Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 4 juin 2018 et 2 mai 2019, M. et MmeB..., représentés par MeA..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1602237 du 5 avril 2018 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007 et 2008 ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le service ne pouvait écarter la comptabilité de la société Daliah Traiteur Prestige comme irrégulière et non probante ; ils sont fondés à se prévaloir de la doctrine administrative publiée au BOI-CF-IOR-10-20-20120912 ;
- la méthode de reconstitution retenue par le vérificateur pour reconstituer le chiffre d'affaires de la société Daliah Traiteur Prestige à partir des achats de viande et de poisson est radicalement viciée, dès lors que le montant en kilos des achats de viande qui a été retenu pour l'exercice 2008 n'est pas justifié, que les grammages des portions de poisson et de viande est erroné, que le nombre de couverts déterminé est irréaliste, et que le prix forfaitaire de 50 euros par couvert ne correspond pas à l'activité de traiteur de la société ;
- la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires de la société selon la méthode des vins n'est pas non plus pertinente ;
- l'administration n'apporte pas la preuve de l'appréhension des revenus ; il ne peut y avoir deux maitres de l'affaire.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 novembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement prononcé en cours d'instance s'agissant de la majoration de 25 % prévue au titre des contributions sociales par les dispositions combinées du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, du 2° du 7 de l'article 158 du même code et du 1 de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, et au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme B...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lescaut,
- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Daliah Traiteur Prestige, qui exerce une activité de traiteur, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée, à l'issue de laquelle le service a écarté comme non probante la comptabilité qui lui était présentée et a procédé à une reconstitution de son chiffre d'affaires au titre des exercices clos en 2007 et 2008. A l'issue d'un contrôle sur pièces de leur dossier fiscal, M. et Mme B...ont été assujettis, à raison des revenus distribués par la société Daliah Traiteur Prestige taxés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement des dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2007 et 2008, majorées des intérêts de retard et de pénalités pour manquement délibéré. M. et Mme B...relèvent appel du jugement en date du 5 avril 2018 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007 et 2008.
Sur l'étendue du litige :
2. Par une décision du 28 novembre 2018, postérieure à l'introduction de la requête, l'administration a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, des contributions sociales supplémentaires mises à la charge de M. et Mme B...au titre des années 2007 et 2008, pour un montant total de 38 128 euros conformément à la décision n° 2016-610 QPC du 10 février 2017 du Conseil constitutionnel. Les conclusions de la requête relatives à ces impositions sont, dans cette mesure, devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'existence et le montant des revenus regardés comme distribués :
3. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré (...) ".
4. Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en litige ont été régulièrement notifiées à M. et Mme B...par une proposition de rectification en date du 17 novembre 2010, reçue le 25 novembre suivant. Alors qu'ils disposaient d'un délai de trente jours à compter de cette réception, ces derniers, qui n'établissent pas avoir adressé au service une demande de prolongation de ce délai, ont formulé des observations en réponse à ces rectifications le 21 janvier 2011, soit postérieurement au délai prévu par les dispositions susmentionnées de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales. Les requérants qui doivent ainsi être regardés comme ayant accepté tacitement les rehaussements notifiés, supportent la charge de la preuve de la réalité et du montant des distributions en provenance de la société Daliah Traiteur Prestige.
5. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital / (...) ".
6. Pour remettre en cause la comptabilité de la société Daliah Traiteur Prestige, spécialisée dans la préparation de repas casher, l'administration a relevé que la société avait réglé des fournisseurs sans factures correspondantes dans ses comptes fournisseurs rendant ceux-ci débiteurs pour des montants élevés. Elle a également constaté que la société qui facturait à la formule, présentait des factures clients comportant pour la plupart un libellé imprécis, sans détail sur la nature des prestations effectuées, ce qui ne permettait ni de déterminer le nombre et la nature des repas fournis, ni de procéder à un recoupement avec les devis des factures présentés qui d'ailleurs se résumaient à un tableau indiquant le nombre et le prix des formules, sans rappel des différentes formules facturées, et sans que la société n'ait été en mesure de présenter de carte des menus, de contrats ou de devis clients détaillant le contenu de ces formules. Des achats de viandes et de poissons n'étaient en outre pas refacturés aux clients. Par ailleurs, les factures présentées, qui portaient exclusivement sur l'organisation de buffets, ne permettaient pas de retracer l'activité de livraison de dîners de la société, prestation pourtant proposée sur le site internet de celle-ci, et alors que, contrairement aux menus des buffets, la description de ces dîners inclut la fourniture de plats préparés à partir des pièces de viande et des poissons dont les factures d'achat sont jointes à la comptabilité. Les boissons alcoolisées étaient en outre facturées avec une marge bénéficiaire particulièrement faible. Pour ces motifs, c'est à bon droit que l'administration fiscale a imposé le montant des bénéfices ainsi désinvestis de la société Daliah Traiteur Prestige au nom de M. et Mme B..., en application des dispositions précitées du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, sans que les requérants ne puissent utilement se prévaloir de la doctrine administrative publiée au BOI-CF-IOR-10-20-20120912.
7. Pour reconstituer le chiffre d'affaires de la société Daliah Traiteur Prestige la vérificatrice s'est fondée sur ses achats de viandes et de poissons destinés aux buffets et dîners organisés en 2007 et 2008. Les achats de viandes résultant des factures présentées pour 2008 étant toutefois très inférieurs à ceux effectués au titre de l'exercice précédent, alors que le chiffre d'affaires déclaré par la société était en progression, la vérificatrice s'est donc fondée sur les achats de viande facturés en 2007 pour estimer les achats de viande en 2008. Elle a ensuite déterminé le nombre de convives servis en retenant une portion moyenne par convive de 300 grammes pour le poisson et de 200 grammes pour la viande, afin d'obtenir le nombre de couverts servis en 2007 et en 2008, auquel a été appliqué un prix moyen de 50 euros par repas obtenu par comparaison avec les prix proposés par trois sociétés spécialisées dans l'organisation de réceptions cacher. Le chiffre d'affaires toutes taxes comprises de la société a été reconstitué par application de ce prix moyen de 50 euros au nombre de convives retenu, et après correction d'un pourcentage de 20 % de pertes et d'offerts.
8. Les requérants contestent la méthode de reconstitution des recettes précédemment décrite, estimant qu'elle est viciée dans son principe et excessivement sommaire. Ils ne critiquent toutefois pas utilement la méthode de calcul des achats de viande obtenus par comparaison entre les deux exercices 2007 et 2008 en faisant état de la circonstance qu'aucun traiteur ou restaurant cacher ne prendrait le risque d'effectuer des achats sans facture par peur de perdre la certification cacher et la clientèle qui y est attachée. De même, ils n'apportent aucun élément de nature à remettre en cause les grammages des portions de poisson et de viande par convive en se bornant à soutenir qu'ils ne correspondent pas à l'activité de traiteur de la société Daliah Traiteur Prestige mais à son activité de restauration, dès lors que les buffets sont les formules les plus vendues avec les formules dites complètes, et que les documents émanant des hôtels où sont organisés les buffets dont ils se prévalent, ne retracent pas toute l'activité de la société. S'ils soutiennent, enfin, que les termes de comparaison retenus par le service pour estimer le prix moyen d'un repas à 50 euros ne sont pas pertinents, la vérificatrice a cependant retenu une décote des prix facturés par ces établissements pour établir ce tarif moyen et tenu compte de la circonstance que la société Daliah Traiteur Prestige facturait uniquement la fourniture des repas. Les requérants, qui ne sauraient critiquer la méthode des vins dès lors que le service ne s'est pas fondé sur celle-ci, ne proposent aucune autre méthode alternative permettant de déterminer les recettes de la société Daliah Traiteur Prestige avec une meilleure précision. Ils ne sont, dès lors, pas fondés à soutenir que la méthode de reconstitution de recettes de cette société, était excessivement sommaire.
En ce qui concerne l'appréhension des distributions :
9. Le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle.
10. Il résulte de l'instruction que le service a relevé que, si l'épouse de M. B...détenait 50 % du capital de la société Daliah Traiteur Prestige, les pouvoirs de direction et de gestion étaient en réalité exercés par les deux époux, M. B...étant le gérant de droit de l'entreprise, et Mme B... détenant la signature du compte bancaire de celle-ci. Le service a également noté que les époux B...sont les deux interlocuteurs des clients et fournisseurs de la société Daliah Traiteur Prestige. M. et MmeB..., qui ne contestent pas les éléments relevés par le service, ne peuvent soutenir qu'ils ne pouvaient exercer, conjointement, la maîtrise de l'affaire, dès lors qu'ils sont soumis à imposition commune. S'agissant des deux membres d'un même foyer fiscal, l'administration a ainsi pu regarder à bon droit M. et Mme B... comme maîtres de l'affaire. Elle apporte, par suite, la preuve de l'appréhension par les intéressés des revenus distribués par la société Daliah Traiteur Prestige qu'ils contrôlent.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté le surplus des conclusions de leur demande.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'affaire, de mettre à la charge de l'État les sommes que M. et Mme B... demandent au titre des frais qu'ils ont exposés.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de M. et Mme B...à concurrence du dégrèvement d'un montant, en droits et pénalités, de 38 128 euros prononcé en cours d'instance par l'administration fiscale en ce qui concerne les cotisations supplémentaires de contributions sociales mises à la charge de M. et Mme B...au titre des années 2007 et 2008.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme B...est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et du département de Paris, pôle fiscal parisien 1.
Délibéré après l'audience du 9 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Poupineau, président assesseur,
- Mme Lescaut, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 mai 2019.
Le rapporteur,
C. LESCAUTLe président,
S.-L. FORMERYLe greffier,
C. RENÉ-MINE
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA01875