Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 10 février 2017 et un mémoire en réplique enregistré le 21 novembre 2017, MeB..., liquidateur judiciaire de la société Service Voiturier Professionnel, représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1516872 du Tribunal administratif de Paris en date du 14 décembre 2016 ;
2°) de lui accorder la décharge des impositions en litige et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme à déterminer au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé, le tribunal n'ayant pas tenu compte des pièces qu'elle a produit ;
- l'administration a dénaturé l'avis de la commission départementale des impôts ;
- l'administration n'a pas tenu compte de son modèle économique pour la période du 1er janvier 2010 au 30 septembre 2011, durant laquelle le prix de 8 euros payé par les clients des établissements était encaissé et conservé par les voituriers, qui avaient le statut d'auto-entrepreneurs ;
- le rejet de la comptabilité n'est pas justifié dès lors que les justificatifs demandés n'existent pas compte tenu du modèle économique de la société ; à titre subsidiaire, des pièces justificatives ont été produites au titre de la période du 1er octobre au 31 décembre 2011 ;
- la reconstitution de recettes opérée par l'administration est sommaire, globale et forfaitaire, elle n'est pas en adéquation avec la réalité des conditions d'exploitation de la société ; le nombre de clients ayant augmenté et les conditions d'exploitation ayant été modifiées, l'application d'un coefficient fondé sur le 4ème trimestre 2011 n'est pas pertinent ; la reconstitution ne tient pas compte des charges liées aux délégataires ;
- elle a proposé une simulation de reconstitution dans son mémoire en réplique devant le tribunal.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 juin 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Doré,
- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Service Voiturier Professionnel, anciennement dénommée SARL Leaving Car, avait pour objet de mettre à disposition de ses clients du personnel pour assurer la fonction de voiturier. Elle a fait l'objet d'une procédure de vérification de comptabilité au titre des exercices clos les 31 décembre 2010 et 2011. Par un procès-verbal du 2 avril 2013, le vérificateur a estimé que la comptabilité présentée était incomplète, irrégulière et non probante en l'absence de comptabilisation de recettes en espèces pour l'exercice 2010 et pour les trois premiers trimestres de l'exercice 2011 et en l'absence de production des justificatifs détaillés des recettes en espèces du quatrième trimestre 2011. A la suite d'une reconstitution de ces recettes non comptabilisées, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont été mis à la charge de la société requérante. Me B..., liquidateur judiciaire de la société Service Voiturier Professionnel, fait appel du jugement du 14 décembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010 et 2011 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie pour la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.
Sur la régularité du jugement :
2. Il résulte des motifs mêmes du jugement que les premiers juges ont expressément répondu aux moyens contenus dans les mémoires produits par la société requérante. En particulier, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre au moyen tiré du caractère vicié de la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires retenue par l'administration, la société requérante n'ayant pas présenté de méthode alternative de reconstitution de ses recettes, mais s'étant bornée à critiquer la méthode retenue par l'administration. Par suite, la société Service Voiturier Professionnel n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
3. Si la société Service Voiturier Professionnel fait valoir que le courrier de l'administration accompagnant la notification de l'avis de la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires comporte une erreur quant à la position de la commission, cette circonstance est, par elle-même, sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition. Par ailleurs, ni cette erreur, ni le fait que le procès-verbal dressé pour comptabilité irrégulière et non probante n'ait été établi que le 2 avril 2013, alors que les opérations de contrôle sur place avaient débuté le 10 janvier 2013, ne sont suffisants pour établir que l'administration aurait fait preuve d'un comportement déloyal à l'égard de la contribuable.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
4. Il résulte de l'instruction qu'avant le 1er octobre 2011, la société requérante facturait à ses clients, restaurants, hôtels ou boutiques notamment, un forfait mensuel consistant en la mise à disposition de personnel pour assurer la fonction de voiturier et salariait sur le fondement, pour l'essentiel, de contrats de travail à temps partiel et à durée indéterminée, un personnel pour exercer cette activité principale, à charge pour les salariés de verser les recettes collectées à l'occasion de la réalisation des prestations à la société. Par ailleurs, la société sous-traitait à certains salariés, cette fois placés sous le régime des travailleurs indépendants, des activités accessoires à la prestation de voiturier, sur le fondement de contrats de " délégation de prestations ", qui stipulaient toutefois que la société requérante conservait " l'entière propriété et la gestion des prestations principales de voiturier rendues aux établissements ", les sommes perçues à titre accessoire par le travailleur indépendant rémunérant par exemple des prestations de surveillance et de lavage des véhicules ou la recherche de moyens de transport alternatifs pour les utilisateurs. Ainsi, la rémunération de l'activité principale de voiturier restait en toute hypothèse acquise à la société Service Voiturier Professionnel, ce modèle de rémunération de la prestation de voiturier étant au demeurant resté le même après le 1er octobre 2011, la circonstance que la société ait mis, à cette date, un terme aux contrats de " délégation de prestations " pour prendre en charge l'intégralité des prestations en les facturant, d'une part, aux établissements et, d'autre part, à leurs clients, étant sans effet sur l'acquisition des rémunérations des prestations de voiturier au profit de la société au titre de l'ensemble de la période vérifiée. Il est constant que la prestation de voiturier, distincte des prestations accessoires prévues par les contrats de " délégation de prestations ", était facturée huit euros aux clients des établissements au cours de la période vérifiée, alors que la société requérante n'a comptabilisé, avant le 1er octobre 2011, que les sommes facturées aux établissements qui étaient ses clients, les prestations facturées aux clients de ces établissements au titre de la prise en charge du stationnement de leur véhicule ne relevant pas des prestations accessoires précitées et leur rémunération n'étant pas acquise aux voituriers, mais à la société Service Voiturier Professionnel. Dès lors que les recettes ainsi encaissées par les voituriers et qui étaient acquises à la société requérante n'ont pas été comptabilisées, la comptabilité de cette société a pu être écartée comme insincère et irrégulière. A cet égard, dès lors qu'il résulte de ce qui précède que les sommes versées par les clients finaux au titre des prestations de voiturier proprement dites devaient être comptabilisées par la société requérante, celle-ci ne saurait soutenir, pour justifier que les " tickets souches " qui étaient délivrés aux clients finaux ne sont pas en sa possession, qu'ils constituaient des pièces comptables des délégataires. Par ailleurs, au titre du quatrième trimestre 2011, la société Leaving Car n'a pas présenté de détail des recettes encaissées en espèces, se bornant à enregistrer ces recettes sur la base de déclarations sur l'honneur mensuelles des voituriers. Sa comptabilité ne pouvait ainsi et en tout état de cause pas plus être regardée comme sincère et régulière au titre de cette période. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le vérificateur ne pouvait régulièrement écarter la comptabilité et reconstituer ses recettes.
5. Ayant constaté que les recettes encaissées en espèces et reversées par les voituriers à la société Leaving Car n'ont été comptabilisées qu'au titre du dernier trimestre de l'exercice 2011, le vérificateur a reconstitué les recettes en espèces de l'exercice 2010 et des trois premiers trimestres de l'exercice 2011, en appliquant aux recettes facturées aux clients un coefficient de 0,29, correspondant au rapport entre les espèces déclarées et les recettes facturées aux établissements clients au titre du quatrième trimestre 2011. Contrairement à ce que soutient la société Service Voiturier Professionnel, la méthode de reconstitution de ses recettes retenue par l'administration, consistant à appliquer aux recettes de l'année 2010 et des trois premiers trimestres de l'année 2011 le ratio entre les recettes facturées par la société aux établissements clients sous forme de forfait et les recettes en espèces déclarées et constatées au quatrième trimestre 2011, repose sur des données propres à la société et tient compte de ses conditions d'exploitation. Cette méthode n'est ni sommaire ni radicalement viciée. Il résulte en outre de l'instruction que le vérificateur ne disposait d'aucune pièce justificative lui permettant de retenir une autre méthode, la société requérante ne proposant d'ailleurs, ainsi que l'ont justement relevé les premiers juges, aucune méthode alternative de reconstitution de ses recettes en espèces non comptabilisées. A cet égard, la pondération dont se prévaut la société requérante, qui ne cite de chiffres qu'à " titre d'exemple ", n'est étayée d'aucun élément de preuve. De même, elle ne justifie pas de l'existence de charges liées aux délégataires qui n'auraient pas été prises en compte. Enfin, en se bornant à invoquer la mention, dans la proposition de rectification du 15 mai 2013, de ce que " le nombre de client n'a cessé d'évoluer ", la société requérante n'établit pas l'augmentation qu'elle allègue du nombre de clients au quatrième trimestre 2011. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme établissant le bien-fondé des impositions en litige.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Service Voiturier Professionnel n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, et en tout état de cause, ses conclusions non chiffrées présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de MeB..., liquidateur judiciaire de la société Service Voiturier Professionnel, est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à MeB..., liquidateur judiciaire de la société à responsabilité limitée Service Voiturier Professionnel, et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et du département de Paris, pôle fiscal parisien 1.
Délibéré après l'audience du 17 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Lescaut, premier conseiller,
- M. Doré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 31 janvier 2019.
Le rapporteur,
F. DORÉLe président,
S.-L. FORMERY
Le greffier,
C. RENÉ-MINE
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA00518