Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 22 mars 2018, M.B..., représentée par Me Brocard, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1710166 en date du 12 octobre 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté en date du 1er février 2017 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de 30 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai de 30 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique sous réserve de renonciation à la part contributive de l'État.
Il soutient que :
- le préfet de police était tenu de saisir la commission du titre de séjour, dès lors qu'il établit résider en France depuis plus de dix ans ;
- la décision de refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire enregistré le 25 juillet 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 9 février 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Lescaut a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., ressortissant malien née en 1961, est entré en France en 2003 selon ses déclarations. Il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 1er février 2017, le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour, et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. B...relève régulièrement appel du jugement du 12 octobre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M.B..., qui soutient résider en France depuis 2003, produit de nombreux documents de nature à démontrer qu'il réside en France depuis plus de dix ans. Outre une déclaration et un avis d'imposition des revenus 2006 datée des 25 avril 2007 et 13 juillet 2007, il produit pour 2007 et 2008 des relevés bancaires faisant apparaître de nombreux retraits. A partir de 2010, les documents versés au dossier sont constitués de nombreuses pièces médicales, convocations, et certificats médicaux, ainsi que des demandes de renouvellement de l'aide médicale d'État et d'attestations annuelles d'admission à cette même aide. Si les pièces versées pour 2009 consistent en une déclaration simplifiée des revenus 2008, un avis d'imposition 2009 sur les revenus 2008, un courrier du 21 juillet 2009 établi par la trésorerie du 20ème arrondissement de Paris, les documents produits sur l'ensemble de la période forment un ensemble cohérent et sont suffisamment nombreux et variés pour démontrer la résidence habituelle en France de M. B...depuis plus de dix ans à la date de la décision litigieuse. Dans ces conditions, le requérant est fondé à soutenir que le préfet de police ne pouvait rejeter sa demande de titre de séjour sans saisir au préalable la commission du titre de séjour mentionnée à l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure résultant du défaut de la saisine de cette commission, qui constitue une garantie, doit être accueilli.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er février 2017 du préfet de police.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Le présent arrêt n'implique pas, eu égard au motif d'annulation ci-dessus énoncé, qu'un titre de séjour soit délivré à M.B..., mais seulement que sa demande d'admission exceptionnelle au séjour soit réexaminée, après avoir été préalablement soumise, pour avis, à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 de code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de police de soumettre la demande de l'intéressé à la commission du titre de séjour, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer dans l'attente du réexamen de sa situation administrative une autorisation provisoire de séjour, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
6. M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Brocard, avocat de M.B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Brocard de la somme de 1 000 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1710166 en date du 12 octobre 2017 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 1er février 2017, par lequel le préfet de police a refusé à M. B...la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination, est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de soumettre la demande de M. B...à l'avis de la commission du titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente du réexamen de sa situation administrative, une autorisation provisoire de séjour.
Article 4 : L'État versera à Me Brocard, avocat de M.B..., une somme de mille euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Brocard renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., au ministre de l'intérieur et au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 9 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président,
- Mme Poupineau, président assesseur,
- Mme Lescaut, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 mai 2019.
Le rapporteur,
C. LESCAUTLe président,
S-L. FORMERY
Le greffier,
C. RENÉ-MINE La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA00967