Par un jugement n° 2006378 du 19 octobre 2020, le magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Montreuil a admis provisoirement M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle, a annulé cet arrêté et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Me E... sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 19 novembre 2020, et par un mémoire complémentaire, enregistré le 16 décembre 2020, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Montreuil du 19 octobre 2020 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le Tribunal administratif de Montreuil.
Il soutient que :
- c'est à tort que le magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Montreuil a fait droit au moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté en litige ;
- les autres moyens soulevés par M. C... devant le Tribunal administratif de Montreuil ne sont pas fondés.
La requête et le mémoire complémentaire ont été communiqués à M. C..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant malien, né le 2 janvier 1987 à Yagine (Mali), a été interpellé par les services de police le 1er juillet 2020. Par un arrêté du même jour, le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé à l'issue de ce délai. M. C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil l'annulation de cet arrêté. Le préfet de police fait appel du jugement du 19 octobre 2020 par lequel le magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté.
En ce qui concerne la requête du préfet de police :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, applicable aux actes réglementaires en vertu de l'article L 200-1 de ce code : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ".
3. Il ressort des pièces du dossier, que la signataire de l'arrêté en litige, Mme A..., attachée d'administration de l'Etat, bénéficiait d'une délégation de signature en vertu de l'arrêté n° 2020-00508 du 16 juin 2020, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de police, dont le préfet de police a produit l'exemplaire original comportant sa signature ainsi que la mention en caractères lisibles de ses prénom, nom et qualité. Le préfet de police est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté en litige au motif que l'arrêté de délégation de signature du 17 avril 2019 publié au recueil ne comportait pas la signature de son auteur et que ce dernier n'avait pas produit l'exemplaire signé de cet arrêté.
4. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le Tribunal administratif de Montreuil.
En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. C... :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". L'arrêté en litige vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et notamment ses articles 3 et 8, les dispositions pertinentes de la convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin 1990 ainsi que celles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative s'est fondée pour prononcer l'obligation de quitter le territoire et fixer le pays de destination.
6. En deuxième lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier, ni de la motivation de l'arrêté litigieux, rappelée ci-dessus, que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. C....
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Si
M. C... se prévaut de sa présence en France depuis 2014, il n'assortit ce moyen d'aucun élément de fait permettant d'en apprécier le bien-fondé. De plus, M. C... est célibataire et sans enfant à charge. Par ailleurs, il ne conteste pas ne pas être dépourvu de liens avec son pays où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 27 ans. Dans ces conditions, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut être regardée comme portant une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations citées ci-dessus, ou comme reposant sur une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". M. C..., qui se borne à invoquer ces stipulations à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi, n'assortit ce moyen d'aucun élément de fait permettant d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 1er juillet 2020.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2006378 du magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Montreuil du 19 octobre 2020 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le Tribunal administratif de Montreuil est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... C....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 19 février 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. D..., président-assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 mars 2021.
Le rapporteur,
J-C. D...Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
K. PETIT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA03465 2