Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 26 novembre 2019, le 22 juin 2020,
le 25 août 2020 et le 27 octobre 2020, la société Nes Informatique, représentée par CMS Francis Lefebvre avocats, agissant par Me Fermine, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1717080 du 7 octobre 2019 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que les premiers juges n'ont pas suffisamment répondu ni à l'ensemble des conclusions, ni au moyen tiré de la circonstance qu'elle avait pu à bon droit déduire la taxe sur la valeur ajoutée grevant les factures émises par les quatre fournisseurs en cause ;
- le jugement attaqué est entaché d'une contradiction de motifs ;
- il méconnaît les règles relatives à la charge de la preuve ;
- les premiers juges ne pouvaient se fonder sur certains éléments dont s'est prévalue l'administration fiscale ;
- l'administration fiscale a méconnu l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la livraison directe de marchandises ne saurait constituer un indice de fraude ;
- l'article 36 bis de la directive 2006/112/CE pose désormais des règles communes concernant les " opérations en chaîne " ;
- la situation de défaillance de la société Alpha Technology n'est pas établie ;
- elle n'était pas en mesure de connaître la situation de défaillance déclarative de ses fournisseurs ;
- à supposer que la société Display Pro lui ait vendu des produits à perte, il n'est pas établi qu'elle avait connaissance des marges négatives ainsi pratiquées ;
- le prix n'est pas le seul critère de choix de ce fournisseur ;
- la situation de défaillance déclarative ou contributive des fournisseurs n'implique pas nécessairement sa participation à une fraude ;
- son gérant s'est rendu auprès des sociétés Crown Multimedia, Alpha Technology et Enoves ;
- les paiements immédiats ne sauraient être regardés en l'espèce comme un indice de fraude ;
- il était procédé, avant toute première commande, à un ensemble de vérifications ;
- une fois la relation commerciale établie, les échanges se développaient de manière dématérialisée ;
- elle s'est assurée que la société Crown Multimedia avait déposé ses déclarations mensuelles de taxe sur la valeur ajoutée au titre des mois de juin 2013 à mars 2014 ;
- les attestations de régularité fiscale ne pouvaient être délivrées qu'au titre de l'année N-1 ;
- il ne peut lui être reproché de ne pas disposer d'attestations de régularité fiscale couvrant la période de réalisation des ventes ;
- elle n'a pas été en mesure de solliciter la communication d'une attestation de régularité fiscale concernant la société Alpha Technology dès lors que cette société était de création récente ;
- elle n'était pas en mesure de savoir que les sociétés Crown Multimedia, Alpha Technology, Enoves et Display Pro participaient à une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée ;
- son organisation logistique lui a permis de cesser ses relations commerciales avec la société PCA France ;
- l'administration fiscale a elle-même commis certains manquements ;
- elle a méconnu la doctrine administrative référencée BOI-TVA-DED-10-30, en ses paragraphes 30 à 50 ;
- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 12 mars 2020, le 7 juillet 2020 et le 10 novembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ;
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 6 juillet 2006, Axel Kittel et Recolta Recycling SRPL (C-439/04 et C-440/04) ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 18 décembre 2014, Staatssecretaris van Financiën c/ Schoenimport " Italmoda " Mariano Previti vof et Turbu.com BV, Turbu.com Mobile Phone's BV (C-131/13, 163/13 et 164/13) ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 21 juin 2012, Mahagében kft (C-80/11) ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 6 novembre 2012, Europese Gemeenschap c/ Otis NV et autres (C-199/11) ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 16 octobre 2019, Glencore Agriculture Hungary (C-189/18) ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Aggiouri ;
- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique ;
- les observations de Me Fermine, avocat de la société Nes Informatique ;
- et les observations de Mme C..., représentant le ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Une note en délibéré, présentée pour la société Nes Informatique, a été enregistrée le 17 février 2022.
Considérant ce qui suit :
1. La société Nes Informatique, qui exerce, depuis 2009, une activité de commerce de logiciels et d'équipements informatiques, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle l'administration fiscale a remis en cause, sur le fondement des dispositions du 3. de l'article 272 du code général des impôts, son droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur les factures émises par cinq sociétés auprès desquelles elle avait acquis du matériel informatique et l'a en conséquence assujettie, selon la procédure de rectification contradictoire, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2013 et le 30 juin 2015. Par une décision du 23 décembre 2016, prise à la suite de la saisine de l'interlocuteur de la direction nationale des enquêtes fiscales, le service a abandonné les rappels de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que les pénalités correspondantes, mis à la charge de la société Nes Informatique à raison de la remise en cause de la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée grevant les factures émises par la société Presta 360. La société Nes Informatique relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions restant à sa charge, ainsi que des pénalités correspondantes.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". A cet égard, si le juge est tenu de répondre aux moyens des parties, il n'est pas dans l'obligation de répondre à l'ensemble des arguments soulevés à l'appui de ces moyens.
3. En l'espèce, les premiers juges, qui ont répondu à l'ensemble des conclusions présentées par la société Nes Informatique, ont suffisamment répondu, aux points 3 à 5 de leur jugement, au moyen tiré de ce que la société Nes Informatique avait pu à bon droit déduire la taxe sur la valeur ajoutée grevant les factures émises par les quatre fournisseurs en cause. La société requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que ce jugement serait insuffisamment motivé et, par suite, irrégulier.
4. En second lieu, si la société Nes Informatique soutient que le jugement attaqué est entaché d'une contradiction de motifs, un tel moyen porte sur le bien-fondé du jugement et non sur sa régularité. Par ailleurs, si la société Nes Informatique soutient, d'une part, que le jugement du tribunal administratif de Paris méconnaît les règles de dévolution de la charge de la preuve dès lors que les éléments recueillis au cours des procédures ayant visé divers fournisseurs ne lui ont pas été communiqués par l'administration fiscale, d'autre part, que les premiers juges ne pouvaient se fonder sur certains éléments dont se prévalait l'administration fiscale, au motif qu'ils seraient selon elle erronés, un tel moyen ressortit également au bien-fondé du jugement et non à sa régularité.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
5. D'une part, aux termes de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l'Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter. Une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour assurer l'effectivité de l'accès à la justice ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de son arrêt C-199/11 Europese Gemeenschap c/ Otis NV et autres du 6 novembre 2012, que le principe de protection juridictionnelle effective figurant à cet article 47 est constitué de divers éléments, lesquels comprennent, notamment, les droits de la défense, le principe d'égalité des armes, le droit d'accès aux tribunaux ainsi que le droit de se faire conseiller, défendre et représenter. S'agissant du respect des droits de la défense invoqués dans un litige fiscal portant sur une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé, dans son arrêt C-189/18 Glencore Agriculture Hungary du 16 octobre 2019, que ce principe a pour corollaire le droit d'accès au dossier au cours de la procédure administrative et qu'une violation du droit d'accès au dossier commise lors de la procédure administrative n'est pas, en principe, régularisée du simple fait que l'accès au dossier a été rendu possible au cours de la procédure juridictionnelle concernant un éventuel recours visant à l'annulation de la décision contestée. La Cour de justice a également jugé dans ce même arrêt que, dans un tel litige de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, le respect des droits de la défense n'impose pas à l'administration fiscale une obligation générale de fournir un accès intégral au dossier dont elle dispose, mais exige que l'assujetti ait la possibilité de se voir communiquer, à sa demande, les informations et les documents se trouvant dans le dossier administratif et pris en considération par cette administration en vue d'adopter sa décision, lesquels incluent en principe non seulement l'ensemble des éléments du dossier sur lesquels l'administration fiscale entend fonder sa décision mais aussi ceux qui, sans fonder directement sa décision, peuvent être utiles à l'exercice des droits de la défense. Au nombre de ces derniers figurent en particulier les éléments que cette administration a pu rassembler et qui seraient susceptibles de faire douter de la participation du contribuable, en connaissance de cause, à des opérations impliquées dans une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée mais qu'elle a regardés comme non probants.
6. D'autre part, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".
7. Il ne résulte pas de l'instruction que la société Nes Informatique aurait demandé à l'administration fiscale la communication, ni des éléments obtenus de tiers et ayant fondé les redressements - dont le service a mentionné la teneur et l'origine dans la proposition de rectification du 9 août 2016 adressée à la société - ni d'autres documents que ceux mentionnés dans la proposition de rectification et qui auraient été de nature à lui permettre de se défendre utilement en faisant douter des éléments à raison desquels l'administration a remis en cause son droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée. Si la société Nes Informatique soutient avoir présenté une telle demande de communication, ce que l'administration fiscale conteste, elle n'apporte aucun élément de preuve au soutien de ses allégations. Ainsi, la société Nes Informatique n'est pas fondée à soutenir que la procédure d'imposition serait entachée d'irrégularité au regard des dispositions de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales. Par suite, le moyen doit être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions :
8. Le service a relevé, dans la proposition de rectification du 9 août 2016 adressée à la société Nes Informatique, que quatre sociétés qui lui avaient vendu du matériel informatique au cours de la période comprise entre le 1er janvier 2013 et le 30 juin 2015 s'étaient livrées à une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée. Il a ensuite estimé que la société Nes Informatique disposait d'indices qui aurait dû lui permettre de soupçonner que ces sociétés se livraient à une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, et, enfin, qu'elle n'avait pas mis en œuvre les diligences de nature à prévenir sa participation à une telle fraude. Il a donc procédé, sur le fondement du 3. de l'article 272 du code général des impôts, au rappel de la taxe sur la valeur ajoutée déduite par la société Nes Informatique à raison de ces achats.
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
9. Aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ". Aux termes des I et II de l'article 271 du même code :
" I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / [...] II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures [...] ". Enfin, le 3. de l'article 272 de ce code dispose : " La taxe sur la valeur ajoutée afférente à une livraison de biens ne peut faire l'objet d'aucune déduction lorsqu'il est démontré que l'acquéreur savait ou ne pouvait ignorer que, par son acquisition, il participait à une fraude consistant à ne pas reverser la taxe due à raison de cette livraison ".
10. Il résulte des dispositions de l'article 17 de la sixième directive 77/388/CEE du 17 mai 1977, reprises en substance à l'article 168 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, et dont les dispositions du I et du a) du 1 du II de l'article 271 du code général des impôts citées au point 9 assurent la transposition, que le bénéfice du droit à déduction de taxe sur la valeur ajoutée doit être refusé à un assujetti lorsqu'il est établi, au vu d'éléments objectifs, que celui-ci savait ou aurait dû savoir que, par l'opération invoquée pour fonder ce droit, il participait à une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée commise dans le cadre d'une chaîne de livraisons ou de prestations, ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne, notamment par son arrêt du 18 décembre 2014, Staatssecretaris van Financiën c/ Schoenimport " Italmoda " Mariano Previti vof et Turbu.com BV, Turbu.com Mobile Phone's BV (C-131/13, 163/13 et 164/13).
11. Si les opérateurs qui prennent toute mesure pouvant raisonnablement être exigée d'eux pour s'assurer que leurs opérations ne sont pas impliquées dans une fraude, qu'il s'agisse de la fraude à la taxe sur la valeur ajoutée ou d'autres fraudes, ne doivent pas perdre leur droit à déduire la taxe sur la valeur ajoutée acquittée en amont, en revanche, un assujetti qui savait ou aurait dû savoir que, par son acquisition, il participait à une opération impliquée dans une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, doit être considéré comme participant à cette fraude, indépendamment de la question de savoir s'il tire ou non un bénéfice de la revente des biens, dès lors que, dans une telle situation, l'assujetti devient complice de la fraude, comme l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 6 juillet 2006, Axel Kittel et Recolta Recycling SRPL (C-439/04 et C-440/04).
12. Si l'administration fiscale ne peut exiger de manière générale de l'assujetti souhaitant exercer le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, d'une part, qu'il vérifie que l'émetteur de la facture correspondant aux biens et aux services au titre desquels l'exercice de ce droit est demandé dispose de la qualité d'assujetti, qu'il disposait des biens en cause et était en mesure de les livrer et qu'il a rempli ses obligations de déclaration et de paiement de la taxe, afin de s'assurer qu'il n'existe pas d'irrégularités ou de fraude au niveau des opérateurs en amont, ou, d'autre part, qu'il dispose de documents à cet égard, un opérateur avisé peut, en revanche, lorsqu'il existe des indices permettant de soupçonner l'existence d'irrégularités ou de fraude, se voir contraint de prendre des renseignements sur un autre opérateur auprès duquel il envisage d'acheter des biens ou des services afin de s'assurer qu'il s'est acquitté de ses obligations fiscales, comme l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 21 juin 2012, Mahagében kft (C-80/11). Lorsque les indices permettent de soupçonner une méconnaissance, par un fournisseur de biens ou un prestataire de services, de ses obligations de déclaration ou de paiement de la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient ainsi à l'assujetti qui a acquis certains de ces biens ou services, pour les céder à son tour, de s'assurer qu'en ce qui concerne ces biens et services, son fournisseur ou son prestataire s'est acquitté de ses obligations.
13. Enfin, il incombe à l'administration fiscale d'établir les éléments objectifs permettant de conclure que l'assujetti savait ou aurait dû savoir que l'opération invoquée pour fonder le droit à déduction était impliquée dans une fraude. Lorsque sont en cause des opérations similaires réalisées par des sociétés différentes pendant une courte période, ces éléments doivent porter sur chacune de ces sociétés, qu'il s'agisse de l'existence de la fraude reprochée, des indices permettant à l'assujetti mis en cause de la soupçonner ou encore des mesures qui peuvent raisonnablement être exigées.
S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée grevant les factures émises par la société Crown Multimedia :
Quant à la réalité de la fraude commise par la société Crown Multimedia :
14. L'administration fiscale fait valoir que la société Crown Multimedia a facturé à la société Nes Informatique du matériel informatique à hauteur de 1 569 552 euros au titre de la période comprise entre le mois d'avril 2014 et le mois de juin 2014. Or, l'administration fiscale a notamment relevé, dans la proposition de rectification du 21 août 2015 adressée à la société Crown Multimedia à l'issue de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, que cette société n'avait déclaré aucune taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre du mois d'avril 2014 et qu'elle n'avait déposé aucune déclaration de taxe sur la valeur ajoutée au titre des mois de mai 2014 et juin 2014. Alors que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société Crown Multimedia à l'issue de cette vérification de comptabilité ont été mis en recouvrement le 15 octobre 2015, la société Nes Informatique ne conteste pas utilement la matérialité des éléments dont se prévaut l'administration fiscale. Ainsi, l'administration fiscale établit que la société Crown Multimedia s'est livrée à une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée.
Quant aux indices de la fraude fiscale :
15. L'administration fiscale fait valoir que la société Crown Multimedia, créée le 1er novembre 2012, soit moins de deux ans seulement avant le début de ses relations commerciales avec la société Nes Informatique, disposait, en l'absence d'embauche au cours de la période en litige, de moyens humains réduits, à savoir un seul salarié, M. C., gérant statutaire, lequel se chargeait également de l'acheminement direct des marchandises vendues, depuis les locaux de ses fournisseurs, ou depuis une plateforme logistique, jusqu'aux locaux de ses clients, parmi lesquels la société Nes Informatique. Elle relève également que M. C. n'avait, en dépit de ses fonctions de gérant, aucune influence sur le choix des clients et des fournisseurs, ou le mode de règlement des factures, ces décisions étant prises par M. S., personne tierce à la société, ainsi qu'en atteste l'audition de M. C. par le service national de douanes judiciaires (SNDJ) le 13 novembre 2014. Par ailleurs, l'administration fiscale indique que la société Crown Multimedia, qui n'a pas publié ses comptes au greffe du tribunal de commerce, a fait bénéficier la société Nes Informatique de marges très faibles à raison des ventes consenties entre le 30 mars 2014 et le 7 avril 2014, comprises entre 2,55 % et 0 %, cette marge nulle concernant 21 ventes - d'ailleurs toutes effectuées le même jour - sur les 69 transactions réalisées entre les deux sociétés au titre de cette période.
16. Si la société Nes Informatique soutient qu'elle ne pouvait pas être informée des prix auxquels la société Crown Multimedia avait acquis ses marchandises, les marges très faibles ou nulles pratiquées par cette société, de manière répétitive, et dans des proportions significatives se traduisant, pour la société Nes Informatique, par le bénéfice d'un prix d'achat compétitif, auraient dû, à tout le moins, attirer son attention. A cet égard, il résulte des pièces produites par la société Nes Informatique que les prix proposés au public, sur Internet, pour l'achat de plusieurs références de microprocesseurs - en particulier Intel Core I7-4770, Intel Core I5-4570, Intel Core I3-3240 - étaient substantiellement supérieurs aux prix auxquelles elle a elle-même acquis ces produits auprès de la société Crown Multimedia. La circonstance que la société Nes Informatique a été, in fine, en mesure de proposer elle-même, à la revente, ces produits à un prix compétitif, ne permet pas de remettre en cause ces éléments. Par ailleurs, si la société Nes Informatique soutient qu'elle n'était pas en mesure de savoir que la société Crown Multimedia avait cessé de déclarer la taxe sur la valeur ajoutée collectée à compter du mois d'avril 2014 dès lors en particulier que les échanges entre M. B... et M. A... se déroulaient, ainsi qu'en atteste la proposition de rectification adressée à cette société, uniquement par téléphone, les éléments mentionnés au point précédent auraient dû lui permettre de soupçonner l'existence d'une fraude fiscale. Ainsi, et dès lors que ces éléments ne sont pas utilement remis en cause par la société Nes Informatique, l'administration fiscale établit que la société Nes Informatique, compte tenu de sa connaissance du marché, était en mesure de soupçonner qu'en achetant des produits à la société Crown Multimedia, elle participait à un circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée.
Quant aux diligences mises en œuvre par la société Nes Informatique pour prévenir le risque de participation à une fraude fiscale :
17. L'administration fiscale fait valoir que les représentants de la société Nes Informatique n'ont pas cherché à prendre connaissance des conditions effectives d'exploitation de la société Crown Multimedia et que, en dépit des nombreuses ventes consenties par cette société, ils se sont bornés à entretenir des contacts avec ses dirigeants à distance, sans se déplacer dans les locaux de la société. Elle fait valoir également que la société Nes Informatique n'a produit aucune correspondance commerciale au cours des opérations de contrôle permettant de démontrer qu'elle se serait informée sur les prix pratiqués par cette société ou sur l'origine de ses approvisionnements en marchandises. Par ailleurs, elle relève que, si la société Nes Informatique a sollicité la communication d'un extrait Kbis de la société Crown Multimedia, délivré par le greffe du tribunal de commerce de Bobigny le 26 novembre 2013, de relevés d'identité bancaire de la société, d'une lettre de mission adressée à un cabinet d'expertise comptable le 28 mai 2013, d'un bail signé le 29 août 2013 avec la société Havisco, ainsi que des attestations de régularité fiscale délivrées le 19 novembre 2013 et le 1er avril 2014 par le service des impôts des entreprises de Pantin indiquant que la société Crown Multimedia " est en règle au regard des obligations fiscales [...] lui incombant ", respectivement au 31 décembre 2012 et au 31 décembre 2013, soit avant la période d'imposition en litige, les seules diligences ainsi mises en œuvre par la société Nes Informatique se sont limitées à des contrôles formels dépourvus de portée significative quant aux conditions effectives de l'activité de la société Crown Multimedia.
18. Si la société Nes Informatique produit une attestation, datée du 30 octobre 2017, émanant de M. C., gérant de la société Crown Multimedia, indiquant que la société Nes Informatique procédait régulièrement à des enlèvements de marchandises dans les locaux de la société Crown Multimedia, elle n'apporte aucune précision quant à la teneur des éventuels contacts qui auraient été entretenus avec M. S., qui, ainsi qu'il a été dit au point précédent, prenait les principales décisions stratégiques affectant le fonctionnement de l'entreprise. Si la société Nes Informatique soutient également que les échanges avec la société Crown Multimedia s'effectuaient principalement de manière dématérialisée, par messagerie instantanée ou par courriels, elle n'apporte aucune précision ni élément de preuve permettant d'établir qu'elle se serait enquise, par de tels échanges, qu'elle ne produit d'ailleurs pas, des conditions effectives d'exploitation de la société Crown Multimedia. Par ailleurs, si la société requérante produit les déclarations mensuelles de taxe sur la valeur ajoutée déposées par la société Crown Multimedia au titre des mois de juin 2013 à mars 2014, elle n'établit ni même n'allègue avoir cherché à se procurer de telles déclarations au titre de la période d'imposition en litige. Enfin, si la société Nes Informatique soutient qu'elle ne pouvait obtenir une attestation de régularité fiscale portant sur des périodes postérieures au 31 décembre de l'année civile précédant sa délivrance, il lui appartenait, compte tenu des indices, évoqués précédemment, qui auraient dû lui permettre de soupçonner l'existence d'une fraude fiscale, de mettre en œuvre des diligences supplémentaires afin de s'assurer que la société Crown Multimedia, avec laquelle elle avait développé des relations commerciales à compter du mois d'avril 2014, n'était pas défaillante au regard de ses obligations fiscales. Dans ces conditions, et alors que les éléments mentionnés au point précédent ne sont pas utilement remis en cause par la société Nes Informatique, l'administration fiscale établit que cette société n'a pas mis en œuvre, en dépit du volume significatif d'affaires réalisées, sur une période très brève, avec la société Crown Multimedia, les diligences nécessaires afin de s'assurer que celle-ci ne participait pas à une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée.
19. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a remis en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée grevant les factures émises par la société Crown Multimedia à l'attention de la société Nes Informatique.
S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée grevant les factures émises par la société Alpha Technology :
Quant à la réalité de la fraude commise par la société Alpha Technology :
20. L'administration fiscale fait valoir que la société Alpha Technology, qui exerçait une activité d'achat et de revente de matériel informatique, a facturé à la société Nes Informatique du matériel informatique à hauteur de 5 825 566 euros au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2014 et le 31 décembre 2014, et de 210 836 euros au titre du mois de janvier 2015.
Or, l'administration fiscale a relevé, dans la proposition de rectification du 4 décembre 2015 adressée à la société Alpha Technology à la suite de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, d'une part, qu'elle n'avait déposé aucune déclaration de taxe sur la valeur ajoutée au titre des mois de janvier 2014 à septembre 2014 ainsi qu'au titre du mois de janvier 2015, d'autre part, que la taxe sur la valeur ajoutée collectée déclarée par la société au titre des mois d'octobre 2014 à décembre 2014 n'était pas conforme à la réalité des livraisons effectivement facturées par la société, et que la taxe sur la valeur ajoutée déductible avait été artificiellement majorée par la société afin de couvrir la quasi-totalité de la taxe sur la valeur ajoutée collectée. Alors que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société Alpha Technology à l'issue de cette vérification de comptabilité ont été mis en recouvrement le 18 janvier 2016, la société Nes Informatique ne remet pas utilement en cause la matérialité des éléments dont se prévaut l'administration fiscale. Ainsi, l'administration fiscale établit que la société Alpha Technology s'est livrée à une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée.
Quant aux indices de la fraude fiscale :
21. L'administration fiscale fait valoir que les marchandises vendues par la société Alpha Technology, créée en janvier 2014, soit concomitamment à la période au cours de laquelle elle a commencé à être en relation d'affaires avec la société Nes Informatique, et qui ne disposait ni de moyen humain, ni de véhicules permettant d'assurer la livraison des marchandises, ne transitaient jamais par son siège social mais étaient réceptionnées, après leur vente par des fournisseurs européens ou par la société Witt - laquelle ne possédait elle-même aucun moyen d'exploitation propre - au sein d'une plateforme logistique gérée par la société TLS 91, située à Epinay-sous-Sénart, avant d'être directement livrées à la société Nes Informatique. A cet égard, l'administration fiscale précise qu'un droit de communication exercé auprès de la société TLS 91 lui a permis de constater que la société Alpha Technology avait réglé l'ensemble des frais d'enlèvement et de transport facturés à raison des marchandises acheminées pour le compte de la société Witt, celle-ci n'ayant aucune relation commerciale avec la société TLS 91. Par ailleurs, l'administration fiscale relève, d'une part, que si la société Alpha Technology a conclu, le 1er janvier 2014, un bail au titre de la location de locaux commerciaux à Saint-Doulchard, ces locaux, inoccupés, ne portaient la marque d'aucune activité effective, ainsi qu'en attestent les renseignements obtenus dans le cadre de la vérification de comptabilité de la société, d'autre part, que si la société Alpha Technology a déclaré avoir ensuite déménagé à Gennevilliers, la nouvelle adresse ainsi fournie était fictive. L'administration fiscale indique également que la société Nes Informatique a bénéficié de plusieurs ventes de matériel informatiques et de téléphonie à perte, à savoir, en particulier, deux ventes de lots de tablettes numériques et de téléphones portables le 2 décembre 2014, et la vente d'un lot de microprocesseurs le 9 décembre 2014, la société Alpha Technology présentant à l'occasion de ces ventes une marge brute négative s'élevant respectivement à 8,86 %, 9,21 % et 7,13 %. De plus, l'administration fiscale fait état des délais de paiement très brefs dont la société Nes Informatique a fait bénéficier la société Alpha Technology, compris entre zéro et cinq jours, qui contrastent avec les pratiques constatées sur le marché du matériel informatique, lequel se caractérise par des délais de paiement plus longs faisant parfois intervenir des sociétés d'affacturation. Enfin, elle fait valoir que les marchandises vendues par la société Alpha Technology étaient livrées à la société Nes Informatique, soit dans des délais très courts, le jour même de la facturation, soit, dans la plupart des cas, avant même toute facturation, l'écart négatif ainsi constaté entre les dates de facturation et de livraison pouvant s'étendre jusqu'à six jours.
22. Si la société Nes Informatique soutient qu'elle ne pouvait pas savoir que la société Alpha Technology lui avait consenti des ventes à perte, les marges négatives pratiquées par cette société, de manière répétitive, et dans des proportions significatives se traduisant, pour la société Nes Informatique, par le bénéfice d'un prix d'achat compétitif, auraient dû, à tout le moins, attirer son attention. A cet égard, il résulte des pièces produites par la société Nes Informatique que les prix proposés au public, sur Internet, par des sites de vente en ligne, pour l'achat des références de téléphones portables, de tablettes numériques et de microprocesseurs en cause - à savoir LG G3 D855, Samsung Galaxy SM T530, Intel Core I5-4670 - étaient substantiellement supérieurs aux prix auxquelles elle a elle-même acquis ces produits auprès de la société Alpha Technology. La circonstance que la société Nes Informatique a été, in fine, en mesure de proposer elle-même, à la revente, certains de ces produits à un prix compétitif, ne permet pas de remettre en cause ces éléments. Par ailleurs, si la société Nes Informatique soutient que les relevés de comptes bancaires de la société Alpha Technology, retracés en annexe de la proposition de rectification adressée à cette société, font apparaître diverses charges, notamment le paiement de loyers, cette seule circonstance ne permet pas d'établir que les locaux loués par cette société à Saint-Doulchard présentaient la trace d'une activité effective. Si la société Nes Informatique soutient également que les délais de paiement très rapides dont elle faisait bénéficier la société Alpha Technology, qui correspondent selon elle aux usages en vigueur sur le marché des équipements informatiques, sont justifiées par un délai de rotation des stocks relativement bref observé dans ce secteur, ainsi que par un besoin en fond de roulement élevé, ces allégations sont contredites par les constatations effectuées par l'administration fiscale quant aux délais observés par la société Nes Informatique elle-même pour payer trois fournisseurs, non impliqués dans le circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée en cause, auprès desquels elle a acquis des produits respectivement entre janvier 2014 et mai 2014, entre septembre 2013 et janvier 2014, et entre janvier 2013 et décembre 2013, lesquels délais peuvent s'étendre jusqu'à une cinquantaine de jours. Ni la circonstance que d'autres fournisseurs de la société Nes Informatique ont bénéficié de délais de paiement rapides, ni la circonstance que la société Nes Informatique a accordé à certains de ses clients des délais de paiement plus longs, ne sauraient priver de portée ces constatations. De plus, la société Nes Informatique n'apporte pas de précision ni d'élément probant à l'appui de son allégation selon laquelle les délais de paiement particulièrement courts qu'elle a pratiqués dans ses relations avec la société Alpha Technology s'inscriraient dans une stratégie commerciale spécifique, impliquant notamment, en contrepartie, le bénéfice pour elle de conditions de vente plus favorables. Enfin, si la société Nes Informatique soutient qu'elle n'était pas en mesure de savoir que la société Alpha Technology participait à une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, dès lors en particulier que ses représentants n'auraient pas été en relation avec la société Witt, les éléments mentionnés au point précédent auraient dû lui permettre de soupçonner l'existence d'une fraude fiscale. Ainsi, et dès lors que ces éléments ne sont pas utilement remis en cause par la société Nes Informatique, l'administration fiscale établit que la société Nes Informatique, compte tenu de sa connaissance du marché, était en mesure de soupçonner qu'en achetant des produits à la société Alpha Technology, elle participait à un circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée.
Quant aux diligences mises en œuvre par la société Nes Informatique pour prévenir le risque de participation à une fraude fiscale :
23. L'administration fiscale fait valoir que les représentants de la société Nes Informatique n'ont pas cherché à prendre connaissance des conditions effectives d'exploitation de la société Alpha Technology et que, en dépit des nombreuses ventes consenties par cette société, ils se sont bornés à entretenir des contacts avec ses dirigeants à distance, sans se déplacer dans les locaux de la société. Elle fait également valoir que la société Nes Informatique n'a produit aucune correspondance commerciale au cours des opérations de contrôle permettant de démontrer qu'elle se serait informée sur les prix pratiqués par cette société ou sur l'origine de ses approvisionnements en marchandises. Par ailleurs, elle relève que si la société Nes Informatique a sollicité un extrait Kbis de la société Alpha Technology, délivré par le greffe du tribunal de commerce de Bourges le 19 mars 2014, la carte d'identité du gérant, ainsi que des relevés d'identité bancaire de la société, les diligences ainsi mis en œuvre par la société Nes Informatique se sont limitées à des contrôles formels dépourvus de portée significative quant aux conditions effectives de l'activité de la société Alpha Technology. Enfin, l'administration fiscale indique que la société Nes Informatique n'a produit aucune attestation de régularité fiscale concernant la société Alpha Technology.
24. Si la société Nes Informatique soutient qu'elle s'est rendue à l'adresse du siège social de la société Alpha Technology, sis alors à Saint-Doulchard, elle n'apporte aucune précision sur les circonstances de cette visite, qui auraient dû attirer son attention, compte tenu du caractère inoccupé des locaux et de l'absence de moyen humain, sur les conditions d'exploitation de cette société. Si la société requérante soutient également que son gérant n'avait pu se rendre au nouveau siège de la société Alpha Technology, sis à Gennevilliers, du fait des conditions du contrôle judiciaire dont il faisait l'objet, il résulte de l'instruction que l'ordonnance du vice-président chargé de l'instruction près le tribunal de grande instance de Lyon enjoignant au gérant de la société Nes Informatique de " s'abstenir de rencontrer ou d'entrer en relation de quelque façon que ce soit avec les personnes physiques en relation avec la société Alpha Technology " a été rendue le 14 janvier 2015, soit à la fin de la période au cours de laquelle les deux sociétés ont été en relations d'affaires, cette ordonnance ne faisant donc pas obstacle à ce que le gérant de la société Nes Informatique se rende dans les locaux de la société Alpha Technology entre le mois de janvier 2014 et le 13 janvier 2015. Par ailleurs, si la société Nes Informatique soutient que les échanges avec la société Alpha Technology s'effectuaient principalement de manière dématérialisée, par messagerie instantanée ou par courriels, elle n'apporte aucune précision ni élément tendant à établir qu'elle se serait enquise, par de tels échanges, qu'elle ne produit d'ailleurs pas, des conditions effectives d'exploitation de la société Alpha Technology. Enfin, si la société requérante soutient qu'elle ne pouvait obtenir d'attestation de régularité fiscale concernant la société Alpha Technology, laquelle venait d'être créée, il appartenait à la société Nes Informatique - qui pouvait d'ailleurs obtenir la communication, à tout le moins en janvier 2015, d'une attestation de régularité fiscale concernant cette société - de mettre en œuvre, compte tenu des nombreux indices, évoqués précédemment, qui auraient dû lui permettre de soupçonner l'existence d'une fraude fiscale, d'autres diligences afin de s'assurer que cette société n'était pas défaillante au regard de ses obligations fiscales. Dans ces conditions, et alors que les éléments mentionnés au point précédent ne sont pas utilement remis en cause par la société Nes Informatique, l'administration fiscale établit que la société Nes Informatique n'a pas mis en œuvre, en dépit du volume d'affaires réalisées, sur une période très brève, avec la société Alpha Technology, les diligences nécessaires afin de s'assurer que celle-ci ne participait pas à une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée.
25. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a remis en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée grevant les factures émises par la société Alpha Technology à l'attention de la société Nes Informatique.
S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée grevant les factures émises par la société Enoves :
Quant à la réalité de la fraude fiscale commise par la société Enoves :
26. L'administration fiscale fait valoir que la société Enoves, qui exerçait une activité d'achat et de revente de matériel téléphonique et informatique, a facturé à la société Nes Informatique des ventes à hauteur de 5 355 324 euros au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2014 et le 30 juin 2014. Or, l'administration fiscale a relevé, dans la proposition de rectification du 29 juillet 2015 adressée à la société Enoves à la suite de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, d'une part, que cette société - qui ne relevait plus, compte tenu du montant de son chiffre d'affaires, du régime simplifié d'imposition permettant une déclaration annuelle de taxe sur la valeur ajoutée - n'avait souscrit des déclarations mensuelle de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période comprise entre le mois de janvier 2014 et le mois de juin 2014 que le 3 décembre 2014, soit plus de trente jours après la réception de la mise en demeure qui lui avait été adressée, d'autre part qu'elle avait imputé, de manière frauduleuse, un montant de taxe sur la valeur ajoutée déductible sur la déclaration de taxe sur la valeur ajoutée souscrite tardivement au titre de la période en cause. Alors que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société Enoves à l'issue de cette vérification de comptabilité ont été mis en recouvrement le 30 septembre 2015, la société Nes Informatique ne conteste pas utilement la matérialité des éléments dont se prévaut l'administration fiscale. Ainsi, l'administration fiscale établit que la société Enoves s'est livrée à une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée.
Quant aux indices de la fraude fiscale :
27. L'administration fiscale fait valoir que si la société Enoves a remis au service, le 3 décembre 2014, la copie d'un contrat de bail signé le 1er septembre 2013 avec la société Finogere, portant sur la location de locaux à une adresse sise à Aubervilliers, cette société, interrogée par le service le 4 décembre 2014, a indiqué que ce bail était un faux. Elle fait également valoir que la société Enoves, qui n'a déclaré aucun salarié ni aucune charge salariale sur sa déclaration de résultats souscrite au titre de l'année 2013 et n'a déposé aucune déclaration annuelle de données sociales (DADS) au titre de l'année 2014, ne disposait d'aucun moyen humain. Par ailleurs, l'administration fiscale relève que la société Enoves, qui n'a pas déclaré ses comptes auprès du greffe du tribunal de commerce, s'est fournie exclusivement, entre le 21 novembre 2013 et le 9 décembre 2013, auprès de la société Deales, puis à compter de décembre 2013, auprès de la société Win Consulting, l'une et l'autre étant défaillantes au regard de leurs obligations déclaratives et réalisant l'ensemble de leurs approvisionnements auprès de fournisseurs européens. De plus, le service indique que la société Enoves, qui n'a exercé aucune activité entre janvier 2011 et novembre 2013, a repris, à compter de novembre 2013, l'activité de la société IP Media France - ainsi que l'a admis le gérant de la société Enoves, qui était aussi gérant de la société IP Media France - elle-même impliquée dans un circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée en 2012 et en 2013.
28. Si la société Nes Informatique soutient qu'elle n'était pas en mesure de savoir que la société Enoves participait à une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, les éléments mentionnés au point précédent auraient dû lui permettre de soupçonner l'existence d'une fraude fiscale. Ainsi, et dès lors que ces éléments ne sont pas utilement remis en cause par la société Nes Informatique, l'administration fiscale établit que la société Nes Informatique, compte tenu de sa connaissance du marché, était en mesure de soupçonner qu'en achetant des produits à la société Enoves, elle participait à un circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée.
Quant aux diligences mises en œuvre par la société Nes Informatique pour prévenir le risque de participation à une fraude fiscale :
29. L'administration fiscale fait valoir que les représentants de la société Nes Informatique n'ont pas cherché à prendre connaissance des conditions effectives d'exploitation de la société Enoves et que, en dépit des nombreuses ventes consenties par cette société, ils se sont bornés à entretenir des contacts avec ses dirigeants à distance, sans se déplacer dans les locaux de la société. Elle fait valoir également que la société Nes Informatique n'a produit aucune correspondance commerciale au cours des opérations de contrôle permettant de démontrer qu'elle se serait informée sur les prix pratiqués par cette société ou sur l'origine de ses approvisionnements en marchandises. Par ailleurs, elle relève que si la société Nes Informatique a sollicité la communication d'un extrait Kbis de la société Enoves, délivré par le greffe du tribunal de commerce de Bobigny le 5 novembre 2013, ainsi que des relevés d'identité bancaire de cette société, les seules diligences ainsi mises en œuvre par la société Nes Informatique se sont limitées à des contrôles formels dépourvus de portée significative quant aux conditions effectives de l'activité de la société. Enfin, l'administration fiscale indique que l'attestation de régularité fiscale, indiquant que la société Enoves " est au règle au regard de ses obligations fiscales lui incombant au 31 décembre 2013 ", a été délivrée par le service des impôts des entreprises d'Aubervilliers le 1er août 2014, alors que les deux sociétés n'étaient plus en relation d'affaires depuis le mois de juin 2014.
30. Si la société Nes Informatique soutient que son gérant s'est rendu dans les locaux de la société Enoves, elle n'apporte aucun élément de preuve au soutien de ses allégations. Par ailleurs, si la société requérante soutient que les échanges avec la société Enoves s'effectuaient principalement de manière dématérialisée, par messagerie instantanée ou par courriel, elle n'apporte aucune précision ni élément tendant à établir qu'elle se serait enquise, par de tels échanges, qu'elle ne produit d'ailleurs pas, des conditions effectives d'exploitation la société Enoves. Enfin, si la société requérante soutient qu'elle ne pouvait obtenir une attestation de régularité fiscale portant sur des périodes postérieures au 31 décembre de l'année civile précédant sa délivrance, il appartenait à la société Nes Informatique, qui en tout état de cause, n'a demandé une telle attestation, ainsi qu'il a été dit précédemment, que postérieurement à la rupture de ses relations avec la société Enoves, de mettre en œuvre, compte tenu des indices, évoqués précédemment, qui auraient dû lui permettre de soupçonner l'existence d'une fraude fiscale, des diligences supplémentaires afin de s'assurer que la société Enoves n'était pas défaillante au regard de ses obligations fiscales. Dans ces conditions, et alors que les éléments mentionnés au point précédent ne sont pas utilement remis en cause par la société Nes Informatique, l'administration fiscale établit que cette société n'a pas mis en œuvre, en dépit du volume significatif d'affaires réalisées, sur une période très brève, avec la société Enoves, les diligences nécessaires afin de s'assurer que celle-ci ne participait pas à une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée.
31. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a remis en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée grevant les factures émises par la société Enoves à l'attention de la société Nes Informatique.
S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée grevant les factures émises par la société Display Pro :
Quant à la réalité de la fraude commise par la société Display Pro :
32. L'administration fiscale fait valoir que la société Display Pro a facturé à la société Nes Informatique du matériel informatique à hauteur de 798 214 euros au titre de la période comprise entre le mois de novembre 2013 et le mois de décembre 2013 et de 8 224 758 euros au titre de la période comprise entre le mois de janvier 2014 et le mois de juin 2014.
Or, l'administration fiscale a relevé, dans la proposition de rectification du 21 août 2015 adressée à la société Display Pro à la suite de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, que cette société avait déclaré les opérations réalisées avec ses clients, parmi lesquels la société Nes Informatique, comme étant des livraisons intracommunautaires ou des exportations, exonérées de taxe sur la valeur ajoutée. Alors que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société Display Pro à l'issue de cette vérification de comptabilité ont été mis en recouvrement le 29 janvier 2016, la société Nes Informatique ne conteste pas utilement la matérialité des éléments dont se prévaut l'administration fiscale. Ainsi, l'administration fiscale établit que la société Display Pro s'est livrée à une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée.
Quant aux indices de la fraude fiscale :
33. L'administration fiscale fait valoir que, après avoir été constituée le 20 janvier 2011 sous la dénomination Autodiscount95, son objet social mentionnant alors le négoce de véhicules, la société en cause a, lors de l'assemblée générale extraordinaire du 14 septembre 2013, décidé son changement de dénomination sociale, d'activité et de gérance. A cet égard, elle indique que la gérante désignée par cette assemblée générale a déposé plainte pour usurpation d'identité. Par ailleurs, elle fait valoir que la société Display Pro, qui n'avait pas publié ses comptes au greffe du tribunal de commerce, ne disposait d'aucun entrepôt de stockage ni de local commercial à son siège social sis 14 rue de Belleville à Paris, adresse à laquelle aucune boîte aux lettres au nom de la société n'a pu être identifiée. Le service précise que si la société Nes Informatique a produit une convention de bail précaire, datée du 13 septembre 2013, portant sur la location de locaux à cette adresse, la propriétaire mentionnée sur cette convention n'a pu être identifiée à l'adresse indiquée. Il relève également que, alors que la société a disposé au titre de la période vérifiée d'un seul compte bancaire ouvert, le 28 février 2012, au nom d'une autre société et dont les relevés ne font apparaître qu'un seul crédit bancaire, en date du 16 mars 2012, des paiements étaient effectués auprès d'une société distincte, dotée d'une raison sociale (Display Pro) quasiment identique. De plus, l'administration fiscale fait valoir, d'une part, que les marchandises vendues par la société Display Pro, qui ne disposait pas de moyen humain, ne transitaient jamais par son siège social mais étaient réceptionnées au sein de plateformes logistiques située à Mitry-Mory et à Aubervilliers, avant d'être directement livrées aux clients de la société Display Pro, d'autre part, que la société Nes Informatique, qui a apposé son tampon sur les lettres de voiture émises à raison des livraisons de marchandises vendues par la société Display Pro, était nécessairement informée de ce circuit d'acheminement. L'administration fiscale fait également état, d'une part, de délais de paiement très brefs, compris entre zéro et quatre jours, qui contrastent, ainsi qu'il a été dit précédemment, avec les pratiques constatées sur le marché du matériel informatique, d'autre part, de délais de livraison eux-mêmes très courts, compris entre zéro et trois jours à compter de la date de facturation. Enfin, elle fait valoir, d'une part, que la société Nes Informatique n'a pas été en mesure de justifier de la nécessité pour elle de faire affaire avec la société Display Pro, alors qu'elle connaissait un des fournisseurs européens de cette société, auprès duquel elle aurait pu directement se fournir elle-même, d'autre part que la société Display Pro a réalisé, entre le 29 novembre 2013 et le 16 mai 2014, cinquante-quatre ventes de matériel informatiques et de téléphonie à la société Nes Informatique à perte, les marges négatives ainsi consenties s'échelonnant entre 7,25 % et 16,08 %, ainsi que le confirme d'ailleurs le tableau produit par la société Nes Informatique en annexe de ses écritures.
34. Si la société Nes Informatique - qui ne saurait sérieusement alléguer qu'elle s'est fiée à la " réputation " de la société Display Pro, laquelle venait de changer de secteur d'activité lorsqu'elle est entrée en affaires avec elle - soutient qu'elle ne pouvait pas savoir que la société Display Pro lui avait consenti des ventes à perte, les marges négatives pratiquées par cette société, de manière répétitive, et dans des proportions significatives se traduisant, pour la société Nes Informatique, par le bénéfice d'un prix d'achat compétitif, auraient dû, à tout le moins, attirer son attention. A cet égard, il résulte des pièces produites par la société Nes Informatique que les prix proposés au public, sur Internet, par des sites de vente en ligne, pour l'achat de plusieurs références de microprocesseurs ou de disques durs externes - en particulier Intel Core I5-4570, Intel Core I3-4130, Intel Core I3-4340, Samsung M3 500 GB, Samsung by Seagate ST320 lm001, HDD WD5000AAKX et HDD ST500DM002 - étaient substantiellement supérieures aux prix auxquelles elle a elle-même acquis ces produits auprès de la société Display Pro. La circonstance que la société Nes Informatique a été, in fine, en mesure de proposer elle-même, à la revente, ces produits à un prix compétitif, ne permet pas de remettre en cause ces éléments. Si la société Nes Informatique soutient également que les délais de paiement très rapides dont elle faisait bénéficier la société Display Pro, qui correspondent selon elle aux usages en vigueur sur le marché des matériels informatiques, sont justifiées par un délai de rotation des stocks relativement bref observé dans ce secteur, ainsi que par un besoin en fond de roulement élevé, ces allégations sont, ainsi qu'il a été dit précédemment, contredites par les délais observés par la société Nes Informatique elle-même pour payer d'autres de ses fournisseurs, non impliqués dans le circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée en cause, qui peuvent s'étendre jusqu'à cinquante jours.
Ni la circonstance que d'autres fournisseurs de la société Nes Informatique ont bénéficié de délais de paiement rapides, ni la circonstance que la société Nes Informatique a accordé à certains de ses clients des délais de paiement plus longs, ne sauraient priver de portée ces constatations. De plus, la société Nes Informatique n'apporte pas de précision ni d'élément de preuve à l'appui de son allégation selon laquelle les délais de paiement particulièrement courts qu'elle a pratiqués dans ses relations avec la société Display Pro s'inscriraient dans une stratégie commerciale spécifique, impliquant notamment, en contrepartie, le bénéfice pour elle de conditions de vente plus favorables. Enfin, si la société Nes Informatique soutient qu'elle n'était pas en mesure de savoir que la société Display Pro participait à une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, les éléments mentionnés au point précédent, dont elle était, à tout le moins, en mesure d'être informée, auraient dû lui permettre de soupçonner l'existence d'une fraude fiscale. Ainsi, et dès lors que ces éléments ne sont pas utilement remis en cause par la société Nes Informatique, l'administration fiscale établit que la société Nes Informatique, compte tenu de sa connaissance du marché, était en mesure de soupçonner qu'en achetant des produits à la société Display Pro, elle participait à un circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée.
Quant aux diligences mises en œuvre par la société Nes Informatique pour prévenir le risque de participation à une fraude fiscale :
35. L'administration fiscale fait valoir que les représentants de la société Nes Informatique n'ont pas cherché à prendre connaissance des conditions effectives d'exploitation de la société Display Pro, alors que le siège social de cette société se trouvait à moins de quatre kilomètres de celui de la société Nes Informatique, qu'ils n'ont pas rencontré la gérante statutaire de la société, ainsi que l'a admis le gérant de la société Nes Informatique au cours des opérations de vérification et que, en dépit des nombreuses ventes consenties par cette société, ils se sont bornés à entretenir des contacts avec cette société à distance. Elle fait valoir également que la société Nes Informatique n'a produit aucune correspondance commerciale au cours des opérations de contrôle permettant de démontrer qu'elle se serait informée sur les prix pratiqués par cette société ou sur l'origine de ses approvisionnements en marchandises. Par ailleurs, elle relève que, si la société Nes Informatique a obtenu la communication d'un extrait Kbis de la société Display Pro au greffe du tribunal de commerce de Bobigny le 2 octobre 2013, d'une convention de bail précaire signée le 13 septembre 2013 par la société Display Pro pour la mise à disposition de locaux sis à Paris, et de relevés d'identité bancaire de cette société, les seules diligences ainsi mises en œuvre par la société Nes Informatique se sont limitées à des contrôles formels dépourvus de portée significative quant aux conditions effectives de l'activité de la société. Enfin, elle indique que les attestations de régularité fiscale délivrées par le service des impôts des entreprises de Paris (vingtième arrondissement) le 29 novembre 2013 et le 7 mars 2014, mentionnant que la société Nes Informatique " est au règle au regard des obligations fiscales lui incombant ", ont été sollicitées postérieurement à l'engagement des relations commerciales avec la société Display Pro, la première d'entre elles portant du reste sur l'année 2012 au cours de laquelle les deux sociétés n'ont pas été en relation d'affaires.
36. Si la société Nes Informatique soutient que les échanges avec la société Display Pro s'effectuaient principalement de manière dématérialisée, par messagerie instantanée ou par courriels, elle n'apporte aucune précision ni élément de preuve permettant d'établir qu'elle se serait enquise, par de tels échanges, qu'elle ne produit d'ailleurs pas, des conditions effectives d'exploitation de la société Display Pro. Par ailleurs, si la société Nes Informatique soutient qu'elle ne pouvait obtenir une attestation de régularité fiscale portant sur des périodes postérieures au 31 décembre de l'année civile précédant sa délivrance, il lui appartenait, compte tenu des nombreux indices, évoqués précédemment, qui auraient dû lui permettre de soupçonner l'existence d'une fraude fiscale, de mettre en œuvre des diligences supplémentaires afin de s'assurer que la société Display Pro, avec laquelle elle avait développé des relations commerciales à compter de novembre 2013, n'était pas défaillante au regard de ses obligations fiscales. Dans ces conditions, et alors que les éléments mentionnés au point précédent ne sont pas utilement remis en cause par la société Nes Informatique, l'administration fiscale établit que la société Nes Informatique n'a pas mis en œuvre, en dépit du volume significatif d'affaires réalisées, sur une période très brève, avec la société Display Pro, les diligences nécessaires afin de s'assurer que celle-ci ne participait pas à une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée.
37. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a remis en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée grevant les factures émises par la société Display Pro à l'attention de la société Nes Informatique.
S'agissant des diligences mises en œuvre par l'administration fiscale à l'encontre des fournisseurs de la société Nes Informatique :
38. La société Nes Informatique soutient que l'administration fiscale a elle-même commis plusieurs " manquements ", dès lors, en particulier, qu'elle a délivré des attestations faisant état du respect, par plusieurs fournisseurs en cause, de leurs obligations déclaratives. Toutefois, la société requérante n'établit ni même n'allègue que les attestations de régularité fiscale délivrées par l'administration, datées du 19 novembre 2013 et du 1er avril 2014, s'agissant de la société Crown Multimedia, du 1er août 2014, s'agissant de la société Enoves, et du 29 novembre 2013 et du 7 mars 2014, s'agissant de la société Display Pro, se bornant à indiquer que ces sociétés sont " en règle au regard des obligations fiscales " leur incombant, et qui étaient fondées sur les seules informations dont disposait, à la date de la signature de ces attestations, l'administration fiscale, concernant le dépôt, par ces sociétés, de déclarations de taxe sur la valeur ajoutée et le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée au 31 décembre précédant la date de délivrance de ces attestations, comporteraient des mentions contradictoires avec les indices ultérieurement relevés par le service, qui lui ont permis d'établir l'implication de ces sociétés dans un circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée. En effet, d'une part, quatre des cinq attestations délivrées portent sur des périodes qui ne sont pas en litige. D'autre part, l'attestation du 7 mars 2014 concernant la société Display Pro, selon laquelle cette société était en règle au regard de son obligation de déposer ses déclarations au titre de la taxe sur la valeur ajoutée à la date du 31 décembre 2013, ne comporte aucune appréciation du service, fût-elle implicite, selon laquelle les déclarations déposées ne seraient pas entachées de mentions erronées ou frauduleuses. Dès lors, la délivrance de ces attestations, qui n'est pas fautive, ne faisait nullement obstacle à ce que l'administration fiscale assujettît ultérieurement la société Nes Informatique, à l'issue de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, compte tenu notamment des fraudes commises par ces trois fournisseurs, constatées dans les propositions de rectification qui leur ont adressées respectivement le 21 août 2015, le 29 juillet 2015 et le 24 novembre 2015 et alors que la requérante disposait, ainsi qu'il a été dit précédemment, de nombreux indices qui auraient dû lui permettre de soupçonner la fraude commise par les sociétés en cause, aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, lesquels sont, ainsi qu'il a été dit précédemment, à bon droit fondés, en application des dispositions du 3 de l'article 272 du code général des impôts, sur le motif selon lequel elle savait ou ne pouvait ignorer qu'elle participait, par ses achats auprès de ces fournisseurs, à un circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée. Par suite, le moyen doit être écarté.
S'agissant des diligences mises en œuvre par la société Nes Informatique à l'égard d'un autre de ses fournisseurs :
39. La société soutient que les diligences mises en œuvre à l'égard d'un autre de ses fournisseurs, la société PCA France, l'ont conduite à cesser sa collaboration avec cette société. Toutefois, cette seule circonstance, à la supposer établie, ne permet pas de remettre en cause les éléments dont se prévaut l'administration fiscale, mentionnés précédemment, qui établissent que la société Nes Informatique n'a pas mis en œuvre, dans ses relations avec les sociétés Crown Multimedia, Alpha Technology, Enoves et Display Pro, les diligences de nature à prévenir sa participation à une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée. Par suite, le moyen doit être écarté.
S'agissant des dispositions de l'article 36 bis de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 :
40. Si la société Nes Informatique soutient que la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 comporte désormais un article 36 bis concernant les " opérations en chaîne ", introduit par la directive 2018/1910 du 4 décembre 2018, soit postérieurement à la période d'imposition en litige, cette circonstance est en tout état de cause sans incidence sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige.
En ce qui concerne l'interprétation de la loi fiscale :
41. La société Nes Informatique n'est pas fondée à soutenir que l'administration fiscale aurait méconnu la doctrine référencée BOI-TVA-DED-10-30, en ses paragraphes 30 à 50, dès lors qu'elle ne contient pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application.
Sur les pénalités :
42. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré [...] ".
43. L'administration fiscale fait valoir que la société Nes Informatique, d'une part, a participé à un circuit de facturation destiné à rompre la chaîne de la taxe sur la valeur ajoutée, d'autre part, que les conditions d'exploitation de ses fournisseurs auraient dû attirer son attention et qu'elle n'a pas procédé aux diligences nécessaires afin de s'assurer qu'ils n'étaient pas impliqués dans une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée. Eu égard à l'analyse développée précédemment, c'est à bon droit que l'administration fiscale a fait application de la majoration prévue par les dispositions du a de l'article 1729 du code général des impôts lorsque le manquement délibéré est établi, et a donc assorti les rehaussements en cause de la majoration au taux de 40 % prévue par ces dispositions.
44. Il résulte de tout ce qui précède que la société Nes Informatique n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
45. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Nes Informatique demande au titre des frais liés à l'instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Nes Informatique est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Nes Informatique et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressé à la direction nationale d'enquêtes fiscales.
Délibéré après l'audience du 17 février 2022, où siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- M. Aggiouri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mars 2022.
Le rapporteur,
K. AGGIOURILa présidente,
H. VINOT
La greffière,
F. DUBUY-THIAM
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA03779