Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 juin 2017, Mme C...A..., représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1502584 du 4 mai 2017 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010, 2011 et 2012 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la somme de 75 000 euros, inscrite par erreur sur le compte courant d'associé ouvert à son nom dans les écritures de la société Paris Lotus, correspond au versement d'une indemnité versée à la société Paris Lotus en contrepartie de la résiliation anticipée du bail commercial loué pour l'exploitation de son fonds de commerce niçois aux termes d'un protocole d'accord du 29 octobre 2010 ; seul le solde de ce compte de 9 058 euros était susceptible d'être distribué après extourne de la somme totale de 75 000 euros ;
- le règlement en espèces des factures qu'elle a acquittées en 2011 pour le compte de la société Paris Lotus pour un montant total de 310 000 euros aurait dû être comptabilisé sur le compte courant d'associé ouvert à son nom dans les écritures de la société Paris Lotus, dès lors qu'elle a procédé au règlement d'un fournisseur de la société et que ces espèces proviennent de la vente pour un montant identique d'un bien immobilier lui appartenant au Vietnam ;
- la société Paris Lotus n'a consenti aucune libéralité à la société civile immobilière (SCI) Mai dès lors qu'une convention de prêt a été régularisée entre les deux sociétés et que ce prêt a été remboursé, les dépenses correspondant à ce prêt n'ayant par ailleurs pas été déduites du résultat de la société Paris Lotus ;
- la pénalité de 40 % pour manquement délibéré appliquée aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée déductible sur les dépenses de matériaux et les travaux acquittés par la société Paris Lotus pour l'aménagement en hôtel d'un immeuble propriété de la société civile immobilière Mai n'est pas justifiée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mars 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par Mme C... A...ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées de ce que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, tiré de ce que l'administration ne pouvait faire application de la majoration de 25 % prévue au 7 de l'article 158 du code général des impôts pour déterminer la base imposable des contributions sociales auxquelles Mme C...A...a été assujettie au titre des années 2010, 2011 et 2012, en raison de la réserve d'interprétation portant sur l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale émise par le Conseil Constitutionnel dans sa décision n° 2016-610 QPC du 10 février 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lescaut,
- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., représentant Mme C...A....
Considérant ce qui suit :
1. La société Paris Lotus, dont Mme C...A...est l'unique associée gérante, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à la suite de laquelle le service a, par propositions de rectification des 9 septembre 2013 et 28 janvier 2014, imposé à l'impôt sur le revenu Mme C...A..., dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et selon la procédure contradictoire, les sommes de 40 000 euros et de 35 000 euros inscrites en 2010 et 2011 au compte courant d'associé ouvert à son nom dans les écritures de cette société, ainsi que des distributions en provenance de la société civile immobilière Mai. Mme C...A...fait appel du jugement du 4 mai 2017 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010, 2011 et 2012.
Sur le bien fondé des impositions en litige :
En ce qui concerne les distributions de la société Paris Lotus :
2. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : "1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (...) ".
3. Les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé ont, sauf preuve contraire apportée par l'associé titulaire du compte, le caractère de revenus imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
4. L'administration a regardé comme des revenus distribués au titre des années 2010 et 2011 par la société Paris Lotus à Mme C... A...les sommes de 40 000 euros et de 35 000 euros respectivement créditées les 29 octobre 2010 et 7 janvier 2011 sur le compte courant ouvert au nom de l'intéressée dans les écritures de la société. Le service a, en effet, constaté qu'au cours des exercices clos en 2010 et 2011, la société Paris Lotus avait inscrit au crédit de ce compte courant d'associé le montant de deux chèques correspondant à ces montants qu'il a regardés comme des passifs injustifiés ayant eu pour effet de diminuer d'autant l'actif net de la société Paris Lotus et de réduire son résultat imposable, et qu'il a en conséquence réintégrés dans le résultat imposable de ces deux exercices sur le fondement du 2 de l'article 38 du code général des impôts.
5. Pour contester la taxation dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers de ces deux sommes de 40 000 euros et 35 000 euros, Mme C... A...soutient que la société Paris Lotus a conclu un protocole d'accord le 29 octobre 2010 aux termes duquel le bailleur du local commercial exploité par la société à Nice lui a versé en deux règlements une indemnité d'éviction d'un montant total de 75 000 euros en contrepartie de la résiliation anticipée de son bail commercial, et fait valoir que l'inscription de ces deux sommes sur son compte courant d'associé relève d'une erreur comptable dont elle ignorait l'existence. Il est cependant constant que le versement de cette indemnité n'a pas été comptabilisé en produit des deux exercices de la société, et que la sortie du droit au bail n'a fait l'objet d'aucune écriture aux bilans de la société, alors que, par ailleurs, Mme C...A..., en sa qualité d'unique associée gérante de celle-ci, connaissait les écritures comptables de cette entreprise. Ainsi, et contrairement à ce qu'elle soutient, à la date de la clôture des exercices 2010 et 2011, Mme C... A...bénéficiait pour un montant total de 75 000 euros de sommes inscrites au crédit de son compte courant d'associé, lesquelles sont présumées constituer des revenus distribués imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Celle-ci n'est dès lors pas fondée à contester l'appréhension des revenus en litige au motif que les revenus distribués auraient dû être limités au solde de son compte courant d'associé, alors qu'ainsi qu'il vient d'être dit le service a imposé la contribuable sur les deux sommes de 40 000 euros et de 35 000 euros en litige et non sur le montant du solde du compte courant d'associé de Mme C... A...constaté à la clôture des deux exercices 2010 et 2011. Si cette dernière soutient également que les sommes en cause correspondent au remboursement de dépenses qu'elle a elle-même réglées pour le compte de cette société, et produit diverses pièces au soutien de ses allégations, elle n'apporte toutefois aucun élément de nature à justifier la réalité des règlements invoqués.
En ce qui concerne les distributions perçues en provenance de la société Mai :
6. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (...) ". Aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : a. Sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes (...) ".
7. Il résulte de la proposition de rectification adressée à Mme C...A...que la société Paris Lotus a réglé des factures pour un montant total de 262 168,75 euros au titre de l'année 2010, et de 150 367,43 euros au titre de l'année 2011, qui, bien que libellées au nom de la société Paris Lotus, concernaient l'achat de matériaux ainsi que des prestations de travaux réalisées pour l'aménagement en hôtel d'un immeuble de deux étages sis à Villejuif, propriété de la société civile immobilière (SCI) Mai, dont Mme C...détient 30 % des parts sociales. Le service a ainsi considéré qu'aux termes des travaux effectués, la SCI Mai était propriétaire par accession des matériaux et services incorporés à l'immeuble, acquittés par la société Paris Lotus. Il en a, déduit que les sommes mentionnées sur les factures avaient été désinvesties par la société Paris Lotus et que la requérante avait ainsi bénéficié de revenus distribués, mis à sa disposition pour la fraction correspondant à ses parts sociales dans le capital de la SCI, imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, et du a de l'article 111 du même code, pour des montants de 78 651 euros au titre de l'année 2010 et de 45 110 euros au titre de l'année 2011.
8. Mme C...A...conteste la libéralité qui aurait été consentie par la société Paris Lotus à la société civile immobilière Mai en se prévalant de la régularisation d'une convention de prêt entre ces deux sociétés de nature à traduire l'existence d'une dette de la SCI envers la société Paris Lotus, et du remboursement par la SCI Mai des dépenses supportées par la société Paris Lotus dans le cadre de ce prêt. Il résulte, toutefois, de l'instruction que, d'une part, aucune déclaration de contrat de prêt n'a été déposée auprès du service, et que, d'autre part, ni l'attestation de l'expert comptable de la société Paris Lotus du 31 mars 2017, ni l'extrait du compte de bilan 467100 ne sont de nature à démontrer que les virements effectués par cette SCI correspondent au remboursement de la dette contractée à l'égard de la société Paris Lotus au titre des travaux réalisés pour l'aménagement en hôtel de l'immeuble sis à Villejuif. Par suite, les sommes en litige représentent un revenu distribué au profit de la SCI et donc de Mme C... A..., associée de cette société, sans que l'intéressée ne puisse se prévaloir d'une absence, au demeurant non démontrée, de déduction dans les résultats des exercices en litige de la société Paris Lotus, des sommes ainsi réglées. C'est donc à bon droit qu'elles ont été imposées en qualité de revenus de capitaux mobiliers à hauteur des parts sociales détenues par la requérante.
En ce qui concerne les contributions sociales :
9. Ainsi que les parties en ont été informées par lettre du 27 septembre 2018, il a lieu de prononcer la décharge en droits et pénalités des contributions sociales mises à la charge de Mme C...A..., correspondant à la différence entre les prélèvements sociaux calculés sur une assiette majorée de 25 % et les impositions calculées sur le rehaussement non majoré, pour tenir compte des réserves d'interprétation des dispositions du 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts émises par le Conseil constitutionnel dans sa décision 2016-610 QPC du 10 février 2017.
Sur la pénalité infligée à la société Paris Lotus :
10. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ;
11. Mme C...A...conteste l'application de la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts, aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée déductible sur les dépenses de matériaux et les travaux acquittés par la société Paris Lotus pour l'aménagement en hôtel d'un immeuble propriété de la société civile immobilière Mai. Toutefois, dès lors que cette majoration concerne la société Paris Lotus, la demande de Mme C...tendant à la décharge de cette pénalité ne peut qu'être rejetée comme inopérante.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...A...est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté la totalité des conclusions de sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée par Mme C...A...sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Mme C...A...est déchargée, en droits et pénalités, des contributions sociales mises à sa charge, correspondant à la différence entre les prélèvements sociaux calculés sur une assiette majorée de 25 % et les impositions calculées sur le rehaussement non majoré, pour tenir compte des réserves d'interprétation des dispositions du 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts émises par le Conseil constitutionnel dans sa décision 2016-610 QPC du 10 février 2017.
Article 2 : Le jugement n° 1502584 du 4 mai 2017 du Tribunal administratif de Melun est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C...A...est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C...A...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal parisien 1).
Délibéré après l'audience du 4 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Poupineau, président assesseur,
- Mme Lescaut, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 octobre 2018.
Le rapporteur,
C. LESCAUTLe président,
S.-L. FORMERY
Le greffier,
N. ADOUANE
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA02147