Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement le 17 juillet et le 17 octobre 2017, le centre hospitalier de Marie-Galante représenté par MeD..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1600982 du Tribunal administratif de la Guadeloupe en date du 24 mai 2017 ;
2°) de rejeter dans toutes ses conclusions la demande présentée en première instance par MmeF... ;
3°) de mettre à la charge de Mme F...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le centre hospitalier de Marie-Galante soutient que :
- les douleurs ressenties par Mme F...à compter du 21 janvier 2014 ne sont pas liées à l'accident de service du 11 mai 2013 ;
- Mme F...présentait un état antérieur non imputable au service ;
- Mme F...ne justifie l'existence ni d'un préjudice matériel, ni d'un préjudice moral ;
- les décisions contestées étant légalement fondées, Mme F...ne peut prétendre à l'indemnisation d'aucun préjudice.
Par une ordonnance n° 428220 du Président de la section du contentieux du Conseil d'Etat en date du 1er mars 2019, le jugement de la requête présentée par le centre hospitalier Sainte-Marie de Marie-Galante a été attribué à la Cour administrative d'appel de Paris.
Par des mémoires en défense enregistrés les 8 septembre 2017 et 19 avril 2018, Mme F..., représentée par Me G...demande à la Cour :
1°) de rejeter, dans toutes ses conclusions, la requête d'appel présentée par le centre hospitalier ;
2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du Tribunal administratif de la Guadeloupe en tant qu'il lui est défavorable et de condamner le centre hospitalier au paiement de la somme en brut de 7 593 65 euros au titre des rappels de salaires de décembre 2015 à septembre 2016 et de la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subi ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- ses douleurs lombaires n'ont jamais cessé depuis son accident de service et qu'il ne s'agit donc pas d'une rechute mais d'une aggravation progressive de ses douleurs ;
- elle ne présentait aucun antécédent de lombalgie avant son accident et devait donc être rémunérée à plein traitement sur la période de décembre 2015 à septembre 2016 ;
- elle vit une situation de stress et d'angoisse depuis son placement en position de maladie à demi-traitement et justifie donc d'un préjudice moral pour lequel elle doit être indemnisée.
Par une ordonnance du 20 avril 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 juin 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Doré,
- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., pour le centre hospitalier de Marie-Galante.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B...E...épouseF..., agent des services hospitaliers affectée au centre hospitalier de Marie Galante, a été victime, le 11 mai 2013, d'un accident sur son lieu de travail, alors qu'elle rattrapait une patiente en train de chuter. Cet accident lui a causé des lombalgies. Il a été reconnu comme étant imputable au service par une décision du 19 août 2015. Mme F...a été en arrêt de travail jusqu'au 3 décembre 2013, date à laquelle lui a été délivré un certificat médical mentionnant une consolidation avec persistance de lombalgie, l'incapacité permanente partielle étant évaluée à 3%. Mme F...a alors repris son activité professionnelle, mais a de nouveau été arrêtée à compter du 21 janvier 2014 pour cause de lombalgies. A la suite d'une expertise médicale réalisée par le Dr C...à la demande du centre hospitalier et dont le rapport a été remis le 13 août 2015, le directeur du centre hospitalier a, par une décision du 19 août 2015, décidé que les douleurs ressenties par Mme F...à compter du mois de janvier 2014 étaient sans lien avec l'accident de service du 11 mai 2013 et a refusé sa prise en charge au titre de la législation sur les accidents de service à compter du 29 août 2015. La commission de réforme réunie le 27 octobre 2015 a rendu un avis défavorable à la reconnaissance d'une rechute en janvier 2014 en lien avec l'accident de service du 11 mai 2013. Mme F...a formé un recours gracieux à l'encontre de la décision du 19 août 2015, lequel a été implicitement rejeté. Par une décision du 20 juillet 2016, Mme F...a été placée à demi-traitement à compter du 1er juillet 2016, en raison de l'épuisement de son droit à congé maladie ordinaire. Le centre hospitalier de Marie-Galante relève appel du jugement en date du 24 mai 2017 par lequel le Tribunal administratif de la Guadeloupe a, d'une part, annulé les décisions par lesquelles son directeur a refusé de prendre Mme F...en charge à compter du 21 janvier 2014 au titre de la législation sur les accidents de service et l'a placée en position de congé de maladie ordinaire à demi-traitement à compter du mois de décembre 2015 et a, d'autre part, condamné le centre hospitalier à rétablir Mme F...dans son plein traitement au titre de la période de décembre 2015 à septembre 2016.
Sur les conclusions d'appel principal :
2. Aux termes de l'article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa version applicable au présent litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. ". Lorsque l'état d'un fonctionnaire est consolidé postérieurement à un accident imputable au service, le bénéfice de ces dispositions est subordonné, non pas à l'existence d'une rechute ou d'une aggravation de sa pathologie, mais à l'existence de troubles présentant un lien direct et certain, mais non nécessairement exclusif, avec l'accident de service. En outre, l'existence d'un état antérieur, fût-il évolutif, ne permet d'écarter l'imputabilité au service de l'état d'un agent que lorsqu'il apparaît que cet état a déterminé, à lui seul, l'incapacité professionnelle de l'intéressé.
3. L'expertise médicale du 10 août 2015, qui s'appuie sur une radiographie et un scanner réalisés par Mme F...les 3 et 6 janvier 2014, relève l'existence d'une discopathie chronique dégénérative L4-L5. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que cet état antérieur de Mme F... était indépendant des conditions d'exécution de sa fonction d'agent des services hospitaliers lui imposant d'accomplir certains efforts physiques. En outre, il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que l'incapacité professionnelle de Mme F...après le mois de janvier 2014 trouvait son origine exclusive dans une évolution autonome de son état antérieur et n'était pas, pour partie, en lien avec l'accident de service du 11 mai 2013. Au contraire, il ressort des certificats médicaux au dossier, d'une part, que MmeF..., à laquelle une incapacité permanente partielle a été reconnue, souffre, malgré une consolidation, de douleurs lombaires depuis cet accident de service et, d'autre part, qu'elle présentait, en janvier 2014, la même symptomatologie que celle ayant conduit aux arrêts de travail antérieurs dont l'imputabilité au service a été reconnu. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que l'état de santé de Mme F...est, en partie, en lien direct et certain avec son service. Par suite, le directeur du centre hospitalier Sainte-Marie de Marie-Galante a commis une erreur d'appréciation en estimant que l'état de santé de Mme F... après le mois de janvier 2014 trouvait sa cause exclusive dans un état de santé antérieur et était sans lien avec le service. Le centre hospitalier Sainte-Marie de Marie-Galante n'est ainsi pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé les décisions par lesquelles le directeur du centre hospitalier Sainte-Marie de Marie-Galante a refusé de la prendre en charge à compter du 21 janvier 2014 au titre de la législation sur les accidents de service et l'a placée en position de congé de maladie ordinaire à demi-traitement à compter du mois de décembre 2015.
Sur les conclusions d'appel incident :
En ce qui concerne le préjudice matériel :
4. Il résulte de l'instruction et de ce qui a été dit au point précédent que MmeF..., devait, en application des dispositions précitées de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986, être maintenue en congé spécial de maladie ordinaire et bénéficier de son plein traitement sur la période s'étendant de décembre 2015 à septembre 2016 et jusqu'à ce qu'elle soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Par suite, le centre hospitalier n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de la Guadeloupe l'a condamné à rétablir Mme F...dans son plein traitement au titre de la période de décembre 2015 à septembre 2016 et a renvoyée celle-ci pour le calcul et le paiement des sommes en cause devant le centre hospitalier.
En ce qui concerne le préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence :
5. Mme F...sollicite, comme elle l'avait fait en première instance, l'indemnisation de son préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence qu'elle estime avoir subis en raison de l'illégalité de la décision l'ayant maintenue à demi-traitement entre les mois de décembre 2015 et septembre 2016. Elle fait valoir que cette illégalité l'a placée dans une situation particulière de stress et d'anxiété. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par Mme F...en lien direct avec la décision la plaçant à demi-traitement en condamnant le centre hospitalier à lui verser une somme de 1 000 euros.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Mme F...n'étant pas la partie perdante, il n'y a donc pas lieu de mettre à sa charge la somme que le centre hospitalier réclame en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de cet établissement le versement à Mme F...de la somme de 1 500 euros au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête présentée par le centre hospitalier Sainte-Marie de Marie-Galante est rejetée.
Article 2 : Le centre hospitalier Sainte-Marie de Marie-Galante est condamné à verser à Mme F... la somme de 1 000 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence.
Article 3 : Le jugement n° 1600982 du 24 mai 2017 du Tribunal administratif de la Guadeloupe est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le centre hospitalier Sainte-Marie de Marie-Galante versera à Mme F...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme F...est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...E...épouse F...et au centre hospitalier Sainte-Marie de Marie-Galante.
Délibéré après l'audience du 27 juin 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Lescaut, premier conseiller,
- M. Doré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 juillet 2019.
Le rapporteur,
F. DORÉ Le président,
S.-L. FORMERY
La greffière,
N. ADOUANE La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA22250