Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 13 janvier 2016, et un mémoire en réplique enregistré le 6 juillet 2016, M.B..., représenté par Me D...et MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1506365 du 1er décembre 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge de la cotisation primitive d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2010, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2011, des cotisations primitives de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de ces deux années et des pénalités y afférentes ;
3°) d'ordonner le sursis de paiement ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme à chiffrer au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B...soutient que :
- le service n'a pas tenu compte des conditions d'exploitation de la société Leaving Car ; les conséquences du changement de modèle économique au quatrième trimestre 2011 n'ont pas été tirées ; il ne peut lui être fait grief de ne pas produire des pièces qu'il ne peut détenir ; les résultats de la reconstitution des recettes devait être pondéré ; la méthode de reconstitution est sommaire et radicalement viciée ;
- le service n'établit pas que les sommes ont été effectivement mises à sa disposition et qu'il détient le pouvoir exclusif dans la société ; des tiers ont pu appréhender les recettes reconstituées ; la position du service aboutit à une triple taxation ;
- l'administration n'apporte pas la preuve des manquements délibérés.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 juin 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre soutient que les moyens invoqués par M. B...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Platillero ;
- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.
1. Considérant que la société Leaving Car, devenue la société Service Voiturier Professionnel, dont M. B...est associé à 50 % et gérant, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle le vérificateur lui a notifié des rectifications résultant d'une reconstitution de ses recettes des exercices 2010 et 2011 ; que les minorations de recettes ainsi constatées ayant été regardées comme des revenus distribués, les rectifications correspondantes ont été notifiées à M. B...pour des montants de 124 481 euros en 2010 et de 96 691 euros en 2011, par une proposition de rectification du 15 mai 2013 ; qu'en conséquence, M. B...a été assujetti à une cotisation primitive d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2010, à une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2011 et à des cotisations primitives de contributions sociales au titre de ces deux années, assorties d'intérêts de retard et de la majoration pour manquement délibéré ; que M. B...fait appel du jugement du 1er décembre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions ;
Sur le bien-fondé des impositions :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré (...) " ; que M. B...s'étant abstenu de répondre à la proposition de rectification qui lui a été notifiée, la charge de la preuve de l'absence ou de l'exagération des revenus distribués et de l'absence d'appréhension de ces revenus lui incombe ;
En ce qui concerne l'existence de revenus distribués par la société Leaving Car :
3. Considérant que la société Leaving Car avait pour objet de mettre à la disposition de restaurants, d'hôtels, de discothèques, de boutiques de luxe et de cabinets médicaux du personnel pour exercer la fonction de voiturier ; que la prestation de service rendue au client final était facturée huit euros au cours de la période vérifiée, le voiturier devant reverser les sommes facturées à la société ; qu'ayant constaté que les recettes encaissées en espèces et reversées par les voituriers à la société Leaving Car n'ont été comptabilisées qu'au titre du dernier trimestre de l'exercice 2011, le vérificateur a reconstitué les recettes en espèces de l'exercice 2010 et des trois premiers trimestres de l'exercice 2011 en appliquant aux recettes facturées aux clients un coefficient de 0,29, correspondant au rapport entre les espèces déclarées et les recettes facturées aux établissements clients au titre du quatrième trimestre 2011 ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'avant le 1er octobre 2011, la société Leaving Car facturait à ses clients un forfait mensuel consistant en la mise à disposition de personnel pour assurer la fonction de voiturier et salariait sur le fondement, pour l'essentiel, de contrats de travail à temps partiel et à durée indéterminée, un personnel pour exercer cette activité principale, à charge pour les salariés de verser les recettes collectées à l'occasion de la réalisation des prestations à la société ; que, par ailleurs, la société sous-traitait à certains salariés, cette fois placés sous le régime des travailleurs indépendants, des activités accessoires à la prestation de voiturier, sur le fondement de contrats de " délégation de prestations ", qui stipulaient toutefois que la société Leaving Car conservait l'entière propriété et la gestion des prestations principales de voiturier rendues aux établissements, les sommes perçues à titre accessoire par le travailleur indépendant consistant notamment en la surveillance et le lavage des véhicules et la recherche de moyens de transport alternatifs pour les utilisateurs ; qu'ainsi, la rémunération de l'activité principale de voiturier restait en toute hypothèse acquise à la société Leaving Car, ce modèle de rémunération de la prestation de voiturier étant au demeurant resté le même après le 1er octobre 2011, la circonstance que la société a mis un terme à cette date aux contrats de " délégation de prestations " pour prendre en charge l'intégralité des prestations en les facturant, d'une part, aux établissements et, d'autre part, à leurs clients, étant sans effet sur l'acquisition des rémunérations des prestations de voiturier au profit de la société au titre de l'ensemble de la période vérifiée ; qu'il est constant que la prestation de voiturier, distincte des prestations accessoires prévues par les contrats de " délégation de prestations ", était facturée huit euros aux clients des établissements au cours de la période vérifiée, alors que la société Leaving Car n'a comptabilisé, avant le 1er octobre 2011, que les sommes facturées aux établissements qui étaient ses clients, les prestations facturées aux clients de ces établissements au titre de la prise en charge du stationnement de leur véhicule ne relevant pas des prestations accessoires précitées et leur rémunération n'étant pas acquise aux voituriers mais à la société Leaving Car ; que, dès lors que les recettes ainsi encaissées par les voituriers et qui étaient acquises à la société Leaving Car n'ont pas été comptabilisées, la comptabilité de cette société a pu être écartée comme insincère et irrégulière ; qu'à cet égard, dès lors que les recettes retirées par la société Leaving Car des prestations de voiturier proprement dites n'ont pas été comptabilisées par cette société, M. B...ne saurait soutenir que les " tickets souches " délivrés au client final ne sont pas en sa possession et que la position du service aboutirait à ce que seules des prestations accessoires auraient matériellement pu être réalisées ; que, par ailleurs, au titre du quatrième trimestre 2011, la société Leaving Car n'a pas présenté de détail des recettes encaissées en espèces, se bornant à enregistrer ces recettes sur la base de déclarations sur l'honneur mensuelles des voituriers ; que sa comptabilité ne pouvait ainsi et en tout état de cause pas plus être regardée comme sincère et régulière au titre de cette période ; que, dans ces conditions, M. B...n'est pas fondé à soutenir que le vérificateur ne pouvait régulièrement écarter la comptabilité et reconstituer les recettes de la société Leaving Car ;
5. Considérant que, contrairement à ce que soutient M.B..., la méthode de reconstitution des recettes de la société Leaving Car retenue par l'administration, consistant à appliquer aux recettes de l'année 2010 et des trois premiers trimestres de l'année 2011 les ratios entre les recettes facturées par la société Leaving Car aux établissements clients sous forme de forfait et les recettes en espèces déclarées et constatées au quatrième trimestre 2011, repose sur des données propres à la société et tient compte de ses conditions d'exploitation ; que cette méthode n'est ainsi ni sommaire ni radicalement viciée, la pondération dont se prévaut M. B...n'étant étayée d'aucun élément de preuve ; qu'il est au demeurant constant que le vérificateur ne disposait d'aucune pièce justificative lui permettant de retenir une autre méthode ; qu'en se bornant à alléguer, sans plus d'éléments de preuve, une augmentation des charges de personnel, M. B...n'établit pas l'exagération des impositions, qui ne saurait résulter du seul changement de statut juridique des voituriers à compter du quatrième trimestre 2011 ; que, par ailleurs, M. B...n'apporte pas plus d'éléments à l'appui de ses allégations selon lesquelles, d'une part, la proportion entre le chiffre d'affaires et les recettes en espèces aurait été plus importante durant le quatrième trimestre de l'année 2011, et, d'autre part, les premiers établissements clients lui procuraient moins de clientèle finale lors de la période antérieure ; qu'enfin, si M. B...soutient que la société aurait été dépossédée de ses recettes par son personnel, ce qui justifierait le changement de mode d'exploitation validé dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire, il n'apporte encore une fois aucune preuve, une telle " dépossession " ne pouvant en tout état de cause justifier l'absence totale de recettes en espèces déclarées ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'absence de revenus distribués ou que le montant de ces revenus inclus dans ses revenus imposables des années 2010 et 2011 serait exagéré ;
En ce qui concerne l'appréhension des revenus distribués par la société Leaving Car :
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au cours de la période en litige, M. B...détenait 50 % du capital social et était gérant de la société Leaving Car ; qu'en outre, l'administration fait valoir sans être contredite que M. B...détenait la signature bancaire, sociale et administrative de la société, qu'il exerçait le pouvoir sur la gestion du personnel et qu'il avait la responsabilité de la marche commerciale et technique de l'entreprise en étant l'interlocuteur des tiers ; qu'ainsi, M. B...exerçait seul l'ensemble des fonctions de direction de la société ; qu'enfin, le ministre fait valoir sans être plus contredit que l'autre associé de la société Leaving Car, une personne morale dont les deux associés avait une activité professionnelle autre que la gestion de la société, n'exerçait aucun pouvoir de gestion ; qu'en se bornant à se prévaloir du " modèle d'exploitation " de la société Leaving Car et de ce qu'il ne lui était pas possible de procéder à un contrôle des voituriers, qui auraient été en mesure de détourner les sommes dues à la société en encaissant pour leur compte les recettes perçues en espèces, sans apporter aucun élément de preuve à l'appui de ses allégations, M.B..., qui ne justifie par ailleurs pas que les sommes en litige auraient été déclarées par les voituriers dans le cadre de leur activité indépendante, n'apporte pas la preuve de l'absence d'appréhension des sommes réputées distribuées par la société Leaving Car ; que, dans ces conditions, M.B..., qui avait le pouvoir exclusif de gestion de cette société, a, à bon droit, été regardé comme maître de l'affaire et bénéficiaire des revenus distribués par ladite société, sur le fondement des dispositions précitées du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts ;
Sur les pénalités :
8. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée (...) la preuve de la mauvaise foi (...) incombe à l'administration " ;
9. Considérant qu'en faisant valoir que M. B...était maître de l'affaire et ne pouvait ignorer l'existence de recettes qui n'avaient pas été déclarées par la société Leaving Car, au titre de deux exercices successifs et pour des montants importants de 124 481 euros en 2010 et de 96 691 euros en 2011, l'administration établit l'intention délibérée de M. B...d'éluder l'impôt et, par suite, le bien fondé de l'application de la majoration pour manquement délibéré prévue par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant au bénéfice du sursis de paiement :
11. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales, le sursis de paiement accordé par l'administration fiscale n'a de portée que pendant la durée de l'instruction de la réclamation et de l'instance devant le tribunal administratif ; qu'aucune disposition légale n'a prévu une telle procédure de sursis pendant l'instance devant la Cour administrative d'appel ; que, dès lors, les conclusions de M. B...tendant au bénéfice du sursis de paiement ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
13. Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B...demande au titre des frais qu'il a exposés ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'économie et des finances.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal Parisien 1).
Délibéré après l'audience du 9 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Coiffet, président assesseur,
- M. Platillero, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 mars 2017.
Le rapporteur,
F. PLATILLEROLe président,
S.-L. FORMERY
Le greffier,
N. ADOUANE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 16PA00145