Par une requête enregistrée le 18 juillet 2018, M.A..., représenté par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1802429 du 24 mai 2018 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 14 décembre 2017 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa demande de regroupement familial dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté litigieux a été pris par une autorité incompétente ;
- il est entaché d'une erreur de droit, dès lors que le préfet s'est cru en situation de compétence liée pour rejeter sa demande au motif que l'épouse de M. A...était déjà présente sur le territoire français ;
- il est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire enregistré le 27 mai 2019, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lescaut,
- et les observations de Me Simon, avocat de M.A....
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant chinois, a sollicité le 31 mars 2016 un regroupement familial au bénéfice de son épouse et de sa fille mineure, née en Chine. Il relève appel du jugement du 24 mai 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de police du 14 décembre 2017 refusant de lui accorder le bénéfice du regroupement familial en faveur de son épouse et de sa fille.
2. L'arrêté contesté a été signé par M. E...C..., chef du 10ème bureau à la sous-direction de l'administration des étrangers de la direction de la police générale de la préfecture de police, qui bénéficiait d'une délégation de signature en vertu d'un arrêté n° 2017-01050 du 3 novembre 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de région Ile-de-France du 6 novembre 2017, à l'effet de signer les décisions en matière de police des étrangers, dans la limite de ses attributions, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il n'est pas établi ni même allégué qu'elles n'auraient pas été absentes ou empêchées à la date de la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision aurait été signée par une autorité incompétente doit être écarté.
3. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. ". Aux termes de l'article L. 411-5 du même code : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. (...) / 2° Le demandeur ne dispose pas ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique ; / 3° Le demandeur ne se conforme pas aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d'accueil. ". Aux termes de l'article L. 411-6 du même code : " Peut être exclu du regroupement familial : (...) 3° Un membre de la famille résidant en France ".
4. Il ressort de la décision contestée que, pour rejeter la demande de regroupement familial présentée par M. A..., le préfet de police ne s'est pas seulement fondé sur la circonstance que son épouse résidait déjà en France en situation irrégulière, alors que le regroupement familial suppose que les bénéficiaires résident à l'étranger, mais également sur l'absence de motif exceptionnel de nature à permettre à M. A... d'obtenir, à titre dérogatoire, un regroupement familial. Le préfet de police a ainsi examiné, avant de l'écarter, la possibilité de faire bénéficier l'épouse et la fille du requérant du regroupement familial à titre dérogatoire. Par suite, et contrairement à ce qu'il soutient, le préfet de police ne s'est pas estimé en situation de compétence liée du fait de la présence de son épouse sur le territoire national pour refuser la délivrance de l'autorisation de regroupement familial sollicitée.
5. M. A...a formulé une demande concernant son épouse et sa fille, conformément aux dispositions de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile selon lesquelles la demande de regroupement familial doit porter, en principe, sur l'ensemble de la famille du ressortissant étranger qui demande à en bénéficier. Et il ressort des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision en se fondant sur ses autres motifs. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit donc être écarté.
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Le requérant soutient qu'il disposerait de ressources suffisantes, d'un logement adapté sis 15 rue du Moulin Joly, à Paris, et qu'il exerce depuis 2012 une activité professionnelle à plein temps pour accueillir sa fille en France. Il ressort cependant des pièces du dossier que l'épouse de l'intéressé séjourne irrégulièrement en France depuis 2010 et que leur fille a vécu séparée de son père depuis qu'elle a l'âge de cinq ans. Ainsi, et compte tenu notamment de la possibilité pour M. A... de solliciter à nouveau le regroupement familial, pour son épouse, dans les conditions prescrites par l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'arrêté attaqué refusant d'accorder à M. A...le bénéfice du regroupement familial ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale. Pour ces mêmes motifs, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé doivent être écartés.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 13 juin 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président,
- Mme Lescaut, premier conseiller,
- M. Doré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 juin 2019.
Le rapporteur,
C. LESCAUT Le président,
S-L. FORMERY
Le greffier,
N. ADOUANE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA02427