Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 décembre 2020 et le 3 mai 2021, la société Beta Innov, représentée par Me d'Oria, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 1907779 du 12 octobre 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la restitution du crédit d'impôt recherche restant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- l'administration fiscale aurait dû, ainsi qu'elle l'a fait au titre de l'année 2016, solliciter l'avis des services du ministère chargé de la recherche, en application des dispositions de l'article L. 45 B, R. 45 B-1 du livre des procédures fiscales, et des articles L. 114-2 et L. 114-8 du code des relations entre le public et l'administration ;
- la facture litigieuse correspond à des dépenses éligibles au crédit d'impôt recherche, sur le fondement des dispositions du II de l'article 244 quater B du code général des impôts ;
- l'administration fiscale a méconnu les documentations administratives référencées BOI-BIC-RICI-10-10-20-30-20140404 et BOI-BIC-RICI-10-10-10-20-20120912 ;
- les dépenses litigieuses sont éligibles au crédit d'impôt recherche dès lors que l'administration fiscale a validé ses demandes de restitution de solde de crédit d'impôt au titre de l'année 2016 pour des prestations de sous-traitance similaire.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 janvier 2021 et le 28 mai 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- et le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Aggiouri ;
- et les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société Beta Innov, qui exerce une activité de recherche et développement dans le secteur pharmaceutique, a sollicité, le 6 avril 2018, la restitution d'un crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2017, pour un montant total de 698 862 euros. Par une décision du 6 février 2019, l'administration fiscale a fait partiellement droit à sa demande, à hauteur de 574 645 euros. La société Beta Innov a demandé au tribunal administratif de Paris la restitution du crédit d'impôt recherche restant refusé. Par une décision du 29 octobre 2019, postérieure à l'introduction de sa demande, le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris a prononcé la restitution d'un crédit d'impôt recherche d'un montant de 122 504 euros au titre de l'année 2017. Par un jugement du 12 octobre 2020, le tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la demande de la société Beta Innov, à concurrence d'un montant de 122 504 euros et a rejeté le surplus des conclusions de cette demande. La société Beta Innov relève appel du jugement du tribunal administratif de Paris, en tant qu'il lui est défavorable.
Sur la régularité de la procédure :
2. L'article L. 45 B du livre des procédures fiscales dispose que : " La réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt défini à l'article 244 quater B du code général des impôts peut, sans préjudice des pouvoirs de contrôle de l'administration des impôts qui demeure seule compétente pour l'application des procédures de rectification, être vérifiée par les agents du ministère chargé de la recherche et de la technologie. / Un décret fixe les conditions d'application du présent article ". Aux termes de l'article R. 45 B-1 du même livre : " La réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt mentionné à l'article 244 quater B du code général des impôts est vérifiée soit par un agent dûment mandaté par le directeur général pour la recherche et l'innovation, soit par un délégué régional à la recherche et à la technologie ou un agent dûment mandaté par ce dernier [...] ".
3. Il résulte des termes mêmes de ces dispositions que, contrairement, à ce que soutient la société Beta Innov, l'administration fiscale était en droit d'exercer son pouvoir de contrôle de droit commun sur les déclarations relatives au crédit d'impôt relatif aux dépenses de recherche, sans intervention préalable d'agents du ministère chargé de la recherche et de la technologie. La circonstance que, avant d'accéder, par une décision du 26 juillet 2018, à la demande présentée par la société Beta Innov tendant à la restitution d'un crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2016, l'administration fiscale avait sollicité l'avis du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, est à cet égard sans incidence. Enfin, la société requérante ne peut utilement se prévaloir des dispositions des articles L. 114-2 et L. 114-8 du code des relations entre le public et l'administration, qui concernent, respectivement, les modalités de transmission des demandes adressées à une administration incompétente pour en connaître et les échanges d'informations entre administrations. Par suite, le moyen tiré de ce que l'administration fiscale aurait dû solliciter l'avis des services du ministère charge de la recherche doit être écarté.
Sur le bien-fondé de la demande de restitution :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
4. L'article 244 quater B du code général des impôts dispose que : " I. - Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel [...] peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année [...] / II. - Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : / [...] d bis) Les dépenses exposées pour la réalisation d'opérations de même nature confiées à des organismes de recherche privés agréés par le ministre chargé de la recherche [...] " Aux termes de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : / a. Les activités ayant un caractère de recherche fondamentale, qui pour apporter une contribution théorique ou expérimentale à la résolution des problèmes techniques, concourent à l'analyse des propriétés, des structures, des phénomènes physiques et naturels, en vue d'organiser, au moyen de schémas explicatifs ou de théories interprétatives, les faits dégagés de cette analyse ; / b. Les activités ayant le caractère de recherche appliquée qui visent à discerner les applications possibles des résultats d'une recherche fondamentale ou à trouver des solutions nouvelles permettant à l'entreprise d'atteindre un objectif déterminé choisi à l'avance. / Le résultat d'une recherche appliquée consiste en un modèle probatoire de produit, d'opération ou de méthode ; / c. Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté ".
5. Il appartient au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction dont le litige qui lui est soumis a fait l'objet, qu'une entreprise remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par l'article 244 quater B du code général des impôts. Lorsqu'une entreprise confie à un organisme mentionné au d) ou au d) bis du II de l'article 244 quater B du code général des impôts l'exécution de prestations nécessaires à la réalisation d'opérations de recherche qu'elle mène, les dépenses correspondantes peuvent être prises en compte pour la détermination du montant de son crédit d'impôt quand bien même les prestations sous-traitées, prises isolément, ne constitueraient pas des opérations de recherche.
6. Toutefois, il résulte de l'instruction, et en particulier de la facture émise le 31 décembre 2017 à l'attention de la société Beta Innov, qui conduit notamment un projet de recherche concernant le traitement du glioblastome, que les dépenses restant en litige, que la société requérante estime éligibles au crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2017, ont été engagées, à hauteur de 5 710 euros hors taxe, à raison de cinq " jours de consultance " réalisées par la société Oncovet Clinical Research (OCR), titulaire de l'agrément prévu par le d) bis du II de l'article 244 quater B du code général des impôts, au cours des mois d'octobre, novembre et décembre 2017, en exécution d'un contrat signé entre les deux sociétés en octobre 2017 portant sur la réalisation de prestations " opérationnelles et réglementaires ". Le relevé de temps mensuel annexé à la facture du 31 décembre 2017 précise que les prestations ainsi facturées par la société OCR ont consisté en la récupération d'un modèle de dossier auprès de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France, l'organisation de deux téléconférences, l'identification et la communication de dossiers, la préparation d'une réunion et de ses supports, la participation à une réunion de travail et la visite de localisations, la production de documents et d'un dossier d'autorisation administrative, l'accompagnement de la société Beta Innov pour l'obtention d'un numéro ID-RCB auprès de l'Agence nationale de sécurité du médicament, la rédaction et la transmission d'une procédure d'engagement de conformité auprès de la commission nationale de l'informatique et des libertés. Ainsi, les dépenses engagées pour le paiement de cette facture ne peuvent être regardées comme des dépenses de recherche, au sens des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts et de l'article 49 septies F de l'annexe III à ce code. Si la société Beta Innov produit une attestation rédigée, le 8 février 2021, par la présidente de la société OCR, qui mentionne notamment que sa société a synthétisé " les résultats précliniques d'une étude en oncologie comparée sur chiens spontanément atteints de glioblastome menée par OCR pour le compte de Beta-Innov ", il ne ressort pas des mentions du relevé de temps mensuel annexé à la facture du 31 décembre 2017 que cette dernière aurait été émise à raison de telles missions. C'est donc à bon droit, en application de l'article 244 quater B du code général des impôts, que l'administration fiscale a refusé la restitution d'un crédit d'impôt recherche à raison des dépenses engagées par la société Beta Innov pour le paiement de cette facture.
En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :
7. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration / [...] ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal [...] ".
8. La société Beta Innov se prévaut des doctrines administratives référencées BOI-BIC-RICI-10-10-10-20-20120912, du 2 novembre 2016, et BOI-BIC-RICI-10-10-20-30-20140404, du 5 avril 2017. Elle soutient également que, par une décision du 26 juillet 2018, l'administration fiscale a accepté sa demande de restitution d'un crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2016. Toutefois, la décision refusant de restituer un crédit d'impôt ne constituant ni un rehaussement d'imposition, ni un redressement, la société Beta Innov ne peut en tout état de cause, au soutien de ses conclusions tendant à la restitution d'un crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2017, se prévaloir, sur le fondement des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales, ni d'une interprétation administrative de la loi fiscale qui figurerait dans les doctrines qu'elle invoque ni d'une position formelle qui aurait été prise par le service à l'occasion de la décision du 26 juillet 2018. Par suite, le moyen doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Beta Innov n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Beta Innov est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Beta Innov et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France (pôle contrôle fiscal et affaires juridiques).
Délibéré après l'audience du 6 janvier 2022, où siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre ;
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure ;
- M. Aggiouri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 janvier 2022.
Le rapporteur,
K. AGGIOURILa présidente,
H. VINOT
La greffière,
F. DUBUY-THIAM
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA03896