Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 28 août 2017, M. et MmeA..., représentés par Me C..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1613784 du 4 juillet 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012, des cotisations supplémentaires de contributions sociales mises à leur charge au titre de l'année 2011 et des cotisations primitives de contributions sociales mises à leur charge au titre de l'année 2012 ainsi que des intérêts de retard et des pénalités correspondants ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'administration ne pouvait leur adresser une demande de justification sur le fondement des dispositions de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, dès lors que les données du registre des joueurs du casino d'Enghien-les-Bains sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'excédent des balances d'espèces ne sont pas exhaustifs et ne pouvaient donc être regardés comme des indices sérieux d'une dissimulation de revenus ;
- l'administration n'a pas effectué de recherches dans les différents casinos susceptibles d'avoir été fréquentés par M.A..., qui y a réalisé des gains supérieurs aux sommes mise en jeu dont l'administration n'a pas pu tenir compte alors qu'ils auraient pu permettre de réduire la discordance constatée entre les disponibilités engagées et celles dégagées ;
- l'administration n'établit pas leur intention d'éluder l'impôt et, par suite, le caractère délibéré des manquements qui leur sont reprochés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 octobre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme A...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code monétaire et financier ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Poupineau,
- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A...ont fait l'objet d'un examen de leur situation fiscale personnelle portant sur les revenus des années 2011 et 2012, à l'issue duquel le service a imposé selon la procédure de rectification contradictoire, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, le boni de liquidation que les intéressés avaient perçu à la suite de la cessation d'activité, le 30 juin 2012, de la société Comptoir Lux et taxé d'office, sur le fondement des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales, des versements en espèces qu'il a regardés, en l'absence de justification par les contribuables, comme des revenus d'origine indéterminée. L'administration, en conséquence de ces rectifications, a assujetti M. et Mme A...à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2011 et 2012, des cotisations supplémentaires de contributions sociales au titre de l'année 2011 et des cotisations primitives de contributions sociales au titre de l'année 2012, majorées, s'agissant des impositions de l'année 2011, des intérêts de retard et de la pénalité de 10 % prévue par l'article 1758 A du code général des impôts et pour celles de l'année 2012, des intérêts de retard et de la pénalité pour manquement délibéré de 40 %, prévue par le a) de l'article 1729 du même code. M. et Mme A...font appel du jugement en date du 4 juillet 2017, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge des impositions mises à leur charge et des pénalités qui leur ont été infligées sur le fondement du a) de l'article 1729 du code général des impôts.
Sur les impositions en litige :
2. Aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. (...) Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés, (...) ". Aux termes de l'article L. 561-13 du code monétaire et financier : " Les casinos sont tenus, après vérification, sur présentation d'un document probant, de l'identité des joueurs, de procéder à l'enregistrement de leurs noms et adresses lorsqu'ils échangent tous modes de paiement, plaques, jetons, tickets dont le montant excède un seuil fixé par décret. Ces informations, qui ne peuvent être utilisées à d'autres fins que celles prévues au présent chapitre, sont consignées sur un registre spécifique et doivent être conservées pendant cinq ans (...) ".
3. En application de ces dispositions, il appartient au juge de l'impôt de vérifier que les éléments invoqués par l'administration constituaient des indices suffisants de dissimulation de revenus. Dans le cas où l'administration se fonde sur l'existence dans la balance des espèces qu'elle dresse, d'un déséquilibre entre les ressources connues et les disponibilités employées, il incombe au juge de s'assurer que le solde ainsi établi présente un caractère significatif et ne résulte ni d'une évaluation arbitraire des dépenses de train de vie, ni de l'inclusion dans les disponibilités engagées d'éléments de patrimoine dont rien ne permet de présumer l'acquisition au cours de la période vérifiée.
4. Au cours de l'examen de la situation fiscale personnelle de M. et MmeA..., le service a établi une balance de trésorerie qui a fait apparaître une discordance entre d'une part les espèces utilisées par les époux A...entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2011, constituées par les versements en espèces crédités sur leurs comptes financiers et les espèces ayant servi à financer leurs dépenses de train de vie courant, et d'autre part, l'ensemble des espèces dont ils avaient eu la disposition sur la période vérifiée et constitutive de retraits d'espèces effectués sur les comptes bancaires. Il a, en particulier, relevé que M. A...avait acquis des jetons au casino d'Enghien-les-Bains avec des espèces ne provenant pas de ses comptes bancaires laissant ainsi supposer qu'il avait disposé d'autres revenus que ceux qu'il avait déclarés.
5. Il résulte de l'instruction que l'administration a, dans le cadre de l'exercice de son droit de communication, sollicité la communication du " registre des changes " tenu par le casino conformément aux dispositions de l'article L. 561-13 du code monétaire et financier, détaillé par personne et par année. Le casino a remis au service un listing informatique, établi au nom de M. A...à partir du " registre des changes ", mentionnant le montant des acquisitions de jetons effectuées par l'intéressé et celui des gains réalisés. Ce registre, dans lequel est reporté, après vérification de leur identité, les noms et adresses des joueurs qui échangent ou apportent des jetons et plaques ainsi que les sommes apportées et échangées par ces joueurs, lorsqu'elles dépassent un montant de 2 000 euros, doit être servi, compte tenu des objectifs poursuivis par le législateur, dans des conditions garantissant sa sincérité. Il permet donc, contrairement à ce que soutiennent les requérants, d'établir l'existence des acquisitions de jetons par M.A..., ainsi que le montant des gains de jeux qu'il a réalisés au casino d'Enghien-les-Bains. Les constatations effectuées par M. A...lors d'une contre-visite au casino d'Enghien-les-Bains, outre qu'elles n'ont pas été réalisées contradictoirement avec l'administration fiscale, ne permettent pas de remettre en cause l'authenticité des informations figurant dans le listing informatique transmis au service et le caractère probant de ce document, dont les éléments pouvaient dès lors être régulièrement utilisés pour déterminer le montant des disponibilités employées en espèces par M. et MmeA.... Enfin, si les intéressés font valoir que les opérations de change réalisées par M. A...dont le montant est inférieur à 2 000 euros n'ont pas été retranscrites dans le " registre des changes " et que l'administration n'a ainsi pas pu prendre en compte l'ensemble des opérations imputables à M.A..., cette circonstance n'est pas de nature à justifier, même pour partie, la discordance constatée par le service.
6. Les requérants soutiennent également que M. A...s'est, durant la période vérifiée, rendu dans d'autres casinos du groupe Barrière que l'administration n'a pas recensés et qu'il y a réalisé des gains d'un montant supérieur aux sommes mises en jeu dont il n'a cependant pas été tenu compte, alors qu'ils auraient pu permettre de réduire la discordance constatée entre les disponibilités engagées et celles dégagées. Ils reprochent au service de ne pas avoir effectué de recherches dans les différents casinos susceptibles d'avoir été fréquentés par M.A....
7. Il résulte, toutefois, de l'instruction que le service a usé de son droit de communication auprès des casinos des communes de Deauville, de Trouville et de La Baule, dont les réponses ont été annexées à la proposition de rectification du 24 octobre 2014, adressée aux épouxA.... Par ailleurs, les requérants, qui n'ont pas été en mesure d'indiquer au service, qui le leur demandait dans la demande de justifications du 30 avril 2014, le nom des casinos concernés, n'ont produit aucun document susceptible d'établir que M. A...aurait réalisé des gains dans d'autres casinos que celui d'Enghien-les-Bains au cours de la période en litige.
8. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les renseignements recueillis par l'administration n'étaient pas exhaustifs, ni matériellement établis et ne l'autorisaient pas à utiliser la procédure de demande de justifications prévue par l'article L. 16 du livre des procédures fiscales. Pour les mêmes motifs, l'administration n'a pas méconnu son devoir de loyauté à l'égard des contribuables.
Sur les pénalités :
9. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ".
10. Il est constant que M. et Mme A...n'ont pas mentionné dans leur déclaration des revenus de l'année 2012, la somme, s'élevant à un montant total de 33 008 euros, que la société Comptoir Lux, dont ils étaient les associés, leur avait versée lors de la cessation de son activité le 30 juin 2012. Pour contester l'application par le service des pénalités pour manquement délibéré prévues au a) de l'article 1729 du code général des impôts, aux droits résultant de l'imposition de cette somme dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, les requérants font valoir qu'elle a été déclarée à l'impôt sur les sociétés par la société Comptoir Lux et soumise aux prélèvements sociaux, qu'ils pensaient que l'impôt acquitté par la société incluait l'imposition dont ils étaient personnellement redevables au titre de l'impôt sur le revenu et qu'un certain délai s'est écoulé entre la perception des dividendes au mois de juillet 2012 et la souscription de la déclaration correspondante au mois de mai 2013. Il résulte toutefois de l'instruction que MmeA..., qui était la gérante de la société Comptoir Lux, a signé les procès-verbaux décidant de la distribution aux associés du boni de liquidation de la société et transmis à l'administration fiscale l'imprimé fiscal unique récapitulant les sommes distribuées par la société au titre de l'exercice clos en 2012. Par ailleurs, les sommes versées aux associés ont été directement inscrites sur leurs comptes bancaires. Enfin, les contribuables avaient déjà perçu des dividendes de cette société qu'ils ont déclarés dans les délais requis. En se fondant sur ces éléments, et en en déduisant que M. et Mme A...savaient qu'ils avaient perçu en 2012 des dividendes de la société Comptoir Lux et que ces dividendes constituaient des revenus imposables, l'administration établit leur volonté d'éluder une partie des impositions dont ils étaient redevables et, par suite, le caractère délibéré du manquement à leurs obligations déclaratives.
11. De même, en se référant à l'importance des sommes non justifiées, représentant près de 92 % des revenus nets imposables déclarés, et à la circonstance que M. et Mme A...ne pouvaient ignorer l'existence de ces revenus, qui constituaient une partie essentielle des ressources financières leur permettant de faire face aux dépenses de leur train de vie, l'administration doit être regardée comme établissant le bien-fondé des pénalités pour manquement délibéré qu'elle a infligées aux intéressés sur le fondement des dispositions du a) de l'article 1729 du code général des impôts.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Par suite, leurs conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...A...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur général des finances publiques, direction de contrôle fiscal Île-de-France (division juridique Ouest).
Délibéré après l'audience du 8 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Poupineau, président assesseur,
- Mme Lescaut, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 décembre 2018.
Le rapporteur,
V. POUPINEAULe président,
S.-L. FORMERYLe greffier,
C. RENÉ-MINE
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA02939