Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires en réplique, enregistrés le 25 mai 2015, le 14 octobre 2015 et le 25 janvier 2016, M. et MmeE..., représentés par Me C..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1404016 du 24 avril 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 et des pénalités correspondantes ;
3°) d'ordonner le sursis de paiement ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés tant en première instance qu'en appel.
Ils soutiennent que :
- le tribunal n'a pas répondu aux moyens tirés de la particularité du fonctionnement d'un panneau photovoltaïque et de l'application du moratoire ;
- les dispositions des articles L. 53 et L. 57 du livre des procédures fiscales ont été méconnues dès lors que la proposition de rectification leur a été directement adressée et que les SEP dont ils sont les associés n'ont fait l'objet d'aucune procédure de rectification, ni d'une proposition de rectification, alors qu'elles étaient les seules en possession des documents nécessaires à l'établissement d'une défense utile ;
- aucune disposition législative ou réglementaire, ni même les débats parlementaires, ne subordonne le bénéfice du crédit d'impôt institué par les dispositions des articles 199 undecies B du code général des impôts et 95 Q de l'annexe II à ce code, à la condition que l'investissement productif fasse l'objet d'une exploitation effective ; ces textes n'imposent pas que cet investissement soit raccordé au réseau électrique, ni qu'il ait obtenu une certification Consuel ; le fait générateur de l'avantage fiscal est constitué par la seule livraison effective et matérielle du bien au sens de l'article 1604 du code civil ;
- les nouvelles dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, issues de l'article 21 de la loi de finances rectificative pour 2014, ont remplacé le mot " réalisé " par les mots " mis en service " ;
- le panneau photovoltaïque est, par nature, productif d'énergie par sa seule installation et son raccordement à un onduleur ; l'énergie produite peut être stockée avant tout raccordement au réseau et par, la suite, être revendue à Electricité de France ; la capacité de production d'énergie d'une centrale photovoltaïque est indépendante de son raccordement au réseau électrique ;
- en raison du moratoire institué par le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010, les demandes de raccordement formulées avant le 9 décembre 2010, qui n'avaient pas encore été traitées par Electricité de France, ont été considérées comme non avenues en sorte que les contribuables ont dû formuler une nouvelle demande de raccordement à l'issue du moratoire ;
- il ressort expressément de la réponse du ministre de l'économie et des finances publiée au Journal officiel du 26 novembre 2013, p. 12367, que la condition du raccordement au réseau a été abandonnée ;
- ils sont fondés à se prévaloir des termes de l'instruction référencée 5 B-2-07 du 30 janvier 2007.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 novembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme E...ne sont pas fondés.
Un nouveau mémoire, enregistré le 3 février 2016, après la clôture de l'instruction, a été présenté par le ministre des finances et des comptes publics.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le livre des procédures fiscales et le code général des impôts ;
- le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 suspendant l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Coiffet,
- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.
1. Considérant que M. et Mme E...ont porté dans la déclaration de revenus qu'ils ont souscrite au titre de l'année 2010, le montant de la réduction d'impôt dont ils pensaient pouvoir bénéficier sur le fondement du I de l'article 199 undecies B du code général des impôts à raison des investissements que les sociétés en participation PV161, PV162, PV163, PV164, PV165, PV166, et PV167, dont ils étaient les associés, avaient déclaré avoir réalisés dans le département de la Guadeloupe et qui consistaient en l'acquisition de panneaux photovoltaïques ensuite donnés en location à des exploitants locaux ; qu'à l'issue du contrôle sur pièces de la déclaration de M. et MmeE..., l'administration fiscale a remis en cause la réduction d'impôt pratiquée par les contribuables, au motif que les centrales photovoltaïques mises à la disposition des sociétés exploitantes n'étaient pas, à la date du 31 décembre 2010, raccordées au réseau électrique et qu'elles n'avaient pas reçu l'attestation de conformité délivrée par le comité national pour la sécurité des usagers et de l'électricité (CONSUEL), de sorte que les investissements correspondants ne pouvaient être regardés comme ayant été réalisés au sens du I de l'article 199 undecies B du code général des impôts ; que M. et Mme E...font appel du jugement du 24 avril 2015, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 en conséquence de la reprise de la réduction d'impôt, et des pénalités correspondantes ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ;
3. Considérant qu'il ressort des motifs mêmes du jugement attaqué que les premiers juges ont répondu de façon complète et précise à l'ensemble des moyens soulevés devant eux par M. et MmeE... ; qu'ils ont également, contrairement à ce que soutiennent les requérants, écarté l'argument que ceux-ci avaient opposé, tiré de ce que l'exploitation effective de la centrale ne dépendait pas de son raccordement au réseau électrique, ni de la délivrance préalable d'une attestation de conformité par le CONSUEL, en relevant que les panneaux photovoltaïques ne pouvaient être effectivement exploités sans être intégrés dans une installation et raccordés au réseau électrique et que la conformité aux normes en vigueur de l'installation devait être attestée par le CONSUEL avant le dépôt de la demande de raccordement ; qu'ils se sont enfin prononcés, implicitement mais nécessairement, sur l'argument tenant à l'existence d'un moratoire et au retard pris dans l'instruction des demandes de raccordement en répondant que l'absence de dépôt par les sociétés de ces demandes ne saurait être justifiée par des considérations relatives aux délais de traitement des demandes par Electricité de France ; que, dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé ;
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 53 du livre des procédures fiscales : " En ce qui concerne les sociétés dont les associés sont personnellement soumis à l'impôt pour la part des bénéfices correspondant à leurs droits dans la société, la procédure de vérification des déclarations déposées par la société est suivie entre l'administration des impôts et la société elle-même. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 57 de ce livre : " L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) " ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des termes de la proposition de rectification du 3 décembre 2012, adressée à M. et MmeE..., que le supplément d'impôt en litige fait suite à un contrôle sur pièces du dossier fiscal des intéressés et que le service a utilisé exclusivement les renseignements qu'il a pu obtenir, dans le cadre de l'exercice de son droit de communication, auprès d'Electricité de France pour remettre en cause la réduction d'impôt pratiquée par les contribuables sur le fondement de l'article 199 undecies B du code général des impôt ; qu'aucune disposition législative ou règlementaire ne faisait obligation à l'administration de procéder, avant la notification à M. et Mme E...de la reprise de l'avantage fiscal dont ils avaient ainsi entendu bénéficier, au contrôle sur place des sociétés en participation propriétaires des investissements ; qu'en l'absence de vérification et de rectification des résultats déclarés par les sociétés PV161, PV162, PV163, PV164, PV165, PV166, et PV167, la proposition de rectification qui a été notifiée à M. et Mme E...n'avait pas à être précédée d'une proposition de rectification à ces sociétés ; qu'enfin, les requérants, qui ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces de leur déclaration, ont bénéficié des garanties attachées à la procédure de rectification contradictoire ; qu'en particulier, en leur adressant une proposition de rectification motivée, mentionnant l'exercice par l'administration de son droit de communication ainsi que les raisons justifiant la rectification envisagée, le service a mis M. et Mme E...en mesure de solliciter dans les délais requis les renseignements transmis par Electricité de France fondant la reprise de la réduction d'impôt en cause, et de contester utilement les impositions en litige en apportant tous les éléments justificatifs qui leur paraissaient utiles ;
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
S'agissant de l'application de la loi fiscale :
6. Considérant qu'aux termes de l'article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer (...), dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34. (...) " ; qu'aux termes de l'article 95 Q de l'annexe II à ce code : " La réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée par l'entreprise ou lui est livrée (...) " ; qu'aux termes de l'article 95 K de cette annexe : " Les investissements productifs neufs réalisés dans les départements d'outre-mer, (...) qui ouvrent droit à la réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts sont les acquisitions ou créations d'immobilisations corporelles, neuves et amortissables, affectées aux activités relevant des secteurs éligibles en vertu des dispositions du I de cet article " ;
7. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le fait générateur de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B est la date de la livraison effective de l'immobilisation ou de sa création dans le département d'outre-mer ; que, dans ce dernier cas, la date à retenir est celle à laquelle l'entreprise dispose matériellement de l'investissement productif et peut commencer son exploitation effective ; qu'il appartient au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction dont le litige qui lui est soumis a fait l'objet, qu'un contribuable remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par l'article 199 undecies B du code général des impôts ;
8. Considérant que, pour l'application des dispositions précitées, l'exploitation effective d'une centrale photovoltaïque ne peut commencer que lorsque les panneaux qui la composent ont été livrés puis assemblés, et que la centrale a été raccordée au réseau public d'électricité ; qu'il résulte en l'espèce de l'instruction et qu'il n'est pas contesté, qu'à la date du 31 décembre 2010, les installations en litige, pour lesquelles, au demeurant, aucune demande de raccordement auprès d'Electricité de France n'avait été présentée, n'étaient pas raccordées au réseau public d'électricité et que leur exploitation par les entreprises locales ne pouvait ainsi commencer ; qu'en l'absence de toute demande de raccordement, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir, pour contester le supplément d'impôt mis à leur charge, de l'existence d'un moratoire résultant de l'entrée en vigueur des dispositions du décret susvisé du 9 décembre 2010, suspendant l'obligation d'achat pour Electricité de France de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil ; qu'ils ne peuvent davantage invoquer les dispositions de l'article 199 undecies B, dans leur rédaction issue de la loi de finances pour 2014, postérieures à l'année d'imposition en cause ; que, contrairement à ce que soutiennent M. et MmeE..., l'administration fiscale, en relevant le défaut de raccordement au réseau, au 31 décembre 2010, des centrales photovoltaïques acquises par les sociétés PV161, PV162, PV163, PV164, PV165, PV166, et PV167 et l'impossibilité qui en résultait de commencer leur exploitation, s'est bornée à mettre en oeuvre les conditions légales auxquelles sont soumis les investissements effectués par les sociétés dont M. et Mme E...étaient associés afin de pouvoir être regardés comme étant réalisés au sens des dispositions précitées du I de l'article 199 undecies B du code général des impôts, et n'a ainsi pas ajouté à la loi ; que c'est dès lors à bon droit que le service a considéré que ces investissements n'étaient pas éligibles au titre de l'année 2010 à la réduction d'impôt prévue par ces dispositions ;
S'agissant de l'interprétation administrative de la loi fiscale :
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. " ;
10. Considérant, d'une part, que les requérants ne sont pas fondés à se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations de la réponse faite par le ministre de l'économie et des finances à M. A...D..., publiée au Journal officiel du 26 novembre 2013, p. 12367, qui est postérieure à l'année d'imposition en litige ;
11. Considérant, d'autre part, que M. et Mme E...ne sont pas davantage fondés à invoquer l'instruction référencée 5 B-2-07 du 30 janvier 2007, en tant qu'elle concerne la livraison des investissements productifs, dès lors, qu'ainsi qu'il a été dit au point 8, les centrales photovoltaïques ne peuvent être regardées comme étant réalisées au sens de l'article 199 undecies B du code général des impôts, et le bénéfice de la réduction d'impôt prévue par ces dispositions accordé, qu'une fois leur création sur place achevée ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions à fin de sursis de paiement :
13. Considérant que les conclusions à fin de sursis de paiement sont irrecevables devant la Cour ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. et Mme E...demandent au titre des frais qu'ils ont exposés ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme E...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...E...et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal Paris centre et services spécialisés).
Délibéré après l'audience du 4 février 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Coiffet, président assesseur,
- M. Platillero, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 10 mars 2016.
Le rapporteur,
V. COIFFETLe président,
S.-L. FORMERYLe greffier,
S. JUSTINE
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA02059