Procédure devant la Cour :
Par une requête et deux mémoires enregistrés les 12 juin 2018, 25 mars et 3 mai 2019, M. E..., représenté par Me A...et MeD..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1605377 du 12 avril 2018 du Tribunal administratif de Melun en tant qu'il lui est défavorable ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des cotisations primitives de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011 ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la proposition de rectification qui lui a été adressée est insuffisamment motivée en méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dès lors qu'en omettant de préciser les modalités de détermination des chiffres d'affaires reconstitués de la société Décor Bâti Pose et des taux de charges retenus pour chacune des années en litige, elle ne reproduit que partiellement les motifs de la proposition de rectification adressée à cette société, ce qui ne lui a pas permis de discuter utilement les redressements en résultant en matière d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux ;
- la procédure d'imposition est pour ce motif entachée d'une irrégularité substantielle au sens de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ;
- l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, les documents obtenus auprès des banques dans le cadre du droit de communication de l'administration ne lui ayant pas été communiqués ;
- l'administration n'apporte pas la preuve qui lui incombe qu'il est le maître de l'affaire de la société Décor Bâti Pose ;
- la pénalité pour manquement délibérée appliquée sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts n'est pas justifiée.
Par un mémoire en défense et un mémoire enregistrés les 11 octobre 2018 et 23 avril 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. E...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lescaut,
- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant M.E....
Considérant ce qui suit :
1. La société Décor Bâti Pose a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011 à l'issue de laquelle le service a écarté comme non probante la comptabilité qui lui était présentée et a procédé à une reconstitution du chiffre d'affaires de l'entreprise pour ces deux exercices à partir des relevés bancaires obtenus dans le cadre du droit de communication et d'un pourcentage de charges déterminé à partir des recettes d'exploitation hors taxes. A l'issue d'un contrôle sur pièces, M.E..., gérant associé à hauteur de 50 % du capital social de cette société, a été destinataire d'une proposition de rectification en date du 9 juillet 2013 par laquelle le service a taxé entre ses mains dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement des dispositions du c) de l'article 111 du code général des impôts, les revenus considérés comme distribués à raison des chiffres d'affaires non déclarés par la société Décor Bâti Pose. M. E... a, en conséquence, été assujetti à des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales assorties des intérêts de retard et de la majoration prévue par l'article 1729 du code général des impôts. Il relève appel du jugement du 12 avril 2018, par lequel le Tribunal administratif de Melun, après avoir prononcé un non-lieu à statuer, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées. En cas de motivation par référence, l'administration doit, en principe, annexer les documents auxquels elle se réfère dans la proposition de rectification ou en reprendre la teneur.
4. La proposition de rectification en date du 9 juillet 2013 adressée à M. E... indique le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal, la catégorie de revenus, ainsi que les années d'imposition concernées. Pour justifier l'imposition entre les mains du contribuable des revenus distribués correspondant aux recettes non déclarées de la société Décor Bâti Pose, le service a relevé, sans joindre à ce document la proposition de rectification adressée à cette entreprise, que ces rectifications faisaient suite à la vérification de la comptabilité de cette société à l'issue de laquelle le vérificateur, après avoir constaté l'existence de minorations de recettes, avait reconstitué ses résultats, et que le requérant, qui s'était comporté en maître de l'affaire, devait être regardé comme ayant appréhendé le montant des distributions correspondantes.
5. M. E... soutient que la proposition de rectification en date du 9 juillet 2013 est insuffisamment motivée au sens des dispositions susmentionnées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dès lors qu'elle ne précise pas les modalités de calcul du chiffre d'affaires reconstitué de la société et des charges retenues par le service au titre des deux exercices en litige, et ne reproduit ainsi que partiellement les motifs de la proposition de rectification adressée à la société Décor Bâti Pose, alors qu'il n'a pas été destinataire de cette proposition de rectification, dont il n'a pu prendre connaissance.
6. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 9 juillet 2013 reprend les motifs des paragraphes X et XI intitulés " A omission du chiffre d'affaires " et " Revenus distribués ", et reproduit les pages 23 à 28 de la proposition de rectification du 18 juin 2013 notifiée à la société Décor Bâti Pose, sans toutefois en reprendre le paragraphe VII relatif à la méthode utilisée par le service pour reconstituer les recettes et déterminer les charges de la société Décor Bâti Pose, ni exposer les modalités de calcul des recettes dissimulées et d'évaluation des charges retenues ayant permis à l'administration de déterminer le montant des bénéfices distribués à M. E.... Alors que la proposition de rectification concernant la société a été envoyée à son représentant légal à l'adresse de la société située " chez SYPRA CONSEIL " et non à l'adresse personnelle du requérant, il résulte, tant de la lettre d'observations du contribuable du 9 septembre 2013 que de sa réclamation préalable du 4 novembre 2015, que M. E...a indiqué qu'il n'avait " pas été attributaire des propositions de rectification permettant de mettre en place ces impositions ". Si le requérant a pu formuler des observations dans sa lettre du 9 septembre 2013 sur les modalités d'évaluation des charges développées dans la proposition de rectification du 18 juin 2013, cette contestation a été présentée en des termes très généraux qui ne faisaient aucune référence au passage VII relatif à ces modalités de calcul et d'évaluation. M. E..., qui n'a ainsi pas disposé de l'ensemble des informations lui permettant de contester utilement les impositions auxquelles il a été personnellement assujetti, est, dès lors, fondé à soutenir que la proposition de rectification du 9 juillet 2013 qui lui a été adressée est insuffisamment motivée en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, et à demander, pour ce motif, la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales restant en litige, auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011, ainsi que des pénalités s'y rapportant.
7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. E...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : M. E... est déchargé, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des cotisations primitives de contributions sociales restant en litige auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011.
Article 2 : Le jugement n° 1605377 en date du 12 avril 2018 du Tribunal administratif de Melun est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à M. E...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...E...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal d'Île-de-France - Division juridique Ouest.
Délibéré après l'audience du 9 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Poupineau, président assesseur,
- Mme Lescaut, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 mai 2019.
Le rapporteur,
C. LESCAUTLe président,
S.-L. FORMERY
Le greffier,
C. RENÉ-MINE
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA01980