Par une requête, enregistrée le 18 avril 2016, et un mémoire en réplique enregistré le 9 décembre 2016, la société Financière Eficium, représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1501533 et n° 1506163 du 17 février 2016 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la restitution du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi dont elle s'estime titulaire au titre de l'année 2013 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société Financière Eficium soutient que :
- ses conclusions sont recevables ;
- en application des articles 244 quater C et 199 ter C-II du code général des impôts, la créance de crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi est immédiatement remboursable lorsqu'elle est constatée par les petites et moyennes entreprises au sens de l'annexe I au règlement communautaire du 6 août 2008, ainsi que le confirme le bulletin officiel des impôts BIC RICI 10 150-30-10 n° 50 et n° 100 du 18 mars 2013 ; alors que l'article 5 de l'annexe I de ce règlement distingue les notions d'effectif et de nombre d'unité de travail par année, l'administration a confondu les deux notions ; dès lors que des heures travaillées à porter au numérateur du calcul intègrent des heures accomplies par des salariés en contrat à durée déterminée de remplacement, qu'il convient de déduire, le critère de l'effectif est satisfait.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 novembre 2016, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Le ministre soutient que :
- les conclusions tendant à l'annulation du jugement sont dépourvues de moyens ;
- les conclusions tendant à l'annulation des décisions statuant sur les demandes préalables sont irrecevables, ces décisions n'étant pas détachables de la procédure d'imposition ;
- les moyens invoqués par la société Financière Eficium ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission du 6 août 2008 déclarant certaines catégories d'aide compatibles avec le marché commun en application des articles 87 et 88 du traité ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Platillero ;
- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public ;
- et les observations de MeB..., pour la société Eficium.
1. Considérant que la société Financière Eficium, société holding à la tête d'un groupe composé des sociétés Azur, Clean, Groupe industriel de Services (GIS) et Inter Net, qui exercent leur activité dans l'entretien et le nettoyage industriel et général, a sollicité la restitution immédiate d'un crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, à concurrence de 171 810 euros ; qu'elle fait appel du jugement du 17 février 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à la restitution sollicitée ;
Sur les conclusions tendant à la restitution immédiate du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 244 quater C du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. Les entreprises imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A et 44 decies à 44 quindecies peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt ayant pour objet le financement de l'amélioration de leur compétitivité à travers notamment des efforts en matière d'investissement, de recherche, d'innovation, de formation, de recrutement, de prospection de nouveaux marchés, de transition écologique et énergétique et de reconstitution de leur fonds de roulement (...) II. Le crédit d'impôt mentionné au I est assis sur les rémunérations que les entreprises versent à leurs salariés au cours de l'année civile. Sont prises en compte les rémunérations, telles qu'elles sont définies pour le calcul des cotisations de sécurité sociale à l' article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, n'excédant pas deux fois et demie le salaire minimum de croissance calculé pour un an sur la base de la durée légale du travail augmentée, le cas échéant, du nombre d'heures complémentaires ou supplémentaires, sans prise en compte des majorations auxquelles elles donnent lieu. Pour les salariés qui ne sont pas employés à temps plein ou qui ne sont pas employés sur toute l'année, le salaire minimum de croissance pris en compte est celui qui correspond à la durée de travail prévue au contrat au titre de la période où ils sont présents dans l'entreprise. Pour être éligibles au crédit d'impôt, les rémunérations versées aux salariés doivent être retenues pour la détermination du résultat imposable à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun et avoir été régulièrement déclarées aux organismes de sécurité sociale. III. Le taux du crédit d'impôt est fixé à 4 % (...) " ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 199 ter C du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. Le crédit d'impôt défini à l'article 244 quater C est imputé sur l'impôt sur le revenu dû par le contribuable au titre de l'année au cours de laquelle les rémunérations prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt ont été versées. L'excédent de crédit d'impôt constitue, au profit du contribuable, une créance sur l'Etat d'égal montant. Cette créance est utilisée pour le paiement de l'impôt sur le revenu dû au titre des trois années suivant celle au titre de laquelle elle est constatée, puis, s'il y a lieu, la fraction non utilisée est remboursée à l'expiration de cette période (...) II. La créance mentionnée au premier alinéa du I est immédiatement remboursable lorsqu'elle est constatée par l'une des entreprises suivantes : 1° Les entreprises qui satisfont à la définition des micro, petites et moyennes entreprises donnée à l'annexe I au règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission du 6 août 2008 déclarant certaines catégories d'aide compatibles avec le marché commun en application des articles 87 et 88 du traité (Règlement général d'exemption par catégorie) (...) " ; qu'aux termes de l'article 2 de l'annexe I au règlement du 6 août 2008 susvisé, alors en vigueur : " 1. La catégorie des micro, petites et moyennes entreprises ("PME") est constituée des entreprises qui occupent moins de 250 personnes et dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 50 millions d'euros ou dont le total du bilan annuel n'excède pas 43 millions d'euros (...) " ; qu'aux termes de l'article 5 de la même annexe : " L'effectif correspond au nombre d'unités de travail par année (UTA), c'est-à-dire au nombre de personnes ayant travaillé dans l'entreprise considérée ou pour le compte de cette entreprise à temps plein pendant toute l'année considérée. Le travail des personnes n'ayant pas travaillé toute l'année, ou ayant travaillé à temps partiel, quelle que soit sa durée, ou le travail saisonnier, est compté comme fractions d'UTA. L'effectif est composé : a) des salariés ; b) des personnes travaillant pour cette entreprise, ayant un lien de subordination avec elle et assimilées à des salariés au regard du droit national (...) Les apprentis ou étudiants en formation professionnelle bénéficiant d'un contrat d'apprentissage ou de formation professionnelle ne sont pas comptabilisés dans l'effectif. La durée des congés de maternité ou congés parentaux n'est pas comptabilisée " ; qu'aux termes de l'article 6 de cette annexe : " 1. Dans le cas d'une entreprise autonome, la détermination des données, y compris de l'effectif, s'effectue uniquement sur la base des comptes de cette entreprise. 2. Les données, y compris l'effectif, d'une entreprise ayant des entreprises partenaires ou liées, sont déterminées sur la base des comptes et autres données de l'entreprise, ou - s'ils existent - des comptes consolidés de l'entreprise, ou des comptes consolidés dans lesquels l'entreprise est reprise par consolidation. Aux données visées au premier alinéa sont agrégées les données des éventuelles entreprises partenaires de l'entreprise considérée, situées immédiatement en amont ou en aval de celle-ci. L'agrégation est proportionnelle au pourcentage de participation au capital ou des droits de vote (le plus élevé de ces deux pourcentages). En cas de participation croisée, le plus élevé de ces pourcentages s'applique. Aux données visées aux premier et deuxième alinéas sont ajoutées 100 % des données des éventuelles entreprises directement ou indirectement liées à l'entreprise considérée et qui n'ont pas déjà été reprises dans les comptes par consolidation. 3. Pour l'application du paragraphe 2, les données des entreprises partenaires de l'entreprise considérée résultent de leurs comptes et autres données, consolidés s'ils existent, auxquelles sont ajoutées 100 % des données des entreprises liées à ces entreprises partenaires, sauf si leurs données ont déjà été reprises par consolidation. Pour l'application du paragraphe 2, les données des entreprises liées à l'entreprise considérée résultent de leurs comptes et autres données, consolidés s'ils existent. À celles-ci sont agrégées proportionnellement les données des éventuelles entreprises partenaires de ces entreprises liées, situées immédiatement en amont ou en aval de celles-ci, si elles n'ont pas déjà été reprises dans les comptes consolidés dans une proportion au moins équivalente au pourcentage défini au paragraphe 2, deuxième alinéa. 4. Lorsque les comptes consolidés ne font pas apparaître l'effectif d'une entreprise donnée, le calcul de celui-ci s'effectue en agrégeant de façon proportionnelle les données relatives aux entreprises avec lesquelles cette entreprise est partenaire, et par addition de celles relatives aux entreprises avec lesquelles elle est liée " ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a rejeté la demande de restitution immédiate du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi présentée par la société Financière Eficium, au motif que l'effectif initialement déclaré par les cinq sociétés mentionnées au point 1, tel qu'il ressortait des tableaux des liasses fiscales n° 2058 C déposées, s'élevait à 273 personnes au titre de l'année 2013, dont 8 pour la société Financière Eficium, 27 pour la société Azur, 74 pour la société Clean, 74 pour la société GIS et 90 pour la société Inter Net ; que la société Financière Eficium soutient qu'il convient d'exclure de l'effectif de chacune de ces sociétés les salariés en contrat à durée déterminée de remplacement de salariés absents, son effectif correspondant au nombre d'unités de travail par année s'élevant ainsi à 247,6 personnes au titre de l'année 2013, dont 5,65 pour la société Financière Eficium, 24,62 pour la société Azur, 67,34 pour la société Clean, 68,75 pour la société GIS et 81,24 pour la société Inter Net ;
5. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées du II de l'article 199 ter C du code général des impôts, qui renvoie à l'annexe I au règlement du 6 août 2008 susvisé, que la créance détenue par une société au titre du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi n'est immédiatement remboursable à cette société que si celle-ci et ses entreprises partenaires ou liées occupent un effectif de moins de 250 personnes, correspondant à un nombre d'unités de travail par année défini à l'article 5 de cette annexe ; qu'il résulte des termes mêmes de cet article que le calcul de l'effectif doit inclure comme fractions d'unité de travail par année le travail des salariés qui n'ont pas travaillé toute l'année au sein de l'entreprise ou y ayant travaillé à temps partiel, quel que soit sa durée ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, il n'y a pas lieu d'exclure du calcul de l'effectif des sociétés Financière Eficium, Azur, Clean, GIS et Inter Net les salariés en contrats à durée déterminée, la circonstance que de tels contrats de travail auraient été signés en vue de pallier des absences liées à la prise de congés payés par d'autres salariés ou à des absences pour d'autres motifs étant sans incidence ; que, dans ces conditions, dès lors qu'il est constant qu'en incluant les salariés en contrat à durée déterminée dont se prévaut la requérante, l'effectif du groupe de sociétés, correspondant au nombre d'unités de travail par année au sens de l'article 5 de l'annexe I au règlement du 6 août 2008 était supérieur à 250 personnes en 2013, la société Financière Eficium n'est pas fondée à demander la restitution immédiate du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi au titre de l'année 2013, en application des dispositions précitées des articles 199 ter C et 244 quater C du code général des impôts ;
6. Considérant que la société Financière Eficium n'est à cet égard pas fondée à se prévaloir de la doctrine rappelée au bulletin officiel des impôts BIC-RICI-10-150-30-10 n° 50 et n° 100 du 18 mars 2013, qui ne comporte pas d'interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par le ministre de l'économie et des finances, que la société Financière Eficium n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
9. Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Financière Eficium demande au titre des frais qu'elle a exposés ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Financière Eficium est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Financière Eficium et au ministre de l'économie et des finances.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal Parisien 1).
Délibéré après l'audience du 9 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Coiffet, président assesseur,
- M. Platillero, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 mars 2017
Le rapporteur,
F. PLATILLEROLe président,
S.-L. FORMERY
Le greffier,
N. ADOUANE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA01304