Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 4 mai 2018, la société Ebrex Développement, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Melun n° 1507737 du 8 mars 2018 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige et des intérêts de retard correspondants ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 013 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa filiale à 100 %, la société Ebrex France, était sous procédure de sauvegarde depuis un jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 9 octobre 2008 ;
- par une convention du 12 août 2010, la société Ebrex France s'est engagée à lui verser la somme mensuelle de 50 000 euros hors taxe en contrepartie de diverses prestations de services ;
- en raison des difficultés financières de la société Ebrex France, les 5 factures déjà émises en décembre 2010 ont toutefois été annulées en application d'un avenant du 30 décembre 2010 et un avoir a été émis ;
- cet avenant prévoyait en outre une franchise de facturation jusqu'au 1er mars 2011 et le versement de la société Ebrex France à la société Ebrex Développement d'un dépôt de garantie de 350 000 euros ;
- l'administration ne pouvait juger de l'opportunité de ses décisions de gestion ;
- compte tenu de l'annulation des factures en cause, elle détenait, en application de l'article 272-1 du code général des impôts, un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 49 000 euros correspondant à la taxe acquittée à tort qu'elle était dès lors en droit d'imputer sur la taxe collectée au titre de la période suivante ;
- le fait pour une société mère d'assainir la situation financière de sa filiale ne constitue pas un acte anormal de gestion ;
- l'absence de facturation pour les mois de janvier et février 2011 des prestations réalisées est sans incidence sur la régularité de sa comptabilité, qui n'a d'ailleurs pas été remise en cause par le vérificateur ;
- l'avenant du 30 décembre 2010 n'est constitutif ni d'une fraude, ni d'un acte anormal de gestion ;
- les aides accordées avaient pour objet de prévenir une dévalorisation des titres de sa filiale ;
- en tout état de cause, seul le prix de revient réel des services facturés aurait dû être réintégré à ses résultats
- l'avenant du 30 décembre 2010 opère une novation conforme aux articles 1271 et suivants du code civil ;
- le rappel de taxe sur la valeur ajoutée n'étant pas fondé, le profit sur le Trésor ne l'est pas non plus.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 juillet 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête de la société Ebrex Développement.
Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales,
- le code civil,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Doré,
- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Ebrex Développement, société holding détenant la société Ebrex France qui a notamment pour activité le transport frigorifique, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a mis à sa charge une cotisation d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos le 28 février 2011 et un rappel de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er mars 2011 au 29 février 2012. Elle fait appel du jugement en date du 8 mars 2018 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande de décharge de ces impositions et des intérêts de retard correspondants.
Sur le rappel de taxe sur la valeur ajoutée :
2. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période de taxation en litige : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée (...) les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ". Aux termes de l'article 269 de ce code, dans sa rédaction applicable à la période de taxation en litige : " 1 Le fait générateur de la taxe se produit : / a) Au moment où (...) la prestation de services est effectué / (...) 2. La taxe est exigible : / (...) c) Pour les prestations de services (...), lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits (...) ". Aux termes de l'article 272 du même code, dans sa rédaction applicable à la période de taxation en litige : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a été perçue à l'occasion de ventes ou de services est imputée ou remboursée dans les conditions prévues à l'article 271 lorsque ces ventes ou services sont par la suite résiliés ou annulés (...) / L'imputation ou la restitution est subordonnée à la justification, auprès de l'administration, de la rectification préalable de la facture initiale (...) ".
3. La société Ebrex Développement a, sur le fondement d'une convention d'assistance conclue le 12 août 2010, perçu de sa filiale, la société Ebrex France, une somme de 299 000 euros toutes taxes comprises en paiement de diverses prestations de service qu'elle a réalisées au cours des mois d'août à décembre 2010. La société requérante a facturé et collecté la taxe sur la valeur ajoutée au titre de ces prestations et a mentionné la somme de 49 000 euros dans sa déclaration de taxe sur la valeur ajoutée du mois de décembre 2010. Conformément à une nouvelle convention conclue le 30 décembre 2010 entre les sociétés Ebrex France et Ebrex Développement, cette dernière a annulé les factures émises et a établi un avoir de 299 000 euros toutes taxes comprises au profit de sa filiale.
4. S'il n'est pas contesté que la société Ebrex Développement a établi une note d'avoir au profit de sa filiale correspondant au montant toutes taxes comprises des factures payées par celle-ci, il est cependant constant que les prestations de service correspondantes ont été intégralement exécutées et que la somme de 299 000 euros a été conservée par la société Ebrex Développement. Dans ces conditions, alors même que cette somme a été qualifiée, en application de la convention du 30 décembre 2010, de " dépôt de garantie " et a été comptabilisée ainsi, les prestations de service en cause ne peuvent être regardées comme ayant été annulées au sens des dispositions précitées du 1 de l'article 272 du code général des impôts. Par suite, la société Ebrex Développement n'est pas fondée à soutenir qu'elle était titulaire d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 49 000 euros. Dès lors, l'administration était fondée à rappeler la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle avait irrégulièrement déduite de la taxe collectée au titre de la période du 1er mars 2011 au 29 février 2012.
Sur l'impôt sur les sociétés :
5. En premier lieu, en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale. Les abandons de recettes accordés par une entreprise au profit d'un tiers ne relèvent pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages, l'entreprise a agi dans son propre intérêt. S'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu'un abandon de recettes consenti par une entreprise à un tiers constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties.
6. La société Ebrex Développement a, par une convention conclue le 30 décembre 2010 avec sa filiale, la société Ebrex France, renoncé à la somme de 250 000 euros hors taxe qui lui avait été payée au titre de prestations de service qu'elle avait réalisées au cours de la période allant du mois d'août au mois de décembre 2010 et annulé les factures correspondantes. Elle a également renoncé à facturer la somme de 100 000 euros se rapportant aux prestations devant être réalisées au cours des mois de janvier et février 2011. L'administration a estimé qu'elle avait ainsi accompli des actes anormaux de gestion dès lors qu'elle ne justifiait pas de l'existence d'une contrepartie à ces abandons de recettes.
7. La société requérante fait valoir que la société Ebrex France faisait l'objet d'une procédure de sauvegarde ouverte par un jugement du Tribunal de commerce de Nanterre du 9 octobre 2008 et qu'elle a consenti cet abandon pour ne pas aggraver sa situation financière.
8. Toutefois, ainsi que le fait valoir l'administration, la société Ebrex Développement ne justifie pas que sa filiale avait des difficultés de trésorerie, alors que celle-ci avait payé la somme de 250 000 euros correspondant aux prestations réalisées au cours des mois d'août à décembre 2010. En outre, elle n'établit pas que les abandons de recettes en litige avaient pour objet d'améliorer sa situation financière. Au contraire, il résulte de l'instruction que la somme de 250 000 euros n'a pas été restituée à la société Ebrex France mais a été conservée par la société requérante sous la forme d'un dépôt de garantie, ce qui lui a permis de déclarer un résultat déficitaire. Ni le motif de ce dépôt de garantie, ni son intérêt pour la société Ebrex France ne sont expliqués. Enfin, la société Ebrex Développement n'établit ni même n'allègue que l'opération résultant de la convention du 30 décembre 2010 s'inscrivait dans le cadre de l'accord de conciliation homologué par le Tribunal de commerce de Nanterre le 26 janvier 2011. Dans ces conditions, en l'absence de justification par la contribuable de l'existence d'une contrepartie aux abandons de recettes en cause, c'est à bon droit que le service a considéré qu'ils revêtaient le caractère d'actes anormaux de gestion.
9. A titre subsidiaire, la société Ebrex Développement fait valoir qu'il n'est pas anormal pour une société mère de pratiquer, à l'égard d'une filiale détenue à 100 %, une tarification au prix de revient des services qu'elle lui rend et soutient que l'administration aurait dû limiter le montant des rehaussements à ce prix de revient. Toutefois, la somme de 50 000 euros avait été fixée par les sociétés Ebrex Développement et Ebrex France dans la convention initiale du 12 août 2010. Par ailleurs, la société requérante ne justifie pas que cette somme de 50 000 euros, portée à 60 000 euros par la convention du 30 décembre 2010, était supérieure au prix de revient des prestations de services réalisées pour la société Ebrex France.
10. En second lieu, ainsi qu'il est dit précédemment, c'est à bon droit que l'administration fiscale a mis à la charge de la société Ebrex Développement les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige. La société requérante n'est donc pas fondée à soutenir que le service ne pouvait constater l'existence, à hauteur du montant de ces rappels, d'un profit sur le Trésor et réintégrer ce dernier à son résultat imposable de l'exercice clos le 28 février 2011.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Ebrex Développement n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administration ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Ebrex Développement est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Ebrex Développement et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Ile-de-France Ouest.
Délibéré après l'audience du 7 mars 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Poupineau, président,
- Mme Lescaut, premier conseiller,
- M. Doré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 mars 2019.
Le rapporteur,
F. DORÉLe président,
V. POUPINEAULe greffier,
N. ADOUANE
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA01514