandes n'étaient pas manifestement irrecevables, au sens des dispositions précitées du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté leurs demandes pour irrecevabilité manifeste. Leurs conclusions à fin d'annulation de cette ordonnance et de décharge doivent dès lors être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. et Mme A... demandent au titre des frais qu'ils ont exposés.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à M. D... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée au directeur national des vérifications de situations fiscales.
Délibéré après l'audience du 11 février 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- M. E..., président assesseur,
- Mme Marion, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 mars 2021.
Le rapporteur,
F. E...
Le président,
S.-L. FORMERYLa greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 20PA02203