Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 9 juin 2016, M.B..., représenté par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1607259 du 12 mai 2016 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 mai 2016 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français, ne lui a pas accordé de délai de départ volontaire et a décidé de le placer en rétention administrative.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- il est entré régulièrement en France le 23 décembre 2014 sous couvert d'un visa Schengen valable du 10 décembre 2014 au 10 janvier 2015 ;
- c'est à tort que le magistrat délégué du Tribunal administratif de Paris a estimé qu'il ne justifiait pas de son entrée régulière en France en l'absence de production de documents originaux alors qu'aucun texte n'exige la production devant le juge administratif de l'original du passeport ou du visa d'entrée ;
- la décision contestée est insuffisamment motivée en ce qu'elle se borne à faire état d'une entrée irrégulière sur le territoire français ;
- le préfet de police n'a pas procédé à l'examen particulier de sa situation personnelle ;
-la décision contestée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire :
- c'est à tort que le magistrat délégué du Tribunal administratif de Paris a estimé qu'il ne justifiait pas de son entrée régulière en France en l'absence de production de documents originaux alors qu'aucun texte n'exige la production devant le juge administratif de l'original du passeport ou du visa d'entrée ;
- il justifie de garantie de représentation suffisante dès lors qu'il possède une adresse fixe ;
- le risque de fuite n'est pas établi dès lors qu'il possède un document d'identité, une adresse fixe et qu'il justifie être entré régulièrement en France ;
- il ne constitue pas une menace pour l'ordre public français ;
S'agissant de la décision le plaçant en rétention administrative :
- le préfet de police n'a pas examiné la possibilité de prendre une mesure d'assignation à résidence et n'a effectué aucun examen particulier de sa situation ;
- cette mesure coercitive de placement en rétention administrative est disproportionnée au regard des garanties de représentation qu'il présente et en l'absence de risque de fuite ; que le préfet de police pouvait l'assigner à résidence.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 novembre 2016, le préfet de police conclut au rejet de la requête de M.B....
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Larsonnier a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que, par un arrêté du 9 mai 2016, le préfet de police a obligé
M.B..., de nationalité tunisienne, à quitter le territoire français, a refusé de lui octroyer un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a décidé son placement en rétention administrative ; que M. B...fait appel du jugement du 12 mai 2016 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 9 mai 2016 l'obligeant à quitter le territoire français, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et le plaçant en rétention administrative ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui
n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) " ;
3. Considérant, en premier lieu, que M. B...soutient qu'il est entré régulièrement sur le territoire français le 23 décembre 2014 ; que, toutefois, les pièces versées au dossier, consistant en une copie d'une seule page de son passeport et de son visa, ne permettent pas d'établir l'identité de l'intéressé, ni qu'il serait entré régulièrement en France en l'absence de toute indication quant à sa date d'entrée ; que, par suite, M. B...entrait dans le champ d'application des dispositions précitées ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté contesté comporte les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; que le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision manque ainsi en fait ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de police a examiné la situation personnelle de M. B...avant de prendre la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;
6. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
7. Considérant que M. B...soutient qu'il vit depuis le 23 décembre 2014 en France, où réside son frère ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que le requérant, célibataire et sans charge de famille en France, n'allègue pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 24 ans ; qu'il ne démontre aucune insertion particulière au sein de la société française ni qu'il y aurait établi des liens personnels, nonobstant la circonstance qu'il dispose d'une promesse d'embauche ; que, dans ces conditions, le préfet de police n'a pas méconnu les stipulations précitées en l'obligeant à quitter le territoire français ;
8. Considérant, enfin, que, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, M. B...n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur la décision refusant d'accorder à M. B...un délai de départ volontaire :
9. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. (...) " ;
10. Considérant qu'en se bornant à produire les copies d'une page de son passeport et de son visa, d'entrée dépourvues de toute indication quant à sa date d'entrée sur le territoire français, M. B...ne justifie pas qu'il serait entré régulièrement sur le territoire national, ni qu'il serait en possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité ; qu'il résulte des dispositions précitées du a) et du f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que ces éléments suffisent à faire regarder comme établi le risque que l'intéressé se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre ; que si M. B...soutient qu'il réside au domicile de son frère et qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public, ces seules circonstances ne justifient pas qu'un délai de départ volontaire lui soit accordé ; que, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le préfet de police pouvait sans commettre d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste d'appréciation, refuser d'accorder à M. B...un délai de départ volontaire ;
Sur la décision de placement en rétention administrative :
11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) ; qu'aux termes de l'article L. 561-1 du même code : " Lorsque l'étranger justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, l'autorité administrative peut, jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, l'autoriser à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l'assignant à résidence, dans les cas suivants : 1° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai ou si le délai de départ volontaire qui lui a été accordé est expiré (...) " ;
12. Considérant que, pour décider du placement en rétention de M.B..., le préfet de police s'est notamment fondé sur les circonstances que celui-ci est dépourvu de tout document attestant de son identité et de tout document de voyage, que son éloignement ne peut être exécuté immédiatement, qu'il ne peut justifier de son entrée régulière sur le territoire français et n'a pas sollicité de titre de séjour, et qu'il ne peut donc présenter les garanties propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement du 9 mai 2016 ; qu'il ressort ainsi des motifs de la décision contestée que le préfet de police a examiné la situation de l'intéressé, et a, en particulier, vérifié s'il présentait des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement et s'il pouvait bénéficier d'une décision d'assignation à résidence ;
13. Considérant qu'eu égard à la nécessité de prendre les mesures qu'exigeait l'organisation matérielle du retour de M. B...dans son pays d'origine et compte tenu de ce que l'intéressé ne présentait pas de garanties de représentation, faute de justifier d'un passeport en cours de validité comme il a déjà été dit, le préfet de police a pu légalement et sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation décider de placer l'intéressé en rétention administrative plutôt que de l'assigner à résidence ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 24 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Formery , président de chambre,
- Mme Coiffet, président assesseur,
- Mme Larsonnier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 décembre 2016.
Le rapporteur,
V. LARSONNIERLe président,
S. FORMERY Le greffier,
S. JUSTINE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA01884