Procédure devant la Cour :
Par un recours, enregistré le 5 août 2016, le ministre de l'intérieur, représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1610494 du 8 juillet 2016 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande de Mme A...devant le Tribunal administratif de Paris.
Le ministre de l'intérieur soutient que :
- il n'a pas méconnu la directive n° 2013/32/UE du 26 juin 2013, notamment ses articles 12 et 29, et les articles R. 223-2 à R. 223-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; ces dispositions n'imposent pas d'informer le demandeur d'asile à la frontière de son droit de communiquer avec le HCR mais seulement de s'assurer qu'il a pu communiquer avec ce dernier en toute liberté ; Mme A...ne démontre pas qu'elle a été dans l'impossibilité de communiquer avec le HCR, a été informée de l'ensemble de ses droits et obligations ainsi que l'atteste le procès-verbal du 1er juillet 2016 et n'a pas fait part de sa volonté de contacter cet organisme ;
- le moyen tiré de l'absence de prise en compte de la minorité n'est pas fondé, la majorité de Mme A...ne faisant pas de doute ;
- le principe de confidentialité de la demande d'asile n'a pas été méconnu ;
- Mme A...a été informée qu'elle pouvait demander la présence d'un tiers ;
- aucune erreur de droit n'a été commise, le ministre ne s'étant pas livré à un examen approfondi de sa situation ;
- les déclarations de l'intéressée étaient dénuées d'éléments circonstanciés et dépourvues de crédibilité ; les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été méconnues.
La requête a été communiquée à MmeA..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive n° 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Platillero a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que, par une décision du 5 juillet 2016, prise après avis de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le ministre de l'intérieur a rejeté comme manifestement infondée la demande d'admission au séjour au titre de l'asile présentée par MmeA..., alias MmeD..., lors de son arrivée à l'aéroport de Roissy sur un vol en provenance de Lagos au Nigeria, et a décidé son réacheminement vers ce pays ou, le cas échéant, vers tout pays où elle serait légalement admissible ; que le ministre d'intérieur fait appel du jugement du 8 juillet 2016 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé cette décision ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 12 de la directive du 26 juin 2013 susvisée : " 1. En ce qui concerne les procédures prévues au chapitre III, les États membres veillent à ce que tous les demandeurs bénéficient des garanties suivantes : a) ils sont informés, dans une langue qu'ils comprennent ou dont il est raisonnable de supposer qu'ils la comprennent, de la procédure à suivre et de leurs droits et obligations au cours de la procédure ainsi que des conséquences que pourrait avoir le non-respect de leurs obligations ou le refus de coopérer avec les autorités. Ils sont informés du calendrier, des moyens dont ils disposent pour remplir leur obligation de présenter les éléments visés à l'article 4 de la directive 2011/95/UE, ainsi que des conséquences d'un retrait explicite ou implicite de la demande. Ces informations leur sont communiquées à temps pour leur permettre d'exercer les droits garantis par la présente directive et de se conformer aux obligations décrites à l'article 13 ; b) ils bénéficient, en tant que de besoin, des services d'un interprète pour présenter leurs arguments aux autorités compétentes (...) c) la possibilité de communiquer avec le HCR ou toute autre organisation qui fournit des conseils juridiques ou d'autres orientations aux demandeurs conformément au droit de l'État membre concerné ne leur est pas refusée (...) " ; qu'aux termes de l'article 22 de cette directive : " 1. La possibilité effective est donnée aux demandeurs de consulter, à leurs frais, un conseil juridique ou un autre conseiller, reconnu en tant que tel ou autorisé à cette fin en vertu du droit national, sur des questions touchant à leur demande de protection internationale, à toutes les étapes de la procédure, y compris à la suite d'une décision négative (...) " ; qu'aux termes de l'article 29 de la même directive : " 1. Les États membres autorisent le HCR : a) à avoir accès aux demandeurs, y compris ceux qui sont placés en rétention, à la frontière et dans les zones de transit ; b) à avoir accès aux informations concernant chaque demande de protection internationale, l'état d'avancement de la procédure et les décisions prises, sous réserve que le demandeur y consente ; c) à donner son avis, dans l'accomplissement de la mission de surveillance que lui confère l'article 35 de la convention de Genève de 1951, à toute autorité compétente en ce qui concerne chaque demande de protection internationale et à tout stade de la procédure. 2. Le paragraphe 1 s'applique également à toute organisation agissant au nom du HCR sur le territoire de l'État membre concerné en vertu d'un accord conclu avec ce dernier " ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 221-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui arrive en France par la voie (...) aérienne et qui n'est pas autorisé à entrer sur le territoire français peut être maintenu dans une zone d'attente située (...) dans un aéroport, pendant le temps strictement nécessaire à son départ. Le présent titre s'applique également à l'étranger qui demande à entrer en France au titre de l'asile, le temps strictement nécessaire pour vérifier si l'examen de sa demande relève de la compétence d'un autre Etat en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement, si sa demande n'est pas irrecevable ou si elle n'est pas manifestement infondée (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 221-4 du même code : " L'étranger maintenu en zone d'attente est informé, dans les meilleurs délais, qu'il peut demander l'assistance d'un interprète et d'un médecin, communiquer avec un conseil ou toute personne de son choix et quitter à tout moment la zone d'attente pour toute destination située hors de France. Il est également informé des droits qu'il est susceptible d'exercer en matière de demande d'asile (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 213-2 dudit code : " Lorsque l'étranger qui se présente à la frontière demande à bénéficier du droit d'asile, il est informé sans délai, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, de la procédure de demande d'asile et de son déroulement, de ses droits et obligations au cours de cette procédure, des conséquences que pourrait avoir le non-respect de ses obligations ou le refus de coopérer avec les autorités et des moyens dont il dispose pour l'aider à présenter sa demande (...) " ;
4. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article R. 213-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont la rédaction résultant de l'adoption de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile et de son décret d'application n° 2015-1166 du 21 septembre 2015 a assuré la transposition de l'article 12 de la directive 2013/32/UE susvisée, que l'étranger qui se présente à la frontière et demande à bénéficier du droit d'asile doit être informé du déroulement de la procédure dont il fait l'objet et des moyens dont il dispose pour satisfaire à son obligation de justifier du bien fondé de sa demande ; que, contrairement à ce que soutient le ministre, ces dispositions impliquent notamment que l'étranger soit informé de la possibilité de communiquer avec un représentant du Haut Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés (HCR) ou de toute autre organisation qui fournit des conseils juridiques ou d'autres orientations aux demandeurs ; qu'à cet égard, sont sans incidence sur l'obligation d'information qui incombe à l'administration les circonstances que l'étranger n'a pas spontanément fait part de sa volonté d'avoir de tels contacts et qu'il n'a pas été privé des conditions matérielles qui lui auraient permis de les demander ; qu'il ressort des pièces du dossier, ce que le ministre ne conteste au demeurant pas en se bornant à se prévaloir du procès-verbal des droits et obligations du demandeur d'asile du 1er juillet 2016 notifié à l'intimée, qui fait seulement état de la possibilité d'assistance par un conseil ou une association au cours de l'entretien avec l'agent de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, que Mme A...n'a pas été informée de la possibilité de communiquer avec un représentant du HCR ou de toute autre organisation qui fournit des conseils juridiques ou d'autres orientations aux demandeurs ; que c'est dès lors à bon droit que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a jugé que Mme A...a été privée d'une garantie ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 5 juillet 2016 ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours du ministre de l'intérieur est rejeté.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., alias Mme B...D..., et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 9 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Formery , président de chambre,
- Mme Coiffet, président assesseur,
- M. Platillero, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 mars 2017.
Le rapporteur,
F. PLATILLEROLe président,
S.-L. FORMERY
Le greffier,
N. ADOUANE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA02622