Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 19 juillet 2017, et des mémoires, enregistrés le 21 novembre 2017 et le 31 août 2018, M. et MmeA..., représentés par Me B..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1504905 du 15 juin 2017 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2010, ainsi que des intérêts de retard et des pénalités correspondants ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la question du fait générateur de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts a été tranchée par le Conseil d'Etat par une décision n° 398405 du 26 avril 2017 ; il n'y a donc plus de litige sur ce point ;
- le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité en ce qu'il n'a pas répondu au moyen soulevé devant lui tiré du caractère inopposable des attestations transmises par le directeur commercial et clientèle de la société Electricité de France, qui ont été obtenues dans des conditions irrégulières ;
- les attestations transmises par le directeur commercial et clientèle de la société Electricité de France ont été obtenues dans des conditions irrégulières et sont donc inopposables dès lors que les dispositions légales relatives au droit de communication ne permettent pas à l'administration, sauf à méconnaître le principe de l'égalité des armes résultant des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, d'exiger d'un tiers un témoignage écrit attestant d'une information ;
- la procédure utilisée par l'administration excède l'exercice du droit de communication ; les articles L. 81, L. 83, L. 85 et L. 102 B du livre des procédures fiscales autorisaient seulement l'administration à prendre copie de documents, en application de l'article R. 81-4 du même livre, et non à exiger des attestations ; les attestations d'Electricité de France, qui résultent d'un travail élaboré de cette société à la demande de l'administration, ont ainsi été obtenues illégalement et ne leur sont pas opposables ; ils sont fondés à se prévaloir de la doctrine BOI-CF-COM-10-10-20120912 n° 90 ;
- les attestations transmises par le directeur commercial et clientèle de la société Electricité de France sont dépourvues de valeur probante et inopposables dès lors qu'elles n'ont pas été signées par leur auteur, ne font pas apparaître l'identité et la fonction de leur signataire et ne font pas référence à une délégation de signature de l'auteur de l'attestation ; l'administration n'ayant produit que ce seul mode de preuve, elle n'établit pas l'absence de réalisation du fait générateur de la réduction d'impôt ;
- en leur opposant ces documents, l'administration a méconnu le principe de l'égalité des armes résultant de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que les informations dont ils peuvent avoir connaissance sont limitées aux informations délivrées par la société achetant 1'investissement, et qu'il ne résulte d'aucune disposition du code général des impôts que la société locataire de l'investissement doit transmettre à la société propriétaire ou à l'associé investisseur la date à laquelle elle utilise effectivement le bien loué ou en tire des revenus ; il leur est ainsi impossible d'apporter la preuve de la réalisation des investissements acquis par les sociétés dans lesquelles ils sont associés et d'obtenir les documents que le service leur oppose ; l'administration ne pouvait exiger la preuve du raccordement au réseau électrique dès lors que les obligations déclaratives de l'investisseur ne portent pas sur la date de réalisation de l'investissement productif, et se limitent à joindre à ses déclarations une fiche de calcul et l'état prévu par les dispositions de l'article 95 T de l'annexe II au code général des impôts.
Par des mémoires enregistrés les 2 octobre 2017 et 9 mars 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme A...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la décision du Conseil d'Etat n° 398405 du 26 avril 2017 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Poupineau,
- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A...ont, sur le fondement des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, imputé sur leur impôt sur le revenu de l'année 2010 une réduction d'impôt d'un montant de 28 122 euros, résultant d'investissements productifs réalisés à la Réunion par les sociétés en participation (SEP) Sunra Fluide 1154, Sunra Fluide 1155 et Sunra Fluide 1156, dont M. A...était l'un des associés, et qui consistaient en l'acquisition de centrales photovoltaïques données ensuite en location à des exploitants locaux. A l'issue du contrôle sur pièces de la déclaration de revenus de M. et MmeA..., l'administration fiscale a remis en cause la réduction d'impôt dont les contribuables avaient ainsi entendu bénéficier au motif que les investissements ne pouvaient être regardés comme ayant été réalisés au sens du I de l'article 199 undecies B. Elle a, en conséquence de la reprise de cet avantage fiscal, assujetti M. et Mme A...à une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu assortie des intérêts de retard et de la majoration de 10% prévue à l'article 1758 A du code général des impôts. Les requérants font appel du jugement en date du 15 juin 2017 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à la décharge de cette imposition et des intérêts de retard et pénalités correspondants.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. M. et Mme A... soutiennent que le tribunal administratif n'a pas suffisamment motivé sa réponse au moyen qu'ils avaient soulevés devant lui tiré de ce que les attestations transmises par le directeur commercial et clientèle d'Electricité de France leur étaient inopposables dès lors que l'administration ne disposait, dans le cadre de son droit de communication, d'aucune base légale pour exiger de la société Electricité de France (EDF) la production de ces attestations. Toutefois, il ressort des mentions du jugement attaqué que les premiers juges ont écarté ce moyen en relevant que, si les informations avaient été remises à l'administration fiscale sous une forme déterminée par elle, par le renseignement de tableurs joints à sa demande avec l'ajout de la date de mise en production et d'une colonne d'informations, cette circonstance était sans incidence sur le contenu des informations, puisque relative à leur seule présentation, et n'était pas de nature à permettre d'établir que la fourniture de ces informations, qui n'avaient pas fait l'objet de retraitements ni de comparaisons avec d'autres données, en particulier comptables, avait nécessité de la part d'EDF des investigations particulières. Ils ont également considéré que le moyen tiré de ce que les attestations produites par la société EDF ne seraient pas opposables aux contribuables, dès lors que le droit de communication ne permettait pas d'exiger de telles attestations, était, en tout état de cause, sans incidence. Ils en ont enfin déduit que devait être écarté le moyen tiré de ce que l'administration avait excédé les pouvoirs que lui conférait le droit de communication mentionné à l'article L. 81 du livre des procédures fiscales. Ils ont, ainsi, suffisamment motivé leur jugement sur ce point.
Sur le bien fondé du jugement :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 81 du livre des procédures fiscales : " Le droit de communication permet aux agents de l'administration, pour l'établissement de l'assiette et le contrôle des impôts, d'avoir connaissance des documents et des renseignements mentionnés aux articles du présent chapitre dans les conditions qui y sont précisées (...) ". Aux termes de l'article L. 83 du même livre : " Les administrations de l'État, des départements et des communes, les entreprises concédées ou contrôlées par l'État, les départements et les communes, ainsi que les établissements ou organismes de toute nature soumis au contrôle de l'autorité administrative, doivent communiquer à l'administration, sur sa demande, les documents de service qu'ils détiennent sans pouvoir opposer le secret professionnel, y compris les données conservées et traitées par les opérateurs de communications électroniques dans le cadre de l'article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques et les prestataires mentionnés aux 1 et 2 du I de l'article 6 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique ". Aux termes de l'article R. 81-4, alors en vigueur, du même livre : " Les agents de l'administration peuvent prendre copie des documents dont ils ont connaissance en application de l'article L. 81 ".
4. Il résulte de ces dispositions que le droit de communication reconnu à l'administration fiscale par les articles L. 81 et suivants du livre des procédures fiscales a seulement pour objet de lui permettre, pour l'établissement et le contrôle de l'imposition d'un contribuable, de demander à un tiers ou, éventuellement au contribuable lui-même, sur place ou par correspondance, de manière ponctuelle, des renseignements disponibles sans que cela nécessite d'investigations particulières ou, dans les mêmes conditions, de prendre connaissance et, le cas échéant, copie de certains documents existants qui se rapportent à l'activité professionnelle de la personne auprès de laquelle ce droit est exercé. Ce droit de communication ne s'exerce que sur des documents de service que les personnes destinataires des demandes de l'administration fiscale détiennent du fait de leur activité. Un document de service au sens des dispositions précitées de l'article L. 83 du livre des procédures fiscales s'entend de tout document élaboré dans le cadre des missions de l'organisme à raison desquelles celui-ci est regardé comme soumis au contrôle de l'autorité administrative.
5. Il résulte de l'instruction que les demandes adressées à la société EDF se limitaient aux seuls éléments d'information de nature à établir le raccordement effectif des installations en litige au réseau électrique. Or, les données brutes reportées dans les tableurs fournis par l'administration à la société EDF étaient détenues par celle-ci dans le cadre de ses obligations de service. Il suit de là que les documents et renseignements ainsi transmis à l'administration n'ont nécessité ni retraitement de données ni investigations particulières de la part de l'opérateur. Ils entraient, dès lors, dans la catégorie des documents de service au sens des dispositions de l'article L. 83 précitées du livre des procédures fiscales. A cet égard, la circonstance que les informations ont été remises à l'administration sous une forme déterminée par elle, relative à la seule présentation des documents, soit comme il a été dit sous forme de tableurs et d'attestations, est sans incidence sur la nature et le contenu des informations communiquées, qui ne résultent pas d'un retraitement de données ou d'investigations particulières.
6. Par ailleurs, les requérants ne peuvent se prévaloir des dispositions précitées de l'article R. 81-4 du livre des procédures fiscales qui, si elles autorisaient l'administration à prendre copie de documents de service, ne lui interdisaient pas d'obtenir les informations demandées sous une autre forme.
7. Il s'ensuit que les moyens tirés d'une part, de ce que l'administration aurait irrégulièrement exercé le droit de communication mentionné à l'article L. 81 du livre des procédures fiscales, et de ce que les attestations transmises à l'administration par la société EDF auraient été obtenues irrégulièrement, en l'absence de dispositions autorisant l'administration fiscale, dans le cadre de l'exercice de son droit de communication, à solliciter d'un tiers de telles attestations, et d'autre part, de ce que l'exercice du droit de communication ne peut avoir qu'un caractère passif doivent être écartés.
8. En deuxième lieu, l'administration a procédé aux rectifications en litige au motif que les investissements en cause n'avaient pas été réalisés au 31 décembre 2010. Elle a étayé ce motif en se prévalant de l'absence, à cette date, de raccordement des installations au réseau public d'électricité et de délivrance de l'attestation de conformité du Comité national pour la sécurité des usagers de l'électricité (CONSUEL). Dès lors que la réduction d'impôt dont se prévalent les requérants est subordonnée à la réalisation d'une condition objective, il leur appartient de produire tout justificatif de nature à remettre en cause les éléments avancés par l'administration, eux-mêmes de nature à faire douter de la réalisation effective, au cours de l'année 2010, des investissements concernés. M. et Mme A... ne contestent pas utilement la remise en cause de la réduction d'impôt en litige en se bornant à invoquer l'absence de valeur probante des indices relevés par l'administration. Par suite, les moyens tirés de ce que les attestations obtenues par l'administration dans l'exercice de son droit de communication ne sont corroborées par aucune pièce attestant de la date de réception des dossiers complets, de ce que ces attestations sont, en l'absence de certaines mentions et faute d'identification possible de leur signataire, dépourvues de valeur probante et de ce qu'en conséquence l'administration n'apporte pas la preuve de l'absence de fait générateur de la réduction d'impôt ne peuvent qu'être écartés.
9. En troisième lieu, M. et Mme A... ne peuvent utilement se prévaloir des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et invoquer, sur ce fondement, l'atteinte au principe d'égalité des armes pour contester la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu devant le juge de l'impôt, qui procède de la remise en cause d'une réduction d'impôt, dès lors que ces stipulations ne sont applicables qu'aux procédures contentieuses suivies devant les juridictions lorsqu'elles statuent sur des droits et obligations de caractère civil ou sur des accusations en matière pénale.
10. En dernier lieu, la doctrine administrative référencée BOI-CF-COM-10-10-20120912 n° 90 dont se prévalent les requérants, ayant uniquement trait à la procédure d'imposition, ne peut être utilement invoquée sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C...A...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (Pôle fiscal parisien 1).
Délibéré après l'audience du 4 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Poupineau, président assesseur,
- Mme Lescaut, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 octobre 2018.
Le rapporteur,
V. POUPINEAULe président,
S.-L. FORMERY
Le greffier,
N. ADOUANE
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA02470