Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 16 mars 2021, Mme A..., représentée par Me Semak, demande à la Cour :
1°) de l'admettre au bénéficie de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler le jugement n° 2009265 du 4 novembre 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil ;
3°) d'annuler l'arrêté du 3 septembre 2020 par lequel le préfet des Yvelines lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ;
4°) d'enjoindre au préfet des Yvelines de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de la décision à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler le temps de l'instruction, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) d'annuler le signalement dont elle fait l'objet dans le système d'information Schengen ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Semak de la somme de 2 400 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, si sa demande d'aide juridictionnelle n'est pas acceptée, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la légalité de l'ensemble des décisions attaquées :
- elles ont été prises en méconnaissance du principe général de droit de l'union européenne du droit de la défense et notamment de son droit d'être entendue.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français et la fixation du pays de destination :
- la décision est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
- la décision est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;
- la décision a été prise en méconnaissance des dispositions du II de l'article
L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français pendant un an :
- la décision est illégale par exception d'illégalité ;
- elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;
- elle a été prise en méconnaissance des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée ;
- elle est disproportionnée et entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été produite au préfet des Yvelines, qui n'a pas produit de mémoire.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 26 janvier 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de cette loi ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante brésilienne née le 16 mars 1995, a demandé l'annulation de l'arrêté du 3 septembre 2020 par lequel le préfet des Yvelines lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Mme A... relève appel du jugement 4 novembre 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Par une décision du 26 janvier 2021, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a admis Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. En conséquence, il n'y a pas lieu de se prononcer sur les conclusions tendant à son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne les moyens communs à l'ensemble des décisions attaquées :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Et aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée (...) / II. - (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) / III. - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ".
4. L'arrêté du 3 septembre 2020 vise notamment le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier les articles L. 511-1 1, L. 511-1 II 3° et
L. 511-1 III, sur le fondement desquels il a été pris, ainsi que la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier ses articles 3 et 8. Il est mentionné que Mme A... a déclaré être entrée en France le 31 mars 2019, sans toutefois justifier des documents et du visa exigés par l'article L. 211-1 du code. L'arrêté mentionne également que Mme A... est célibataire et sans enfants, qu'elle a déclaré avoir sa famille au Brésil et que dans les circonstances de l'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie familiale. Il est par ailleurs indiqué que l'intéressée a déclaré n'avoir fait aucune démarche depuis son arrivée en France, a fortiori sollicité la délivrance d'un titre de séjour, qu'il ressort du procès-verbal d'audition de l'intéressée qu'elle a déclaré ne pas envisager de retour au Brésil et qu'il existe un risque que l'intéressée se soustraie à la mesure d'éloignement. Enfin, il est relevé, s'agissant de l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, que la situation de Mme A... a été examinée notamment au regard du 8ème alinéa du III de l'article L. 511-1 III. Ainsi, l'arrêté attaqué comporte l'énoncé des circonstances de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.
5. En deuxième lieu, la seule circonstance que l'arrêté attaqué ne mentionne pas le contrat à durée indéterminée dont elle est titulaire ne suffit pas pour établir que le préfet des Yvelines n'a pas procédé à un examen sérieux de la situation de Mme A....
6. En troisième lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
7. En l'espèce, Mme A... soutient que la préfecture n'apporte pas la preuve qu'elle a été informée de son droit à être entendue et à formuler des observations relatives aux mesures envisagées. Toutefois, il ressort des termes de l'arrêté du 3 septembre 2020, que Mme A... a été auditionnée par les services de police suite à un contrôle d'identité et qu'elle a été interrogée sur sa situation administrative en France, ce que l'intéressée ne conteste pas, se contenant de soutenir qu'en l'absence de production du procès-verbal d'audition, la preuve du respect de son droit à être informée n'est pas rapportée par le préfet des Yvelines. Au demeurant, Mme A... n'indique pas en quoi elle disposait d'informations pertinentes tenant à sa situation personnelle qu'elle a été empêchée de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise la mesure d'éloignement et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à la décision l'obligeant à quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de son droit à être entendue ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne les moyens propres à la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, aux termes des dispositions alors codifiées au I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".
9. Mme A... soutient qu'en tant que ressortissante brésilienne, elle n'avait pas besoin d'un visa pour entrer en France et que la décision attaquée a donc été prise en méconnaissance des dispositions susvisées dès lors que son entrée sur le territoire français était régulière. Toutefois, il est constant que les ressortissants brésiliens qui souhaitent rester en France plus de 90 jours doivent être titulaire d'un visa long séjour. L'intéressée, contrôlée un an et demi après sa prétendue entrée sur le territoire français, et ayant signé un contrat de travail à durée indéterminée, ne soutient ni n'allègue avoir eu l'intention de rester moins de 90 jours en France et n'est pas titulaire de ce visa. Dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet des Yvelines aurait méconnu les dispositions précitées du 1° de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
11. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., entrée en France récemment, est célibataire et sans enfants et qu'elle a sa famille au Brésil, pays dans lequel elle a vécu jusqu'à l'âge de 24 ans. Ainsi, alors même que la requérante fait valoir qu'elle est bien intégrée et qu'elle travaille, la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ne méconnait pas les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision de refus d'un délai de départ volontaire :
12. Aux termes des dispositions alors codifiées au II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) / h) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; (...) ".
13. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme A... s'est maintenue sur le territoire à l'expiration du délai de trois mois suivant son entrée, sans solliciter de titre de séjour ni être titulaire d'un visa ce long séjour, nécessaire pour les ressortissants brésiliens qui entendent se maintenir en France au-delà de ce délai. En outre, si la requérante fait valoir que l'absence de production du procès-verbal d'audition ne permet pas d'établir qu'elle aurait exprimé la volonté de ne pas se soumettre à la mesure d'éloignement, elle ne soutient pas que la mention qui est faite dans l'arrêté de ce qu'elle a déclaré qu'elle veut rester en France serait erronée. Eu égard à ces éléments, le préfet des Yvelines a fait une exacte application des dispositions alors codifiées au II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Les moyens tirés de la méconnaissance de ces dispositions ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation en peuvent qu'être rejetés.
14. En second lieu, eu égard aux motifs exposés au point 11, et en l'absence d'autres éléments probants, la décision attaquée n'a pas portée une atteinte excessive au droit de Mme A... de mener une vie privée et familial normale.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français pendant un an :
15. Aux termes des dispositions alors codifiées au III de l'article L. 511-1 du code de l'entée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " III. - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".
16. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, Mme A... n'est pas fondée à se prévaloir, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de la décision portant refus de départ volontaire pour demander l'annulation de la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français.
17. En deuxième lieu, la décision attaquée qui prononce une interdiction de retour sur le territoire français d'un an pour Mme A..., qui est restée moins de deux ans en France à la date de la décision attaquée et qui ne fait valoir aucun lien particulier ou personnel en France autre qu'un contrat de travail alors que sa famille est au Brésil, n'apparait pas disproportionnée et ne méconnaît pas, dès lors, les dispositions alors codifiées au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle n'est par ailleurs pas entachée d'une erreur d'appréciation de ses effets sur la situation personnelle de la requérante.
18. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 11, la décision attaquée n'a pas portée une atteinte excessive au droit de Mme A... de mener une vie privée et familial normale.
19. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 septembre 2020. Par suite, ses conclusions afin d'annulation ainsi que, par voie de conséquences, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Yvelines.
Délibéré après l'audience du 6 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Cécile Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- M. Aggiouri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 janvier 2022.
La rapporteure,
C. C...La présidente,
H. VINOT
La greffière,
F. DUBUY-THIAM
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA01371 2