Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 30 novembre 2016, la société Patchwork Wholesale, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1520602 du 28 septembre 2016 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et 2012 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 013 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle est éligible au dispositif du crédit impôt collection prévu pour les entreprises du secteur textile-habillement-cuir ;
- elle doit être assimilée à une société industrielle disposant de la complète maîtrise de l'ensemble des opérations de conception et de production de ses collections ;
- elle est fondée à se prévaloir des énonciations de la doctrine référencée 4 A-4151, n° 3 du 9 mars 2001, reprise dans la documentation BOI-B1C-RICI-10-l0-40, n° 30 du 12 septembre 2012.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par la société Patchwork Wholesale ne sont pas fondés ;
- la société ne justifie pas en quoi les dépenses exposées correspondent à des travaux liés à la mise au point d'une gamme nouvelle de produits.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Poupineau,
- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Patchwork Wholesale, qui a pour objet la distribution de tout article de prêt-à-porter sous la marque " Daniel Crémieux ", a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle le service a remis en cause, au titre notamment des exercices clos en 2011 et 2012, les crédits d'impôt recherche d'un montant total de 83 176 euros correspondant à des dépenses de collection exposées au cours de ces deux années, dont la société avait bénéficié, au motif que celle-ci n'exerçait pas d'activité industrielle de production au sens du h du II de l'article 244 quater B du code général des impôts. La société Patchwork Wholesale fait appel du jugement en date du 28 septembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a, en conséquence de ces rectifications, été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et 2012.
Sur l'application de la loi fiscale :
2. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur : " I. Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A, 44 decies, 44 undecies , 44 duodecies, 44 terdecies et 44 quaterdecies peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. (....) II Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : (. . .) h) Les dépenses liées à l'élaboration de nouvelles collections exposées par les entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir (....) ".
3. Il résulte de ces dispositions que le bénéfice du crédit d'impôt recherche est ouvert, sur le fondement du h du II de l'article 244 quater B du code général des impôts, aux entreprises du secteur textile-habillement-cuir qui exercent une activité industrielle. Ont un caractère industriel, au sens de ces dispositions, les entreprises exerçant une activité qui concourt directement à la fabrication ou à la transformation de biens corporels mobiliers et pour laquelle le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en oeuvre est prépondérant.
4. Il appartient au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction dont le litige qui lui est soumis a fait l'objet, qu'une entreprise remplit ou non les conditions lui permettant de bénéficier du crédit d'impôt prévu au h du II de l'article 244 quater B du code général des impôts.
5. La société requérante soutient qu'elle est éligible au crédit d'impôt recherche pour les dépenses liées à l'élaboration de nouvelles collections prévu en faveur des entreprises du secteur cuir-habillement-textile, dès lors qu'elle doit être assimilée à une société industrielle disposant de la complète maîtrise de l'ensemble des opérations de conception et de production de ses collections. Il résulte, toutefois, de l'instruction que la société Patchwork Wholesale, qui a pour raison sociale la distribution de vêtements, exerce une activité de conception et de commercialisation d'articles de prêt-à-porter masculin dont elle confie l'entière fabrication à des sous-traitants établis à l'étranger, qui acquièrent les matières premières nécessaires à la confection des créations de la société directement auprès de fournisseurs locaux. A cet égard, l'administration relève sans être contredite, notamment dans la proposition de rectification du 11 décembre 2014, que la société ne dispose pas de lieu ni de matériel de production des marchandises qu'elle commercialise, qu'elle n'emploie pas de technicien de production ni de personnel travaillant à la fabrication et qu'elle n'a, au titre des exercices en litige, comptabilisé ni achat ni stock de matières premières. Dans ces conditions, elle ne peut être regardée comme exerçant une activité concourant directement à la fabrication ou à la transformation de biens corporels mobiliers. Par suite, le service a pu légalement considérer que la société Patchwork Wholesale n'exerçait pas une activité industrielle au sens des dispositions du h du II de l'article 244 quater B du code général des impôts et qu'elle ne pouvait, dès lors, pas bénéficier du crédit d'impôt recherche qu'elles prévoient pour les dépenses liées à l'élaboration de nouvelles collections.
Sur l'interprétation de la loi fiscale :
6. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'Administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et qu'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'Administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'Administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente ".
7. La société se prévaut, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations de la doctrine référencée BOI-BIC-RICI-10-10-40 n° 30 du 12 septembre 2012 selon lesquelles " les entreprises industrielles qui sous-traitent leur fabrication à des tiers peuvent bénéficier du crédit d'impôt. Le bénéfice du dispositif ne peut donc être refusé aux entreprises ayant recours à la sous-traitance dès lors qu'elles sont propriétaires de la matière première et qu'elles assurent tous les risques de la fabrication et de la commercialisation ". Il résulte toutefois de l'instruction que la société requérante a confié la réalisation des prototypes et des articles de mode qu'elle commercialise à des façonniers établis au Portugal et en Italie, qui achètent auprès de fournisseurs locaux les tissus et autres matières premières nécessaires à la confection des collections de la société Patchwork Wholesale. A cet égard, il ressort des mentions des déclarations de résultats versées au dossier, que celle-ci n'a, au titre des exercices concernés, comptabilisé ni achat ni stock de tissus. Ainsi, elle ne peut être regardée comme propriétaire de la matière première au sens de la doctrine précitée alors même, qu'ainsi qu'elle l'allègue, elle sélectionne l'intégralité des matières premières achetées en son nom par ses sous-traitants et qu'elle supporterait l'éventuelle charge correspondant aux coupons inutilisés. Par ailleurs, il n'est pas établi qu'elle assurerait tous les risques liés à la fabrication et à la commercialisation des vêtements produits. Par suite, le moyen tiré de l'application des dispositions précitées de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales doit être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la demande de substitution de motif présentée par le ministre de l'action et des comptes publics, que la société Patchwork Wholesale n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Patchwork Wholesale est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Patchwork Wholesale et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Île de France et du département de Paris (Pôle fiscal parisien 2).
Délibéré après l'audience du 4 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Poupineau, président assesseur,
- Mme Lescaut, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 octobre 2018.
Le rapporteur,
V. POUPINEAULe président,
S.-L. FORMERY
Le greffier,
N. ADOUANE
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA03519