Par le jugement n° 1105075, 1305811 du 28 novembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 19 juillet 2011 d'infliger à M. A...une sanction d'exclusion temporaire de fonction d'un an dont neuf mois avec sursis, enjoint à La Poste de reconstituer sa carrière pour la période de trois mois durant laquelle il a été exclu de ses fonctions et condamné La Poste à lui verser la somme de 9 870 euros portant intérêts au taux légal à compter du 13 août 2014 ainsi que celle de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il a rejeté le surplus des conclusions des requêtes.
Procédure devant la cour :
- I - Par une requête enregistrée le 30 janvier 2015, sous le n° 15LY00350, M. A... représenté par Me D... demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 28 novembre 2014 en ce qu'il limite à 9 870 euros l'indemnité qui lui est allouée ;
2°) de condamner La Poste à lui verser 20 043 euros en réparation du préjudice subi au titre du manque à gagner pour les trois mois durant lesquels il a été exclu de ses fonctions en exécution de la sanction du 19 juillet 2011 ainsi que pour les neuf mois correspondant à la révocation du sursis dont cette sanction était assortie et 10 000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral compte tenu des souffrances endurées du fait de la décision illégale ;
3°) de mettre à la charge de La Poste la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. A... soutient que :
- du fait de l'annulation de la sanction disciplinaire prononcée à son encontre, il doit être intégralement indemnisé du préjudice matériel qu'il a subi ; c'est donc à tort que les premiers juges ont limité le montant de son indemnisation ;
- il a droit à une indemnité de 20 043 euros au titre de son préjudice matériel et de 10 000 euros au titre de son préjudice moral.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 juin 2015, La Poste, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) à titre principal, de réformer le jugement du 28 novembre 2014 en ce qu'il a annulé pour erreur d'appréciation la décision du 19 juillet 2011 et de rejeter toute demande d'annulation de cette décision et, en conséquence, toutes demandes indemnitaires ;
2°) à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour maintiendrait l'annulation de la décision du 19 juillet 2011, de confirmer le jugement en ce qu'il a accordé à M. A... un montant de 9 870 euros au titre du préjudice matériel et de rejeter toute demande au-delà de cette somme ;
3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La Poste fait valoir que :
- le tribunal administratif, en retenant que la sanction était entachée d'erreur d'appréciation, n'a pas suffisamment pris en compte le comportement reproché à M. A... par sa hiérarchie ;
- le montant de l'indemnisation au titre du préjudice matériel n'est pas injustifié dès lors que M. A... a commis une faute justifiant une sanction ; l'appelant ne justifie jamais sa demande de dommages et intérêts au titre d'un préjudice moral et ne démontre aucune erreur de la part du tribunal.
- II - Par une requête enregistrée le 30 janvier 2015, sous le n° 15LY00352, M. A... représenté par Me D... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 28 novembre 2014 en ce qu'il rejette sa requête tendant à l'annulation de la décision du 20 août 2013 et à l'indemnisation de ses préjudices ;
2°) d'annuler la décision du 20 août 2013 par laquelle le directeur du courrier de l'Ain et la Haute-Savoie de La Poste lui a infligé une sanction d'exclusion temporaire de fonction d'un an dont huit mois avec sursis ;
3°) de condamner La Poste à lui verser 6 708 euros en réparation du préjudice dû au titre du manque à gagner pour les quatre mois durant lesquels il a été exclu de ses fonctions en exécution de la sanction du 20 août 2013 et 10 000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral compte tenu des souffrances endurées du fait de la décision illégale et de lui enjoindre de le rétablir dans tous ses droits à la retraite ;
4°) de mettre à la charge de La Poste la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. A... soutient que :
- la décision du 20 août 2013 repose sur une motivation erronée dès lors que le procès-verbal du conseil de discipline du 22 juillet 2013 n'était pas encore établi ;
- les propos tenus n'étaient pas diffamatoires et ne constituaient pas une attitude agressive et menaçante ; les éléments sur lesquels repose la sanction sont donc erronés ;
- la sanction est hors de proportion avec les faits qui lui sont reprochés ; La Poste n'a jamais mis à la disposition de ses agents des conditions leur permettant d'accomplir au mieux leur mission ; il n'a jamais pu bénéficier d'un soutien de sa hiérarchie alors qu'il avait fait l'objet d'une décision d'exclusion illégale ;
- La Poste a commis une faute ; il a droit à la réparation de son préjudice matériel à hauteur de 6 708 euros et de son préjudice moral, à hauteur de 10 000 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 juin 2015, La Poste, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) à titre principal, de confirmer le jugement du 28 novembre 2014 et de rejeter la requête de M. A... ;
2°) à titre subsidiaire, de rejeter la demande d'annulation de la décision du 20 août 2013 ;
3°) à titre infiniment subsidiaire, de réduire le montant du préjudice matériel et de rejeter la demande au titre du préjudice moral ;
4°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La Poste fait valoir que :
- M. A... n'apporte aucun élément démontrant que le procès-verbal ne daterait pas du 24 juillet 2013 et aurait été établi postérieurement à la date de la sanction contestée ; il n'y a aucune erreur dans la motivation de la décision du 20 août 2013 qui vise sans équivoque " l'avis émis par le conseil de discipline consulté le 22 juillet 2013 " ;
- c'est inutilement que M. A... polémique sur la qualification juridique des faits s'agissant des propos diffamatoires puisque le tribunal administratif a jugé que les autres motifs suffisaient à eux seuls à justifier la sanction ; au surplus, le débat ne porte pas sur la qualification pénale de son comportement mais bien sur des griefs disciplinaires ;
- les fautes de M. A... sont avérées, la sanction d'exclusion d'un an dont huit mois avec sursis est justifiée ; les critiques portées sur le management général du centre courrier de Saint-Julien-en-Genevois sont sans conséquence sur la légalité de la sanction ;
- à titre subsidiaire, si la cour annulait la sanction disciplinaire infligée à M. A..., il lui appartiendrait de limiter l'indemnisation du préjudice matériel subi par celui-ci pour tenir compte de ses fautes et de rejeter la demande indemnitaire au titre du préjudice moral.
En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées, le 7 octobre 2016, de ce que la cour était susceptible de soulever d'office, dans le dossier n° 15LY00350, le moyen tiré de l'irrecevabilité des conclusions incidentes de La Poste dirigées contre l'article 1er du jugement du 28 novembre 2014 qui a annulé la sanction infligée à M. A...le 19 juillet 2011 car ces conclusions soulèvent un litige distinct de l'appel principal formé par M. A... qui sollicite la réformation de ce jugement en tant qu'il a limité le montant de l'indemnisation qu'il sollicitait.
Deux mémoires, enregistrés le 20 octobre et le 7 novembre 2016, ont été présentés par M. A... en communication à ce moyen d'ordre public.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gondouin,
- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public,
- les observations de Me E..., représentant M. A..., et Me C... représentant La Poste.
1. Considérant qu'il y a lieu de joindre les requêtes de M. A... qui concernent des sanctions disciplinaires successivement prononcées contre lui pour statuer par un seul arrêt ;
2. Considérant que M. A..., agent technique et de gestion de premier niveau à La Poste, occupe depuis 2005 les fonctions de facteur à Saint-Julien-en-Genevois ; que, par une décision du 19 juillet 2011, le directeur du courrier de l'Ain et de la Haute-Savoie a prononcé à son encontre une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée d'un an dont neuf mois avec sursis pour attitude agressive, propos menaçants et diffamatoires envers son supérieur ; que, par une décision du 20 août 2013 et pour des motifs de même nature, cette même autorité lui a infligé une nouvelle sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée d'un an dont huit mois avec sursis ; que M. A... a demandé l'annulation de ces deux sanctions ainsi que la condamnation de La Poste à l'indemniser des préjudices matériel et moral qu'il a subis ; que, par un jugement du 28 novembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a seulement annulé la décision du 19 juillet 2011, enjoint à La Poste de reconstituer la carrière de M. A... pour une période de trois mois d'exclusion de ses fonctions, condamné La Poste à lui verser la somme de 9 870 euros portant intérêts au taux légal à compter du 13 août 2014 ainsi que celle de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des requêtes ; que M. A... relève appel de ce jugement ;
Sur la sanction du 19 juillet 2011 :
En ce qui concerne le recours incident de La Poste dirigé contre l'article 1er du jugement attaqué :
3. Considérant que l'article 1er du jugement du 28 novembre 2014 annule la décision du 19 juillet 2011 qui a infligé à M. A... une sanction d'exclusion temporaire de fonction d'un an dont neuf mois avec sursis ; que l'article 3 du même jugement condamne La Poste à lui verser la somme de 9 870 euros outre intérêts au taux légal à compter du 13 août 2014 ; que, par sa requête n° 13LY00350, M. A... sollicite la réformation de l'article 3 de ce jugement en tant qu'il a limité le montant de l'indemnisation qu'il sollicitait ; que les conclusions du recours incident de La Poste, présentées dans le mémoire enregistré le 30 juin 2015, au-delà du délai d'appel de deux mois à compter de la notification du jugement attaqué et dirigées contre l'article 1er de ce jugement, soulèvent un litige distinct de l'appel principal formé par M. A... ; qu'elles ne sont, dès lors, pas recevables ;
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires de M. A... :
4. Considérant que les premiers juges ont annulé la sanction disciplinaire du 19 juillet 2011 infligée à M. A... au motif que, si les faits qui lui étaient reprochés étaient de nature à justifier une sanction, l'exclusion temporaire d'une année, même assortie d'un sursis de neuf mois, était entachée d'une erreur d'appréciation et devait être annulée ; qu'ils ont en outre enjoint à La Poste de reconstituer sa carrière pour la période de trois mois durant laquelle il a été exclu de ses fonctions en exécution de cette première sanction ainsi qu'au titre de la période de neuf mois correspondant à la révocation, du fait du prononcé de la seconde sanction, du sursis dont cette sanction était assortie ;
5. Considérant que M. A... sollicite la condamnation de La Poste à lui verser la somme de 20 043 euros au titre de son préjudice matériel et de 10 000 euros au titre de son préjudice moral ;
6. Considérant que le tribunal administratif a condamné La Poste à indemniser M. A... à hauteur de 9 870 euros au titre de son préjudice matériel ; qu'il a retenu que son traitement mensuel net moyen, augmenté du complément Poste et de la prime communication et technologies de l'information, s'élevait, au cours des six mois ayant précédé sa première sanction, à 1 613 euros et, au cours des six mois ayant précédé sa seconde sanction, à 1 575 euros et que M. A... avait ainsi droit à une indemnité de 19 014 euros (soit trois mensualités de 1 613 euros et neuf mensualités de 1 575 euros) à laquelle devait être ajouté le complément bi-annuel de 726 euros (soit deux mensualités de 363 euros) que l'intéressé aurait dû percevoir ; que le tribunal administratif a déduit de cette somme la part de faute imputable à l'intéressé en 2011 qu'il a fixée à la moitié de la somme totale due, 19 740 euros ; que M. A... n'apporte, en appel, aucun élément permettant de remettre en cause les modalités de calcul des sommes qu'il aurait dû percevoir ni le montant de l'indemnisation que La Poste a été condamnée à lui verser ;
7. Considérant que le jugement attaqué a rejeté les conclusions de M. A... présentées au titre de son préjudice moral ; que, pas davantage que précédemment, il n'y a lieu de revenir sur le jugement attaqué qui a rejeté ses conclusions au motif que, compte tenu de la faute commise, le requérant n'était pas fondé à demander réparation au titre de son préjudice moral ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a limité à 9 870 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 13 août 2014, la somme que La Poste a été condamnée à lui verser en réparation du préjudice subi ;
Sur la sanction du 20 août 2013 :
9. Considérant, en premier lieu, que la décision contestée vise les délibérations du conseil de discipline consulté le 22 juillet 2013 tout en précisant qu'aucune proposition n'a recueilli l'accord de la majorité des membres votants ; que le procès-verbal de la séance du 22 juillet 2013 est daté du 24 juillet 2013 ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la sanction aurait été prise sans que l'autorité investie du pouvoir disciplinaire ait eu connaissance de cet avis manque en fait et ne peut qu'être écarté ;
10. Considérant, en second lieu, que selon l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 visée ci-dessus, " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. Premier groupe : - l'avertissement ; - le blâme. Deuxième groupe : - la radiation du tableau d'avancement ; - l'abaissement d'échelon ; - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; - le déplacement d'office. Troisième groupe : - la rétrogradation ; - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans. Quatrième groupe : - la mise à la retraite d'office ; - la révocation " ; qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes ;
11. Considérant que, d'une part, il ressort des pièces du dossier que, le 8 février 2013, M. A... a eu des gestes brusques et usé d'un ton agressif envers un responsable à l'occasion de l'inspection par celui-ci du bureau de Saint-Julien-en-Genevois et à la suite de la découverte de 25 colis non distribués ; que M. A... ne conteste pas non plus avoir proféré des menaces à l'encontre de l'un de ses supérieurs rencontré en dehors du service le 14 mai 2013 ; que ce comportement, qui constitue un manquement grave à l'obligation de respect de la hiérarchie était de nature à fonder une sanction disciplinaire, alors même, comme l'ont relevé les premiers juges que la matérialité de propos diffamatoires n'est pas établie ; que, d'autre part, pour s'exonérer des fautes commises en 2013, M. A... n'est fondé à invoquer ni son surcroît de travail ni le harcèlement dont il aurait été victime qui ne sont, en tout état de cause, pas établis ; qu'il est constant que M. A... s'était déjà montré agressif et menaçant à l'égard de son " encadrante " en mai 2011, lorsque cette dernière lui avait demandé des explications sur la non-distribution de plus de quatre-vingts plis ; que, dès lors, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'en lui infligeant la sanction d'exclusion temporaire d'un an dont huit mois avec sursis le directeur du courrier de l'Ain et de la Haute-Savoie a pris à son encontre une sanction disproportionnée ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande dirigée contre cette décision ;
13. Considérant que les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de la décision du 20 août 2013 ayant été rejetées, il y a lieu de rejeter également d'une part ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à La Poste de le rétablir dans ses droits proportionnels à pension de retraite et, d'autre part, celles tendant à condamner La Poste à l'indemniser des préjudices subis du fait de l'illégalité fautive alléguée de cette décision ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant que, d'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de La Poste, qui n'est pas en l'espèce partie perdante, quelle que somme que ce soit à verser à M. A... ; que, d'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... une somme à verser à La Poste sur le fondement des mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes de M. A...sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions incidentes de La Poste dirigées contre l'article 1er du jugement n° 1105075-1305811 du tribunal administratif de Grenoble du 28 novembre 2014 ainsi que le surplus de ses conclusions sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et à La Poste.
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2016 où siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme Michel, président-assesseur,
Mme Gondouin, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 décembre 2016.
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Nos 15LY00350 et 15LY00352