Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 22 janvier 2018, M.B..., représenté par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1705467 en date du 27 juillet 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté en date du 20 janvier 2017 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve de renonciation à la part contributive de l'État.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant refus de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle a été prise en méconnaissance de l'article 3, paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale par voie d'exception d'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle a été prise en méconnaissance des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête de M. B...a été communiquée au préfet de police qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 24 novembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Lescaut a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., de nationalité kosovare, né le 6 juin 1975, serait entré en France le 29 octobre 2014 selon ses déclarations. Le 27 janvier 2015, il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 29 février 2016, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 14 octobre 2016. Par un arrêté en date du 20 janvier 2017, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éloignement. M. B...relève appel du jugement en date du 27 juillet 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :
2. Il ressort des pièces du dossier que la décision de refus de délivrance de titre de séjour contestée a été prise en réponse à la demande d'admission au séjour au titre de l'asile présentée par M.B.... Sa demande d'admission au bénéfice de l'asile a été rejetée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 14 octobre 2016. Dès lors que le bénéfice de la protection subsidiaire ou la reconnaissance de la qualité de réfugié lui a été refusé, le préfet de police était tenu de lui refuser la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-13 ou du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans avoir à porter une appréciation sur les faits de l'espèce. Le préfet de police se trouvant ainsi en situation de compétence liée pour refuser le titre de séjour sollicité, le moyen tiré de ce que la décision en litige est insuffisamment motivée est inopérant.
3. Eu égard à ce qui précède au point 2, il ressort de la motivation de la décision contestée que le préfet de police a procédé à un examen de la situation personnelle de l'intéressé.
4. Ainsi qu'il est rappelé au point 2, la demande de M. B...tendant à obtenir la qualité de réfugié ou la protection subsidiaire ayant été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le préfet de police était, par suite, tenu de lui refuser la délivrance du titre de séjour demandé sur le fondement des dispositions du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort cependant des termes mêmes de l'arrêté du 20 janvier 2017 en litige que le préfet a examiné l'ensemble de la situation de l'intéressé au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. M. B...peut dès lors utilement se prévaloir, à l'appui du refus qui lui a été opposé, de ces stipulations.
5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
6. M. B...soutient qu'il réside en France depuis 2014, qu'il a quatre enfants âgés de 7 ans, 5 ans, 3 ans et six mois à la date de la décision attaquée, dont les trois premiers sont scolarisés en France. Il fait également valoir qu'il suit des cours de français et a été bénévole auprès du Secours populaire. Le seul bénévolat associatif de M. B...n'est cependant pas de nature à justifier une insertion particulière de l'intéressé dans la société française. Il ne ressort, en outre, pas des pièces du dossier qu'il encourrait au Kosovo des risques qui l'empêcherait d'y poursuivre une vie privée et familiale en compagnie de ses enfants mineurs, dont l'aîné n'était scolarisé qu'en classe de cours primaire, et ses deux enfants de cinq et trois ans en classe de maternelle à la date de l'arrêté contesté, alors que son épouse était à cette même date, en situation irrégulière et faisait l'objet d'un arrêté du 20 janvier 2017 rejetant sa demande de titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français. Rien ne s'oppose, dans les circonstances de l'espèce, à ce que M. B... poursuive sa vie privée et familiale hors de France, notamment dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-et-un ans, et où il n'établit pas être isolé, accompagné de son épouse de nationalité kosovare et de leurs enfants. Dans ces conditions, le préfet de police n'a pas porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris la décision attaquée et n'a, dès lors, pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Au regard de ces mêmes éléments, le préfet de police n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de l'intéressé.
7. Aux termes de l'article 3, paragraphe 1, de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs, mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
8. Ainsi qu'il a été dit au point 6, rien ne s'oppose à la reconstitution de la cellule familiale hors de France. Dans ces conditions, le préfet de police n'a pas méconnu les stipulations précitées du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire :
9. Aux termes du I. de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ".
10. Il ressort des pièces des dossiers que M.B..., qui n'était pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, a vu sa demande d'asile rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile par décision du 14 octobre 2016. A la date de l'arrêté attaqué, il entrait ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français. Si, concomitamment à cette obligation de quitter le territoire français, le préfet lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, cette décision de refus ne constitue pas le fondement de l'obligation de quitter le territoire français, laquelle n'a pas été prise pour l'application du refus de titre de séjour. Par suite, M. B...ne peut utilement exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français.
11. Eu égard aux circonstances analysées au point 6, le préfet de police n'a, en faisant obligation à M. B...de quitter le territoire français, ni méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressé.
12. Enfin, l'obligation de quitter le territoire français n'a pas pour objet de désigner un pays de renvoi. Par suite, le moyen tiré de ce que cette mesure aurait été prise en méconnaissance des stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
13. D'une part, la décision fixant le pays à destination duquel M. B...serait renvoyé vise les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et précise, dans ses motifs, que le requérant n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à ces stipulations en cas de retour dans son pays d'origine. Cette décision est ainsi suffisamment motivée.
14. D'autre part, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
15. M. B...soutient qu'il court un risque de traitements inhumains et dégradants en cas de retour au Kosovo eu égard aux menaces proférées à son encontre par la police de Pristina à laquelle il a autrefois appartenu. Toutefois le requérant, dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 29 février 2016 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 14 octobre 2016, ne justifie pas des risques personnels qu'il allègue. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 9 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président,
- Mme Poupineau, président assesseur,
- Mme Lescaut, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 mai 2019.
Le rapporteur,
C. LESCAUT Le président,
S-L. FORMERY
Le greffier,
C. RENÉ-MINELa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA00251