Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 2 mai 2021, M. B..., représenté par Me Sahabun, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2011161 du 17 mars 2021 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 septembre 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait dû saisir la commission du titre de séjour ;
- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur de fait ;
- il méconnaît les stipulations du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
- il méconnaît la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par un courrier du 12 janvier 2022, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que les dispositions alors codifiées à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas applicables aux ressortissants algériens et de ce qu'il y a lieu de substituer à cette base légale celle tirée du pouvoir de régularisation dont dispose l'autorité préfectorale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Aggiouri a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 17 septembre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de délivrer un titre de séjour à M. B..., ressortissant algérien né le 14 juillet 1974, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. M. B... soutient qu'il serait présent sur le territoire français depuis plus de dix ans. Toutefois, il se borne à produire, au titre de la période comprise entre 2011 et 2018, un relevé bancaire édité le 6 mai 2011 comportant un seul mouvement, un récapitulatif de frais bancaires édité le 7 janvier 2013, un acte de naissance faisant état de la naissance de son fils à A..., le 18 juin 2013, un courrier de l'agence solidarité transport du 14 novembre 2015, un récapitulatif de frais bancaires édité le 6 janvier 2016, un bordereau de remise de chèques du 13 mai 2017, un courrier du 8 décembre 2017 émanant d'un opérateur téléphonique, ainsi qu'un relevé bancaire du 8 octobre 2018. Par ailleurs, si M. B... est marié et père de deux enfants, nés respectivement en 2013 et en 2015, qui sont scolarisés, il ressort des pièces du dossier que son épouse se trouve également en situation irrégulière sur le territoire français. Enfin, M. B..., entré en France à tout le moins à l'âge de 34 ans, n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Algérie, où résident ses parents. Dans ces conditions, l'arrêté attaqué ne peut être regardé comme ayant porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Ainsi, les moyens tirés de l'erreur de fait et de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " [...] Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1°) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant [...] ".
5. M. B... ne peut utilement se prévaloir d'une méconnaissance des stipulations du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien dès lors qu'il n'a pas présenté de demande de titre de séjour sur ce fondement, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'ayant par ailleurs pas examiné d'office sa situation sur ce fondement. En tout état de cause, il résulte de ce qui a dit précédemment au point 3 qu'il n'établit pas résider en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué. Par suite, le moyen doit être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir ".
7. Les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France. Les dispositions alors codifiées à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles elles renvoient, est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre d'une activité salariée, soit au titre de la vie familiale. Dès lors que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, ces conditions sont régies de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, un ressortissant algérien ne peut utilement invoquer les dispositions de cet article à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national.
8. Toutefois, si l'accord franco-algérien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il y a lieu d'observer que ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
9. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le préfet de la Seine-Saint-Denis ne pouvait légalement se fonder sur les dispositions alors codifiées à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour rejeter la demande d'admission au séjour présentée par M. B....
10. La décision attaquée, prise à tort sur le fondement des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-14 et motivée par la circonstance qu'aucune considération humanitaire, ni aucun motif exceptionnel ne justifiait la délivrance à M. B... d'un titre de séjour, trouve un fondement légal dans l'exercice par le préfet du pouvoir de régularisation discrétionnaire dont il dispose. Ce fondement légal peut être substitué au fondement erroné retenu par le préfet de la Seine-Saint-Denis dès lors que cette substitution de base légale n'a pas pour effet de priver M. B... des garanties de procédure qui lui sont offertes par la loi et que le préfet dispose du même pouvoir d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir général de régularisation que lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En l'espèce, compte tenu de la situation de M. B..., telle qu'elle a été analysée au point 3, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant d'exercer son pouvoir discrétionnaire de régularisation.
11. En quatrième lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que la procédure de saisine pour avis de la commission du titre de séjour dans les conditions prévues par les dispositions alors codifiées à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas applicable aux ressortissants algériens. Par suite, M. B... ne saurait utilement soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait dû, préalablement à l'édiction de l'arrêté contesté, saisir, sur ce fondement, la commission de titre de séjour.
12. En cinquième lieu, M. B... ne peut utilement soutenir que l'arrêté contesté méconnaîtrait la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 dès lors que celle-ci est dépourvue de toute valeur réglementaire.
13. Enfin, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
14. Si M. B... soutient que l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français le séparerait de ses enfants, il ressort des pièces du dossier que leur mère, épouse de M. B..., se trouve également en situation irrégulière sur le territoire français. Ainsi, M. B... n'établit pas qu'une reconstitution de la cellule familiale ne serait pas envisageable en cas d'exécution de la mesure d'éloignement. Dès lors, et eu égard par ailleurs au jeune âge des enfants de M. B..., le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 27 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- M. Aggiouri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 février 2022.
Le rapporteur,
K. AGGIOURILe président,
H. VINOT
La greffière,
A. MAIGNAN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA02347 2