Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 28 mai 2019, 1er juillet 2019 et 26 février 2020, Mme B..., représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 28 mars 2019 ;
2°) de mettre à la charge de l'INSERM une somme de 80 223,04 euros avec intérêts et capitalisation des intérêts ;
3°) de mettre à la charge de l'INSERM une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors qu'elle n'a pas été mise à même de connaitre le sens des conclusions du rapporteur public avant l'audience, en méconnaissance de l'article R.711-3 du code de justice administrative ;
- le jugement est irrégulier également en ce qu'il a omis de statuer sur le moyen tiré de l'illégalité fautive du non-renouvellement de son recrutement postérieurement au 28 février 2012 ;
- il est irrégulier aussi car insuffisamment motivé ;
- le tribunal a à tort rejeté la demande d'indemnisation d'une perte de chance sérieuse d'obtenir un contrat à durée indéterminée alors que, même si elle ne justifiait pas de six ans de services publics au 30 avril 2011 ou au 28 février 2012, un renouvellement de recrutement à cette date lui aurait permis de pouvoir ensuite justifier d'une telle durée de services ;
- le jugement est entaché d'erreur de qualification juridique des faits dès lors qu'il ne reconnait pas que le non-renouvellement de son contrat après le 28 février 2012 n'était pas justifié par un intérêt du service et était par suite illégal et de nature à ouvrir droit à réparation ;
- alors même que le renouvellement d'un contrat à durée déterminée et sa transformation en contrat à durée indéterminée ne sont pas de droit, elle a droit à indemnisation du fait de l'erreur manifeste d'appréciation de l'intérêt du service commise par l'INSERM et reconnue par le tribunal, ainsi que par la Cour dans son arrêt du 14 octobre 2014.
Par des mémoires en défense enregistrés les 31 janvier 2020 et 16 avril 2020, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, représenté par la SCP Waquet, Farge Hazan, avocats aux Conseils, demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement en tant qu'il a condamné l'INSERM à verser à Mme B... une somme de 3 000 euros en réparation du préjudice résultant de son manque à gagner sur la période du 30 avril 2011 au 28 février 2012 ;
3°) de mettre à la charge de Mme B... une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable car ses conclusions se heurtent à l'autorité de la chose jugée ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- les conclusions de M. C..., rapporteur public,
- et les observations de Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... a été recrutée à vingt-sept reprises par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), entre le 1er octobre 2006 et le 30 avril 2011, pour des durées variant entre un et six mois, en vue d'exercer des fonctions relevant de la catégorie " Ingénieur, informaticien, travaux de recherche ". Ayant été informée au cours du mois d'avril 2011 que son engagement ne serait pas renouvelé, Mme B..., dans un courrier reçu par l'INSERM le 1er juin 2011, a contesté la légalité de la décision ainsi prise et a demandé à l'établissement public de la rétablir dans ses fonctions. N'ayant reçu aucune réponse, elle a saisi le Tribunal administratif de Paris le 30 septembre 2011 d'une demande dirigée contre la décision implicite de rejet du recours gracieux contestant la décision de ne pas renouveler son engagement et tendant également, d'une part, à ce qu'il soit fait injonction à l'INSERM de conclure avec elle un contrat à durée indéterminée et, d'autre part, à ce que l'INSERM soit condamné à lui payer une indemnité de 25 000 euros en réparation du préjudice résultant de l'insuffisance de sa rémunération de vacataire qui ne correspondait pas à sa situation réelle, une indemnité égale à trois mois de salaire pour compenser l'absence de préavis au non-renouvellement de son engagement et une indemnité de 20 000 euros en réparation de l'ensemble des autres préjudices résultant pour elle des agissements de son employeur. Par jugement n° 1117120/5-3 du 23 janvier 2013 le Tribunal administratif de Paris a rejeté l'ensemble des conclusions de sa demande. Saisie par Mme B..., la Cour administrative d'appel de Paris, par un arrêt n° 13PA01164 du 14 octobre 2014, a toutefois annulé ce jugement, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux dirigé contre le refus de renouvellement de son engagement, et a condamné l'INSERM à verser à Mme B... une somme de 30 000 euros avec intérêts au taux légal, en réparation des préjudices subis. Toutefois Mme B... a, par un courrier du 28 septembre 2016 reçu le 30 septembre suivant, sollicité une indemnisation complémentaire d'un montant de 80 223,04 euros en réparation des préjudices résultant selon elle de la décision de non-renouvellement de son contrat après le 30 avril 2011 et de la décision de cesser de recourir aux prestations de son association après le 28 février 2012. L'INSERM n'ayant pas donné suite à cette demande, Mme B... a dès lors saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à la condamnation de l'INSERM à lui verser, à titre principal, la somme de 80 223,04 euros en réparation de l'illégalité fautive de la décision de non-renouvellement de son contrat après le 30 avril 2011 et, à titre subsidiaire, à lui verser la somme de 77 014,24 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité fautive de la décision de non-renouvellement de son recrutement après le 28 février 2012. Mais par jugement du 28 mars 2019 le Tribunal administratif de Paris a seulement condamné l'INSERM à lui verser une somme de 3 000 euros à titre d'indemnité en réparation du préjudice résultant d'une rémunération à la vacation plutôt qu'en tant qu'agent contractuel entre le 30 avril 2011 et le 28 février 2012, et a rejeté le surplus de ses conclusions ; c'est l'arrêt dont Mme B... interjette appel.
Sur les conclusions de l'appel principal :
Sur la fin de non-recevoir opposée par l'INSERM :
2. Si l'INSERM fait valoir que les conclusions de Mme B... méconnaitraient l'autorité de la chose jugée par l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris n° 13PA01164 du 14 octobre 2014 devenu définitif, une telle circonstance ne pourrait en tout état de cause conduire qu'à leur rejet au fond mais serait sans incidence sur leur recevabilité. La fin de non-recevoir ne peut par suite qu'être écartée.
Sur la régularité du jugement :
3. Si Mme B... soutient qu'elle n'aurait pas été avisée du sens des conclusions du rapporteur public avant l'audience, en méconnaissance des dispositions de l'article R.711-3 du code de justice administrative, l'avis d'audience qui lui a été adressé l'informait de la possibilité de consulter ces conclusions deux jours avant l'audience sur l'application " Sagace ", et il ressort par ailleurs de la fiche requête que les conclusions ont bien été déposées sur ce site le 12 mars 2019, soit deux jours avant l'audience. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 711-3 du code de justice administrative manque dès lors en fait.
4. Mme B... fait aussi valoir dans sa requête introductive d'instance que le tribunal, statuant sur ses conclusions subsidiaires tendant à la condamnation de l'INSERM à l'indemniser des préjudices résultant de l'illégalité alléguée de la décision de non-renouvellement de son contrat après le 28 février 2012, n'aurait pas répondu au moyen tiré de l'illégalité fautive de cette décision, puis, dans ses écritures complémentaires, qu'il y aurait insuffisamment répondu. Or s'il ressort du jugement attaqué qu'il a en effet répondu sur cette illégalité alléguée, il s'est borné à retenir que ", ainsi qu'il a été dit au point 7, il résulte de l'instruction que l'INSERM a cessé de faire appel à Mme B... après le 28 février 2012. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir qu'en ne renouvelant pas son contrat après cette date, l'INSERM a méconnu l'intérêt du service " alors qu'il ne peut se déduire de la seule circonstance que l'INSERM n'ait plus eu recours à Mme B... que la décision attaquée ne serait pas contraire à l'intérêt du service. Mme B... est par suite fondée à soutenir que le jugement, en tant qu'il rejette les conclusions tendant à rechercher la responsabilité de l'INSERM en raison de l'illégalité alléguée de la décision de ne pas renouveler son engagement après le 28 février 2012, est insuffisamment motivé et par suite à demander l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions présentées sur ce fondement, ainsi que les conclusions subsidiaires tendant au versement à Mme B... d'une somme de 77 014,24 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité fautive de cette décision et de statuer sur ces conclusions par la voie de l'évocation.
Sur le bien-fondé du jugement en tant que, statuant sur les conclusions principales de la requête tendant à la condamnation de l'INSERM au versement une somme de 80 223,04 euros en réparation de l'illégalité fautive de la décision de non-renouvellement de son contrat après le 30 avril 2011, il lui a accordé une indemnité de 3 000 euros :
5. Il ressort de l'arrêt du 14 octobre 2014 devenu définitif que la Cour a alors statué sur des conclusions à fins d'annulation de la décision implicite de rejet du recours gracieux formé à l'encontre de la décision de ne pas renouveler son contrat après le 30 avril 2011 et a annulé cette décision pour illégalité du fait que Mme B..., en raison des missions confiées jusqu'en février 2012 à l'association qu'elle avait créée, devait être regardée comme ayant continué à être employée par l'INSERM jusqu'à cette date, et qu'ainsi la décision de non-renouvellement contestée était entachée d'erreur manifeste d'appréciation de l'intérêt du service. Le tribunal dans son jugement du 23 janvier 2013 n'ayant alors, en revanche, pas statué sur des conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice résultant du non-renouvellement du contrat de Mme B... après le 30 avril 2011, l'INSERM n'est pas fondé à opposer à celle-ci l'autorité de la chose jugée par la Cour dans cet arrêt du 14 octobre 2014 qui n'y a pas statué davantage. En revanche l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'annulation de la décision contestée et aux motifs qui en constituent le fondement impose de considérer que Mme B... a été employée par l'établissement public défendeur jusqu'au mois de février 2012. Par ailleurs la Cour avait également jugé dans cet arrêt qu'elle devait se voir indemniser du préjudice résultant du manque à gagner entre les rémunérations qu'elle avait perçues comme vacataire et celles qu'elle aurait dû percevoir si elle avait été recrutée comme agent contractuel, et que, pour la période du 1er octobre 2006 au 30 avril 2011, et en prenant en compte le barème de rémunération des agents de l'INSERM applicable à compter du 1er janvier 2010, il pouvait lui être accordé à ce titre une indemnité de 25 000 euros. C'est dès lors à juste titre que le tribunal a jugé que Mme B... devait également se voir indemniser du même chef de préjudice, résultant du manque à gagner, pour la période du 30 avril 2011 au 28 février 2012, et c'est par une juste évaluation de ce chef de préjudice qu'il a, à ce titre, condamné l'INSERM à lui verser une somme de 3 000 euros. Par suite, les conclusions présentées par Mme B... tendant à la majoration de l'indemnité accordée du fait de l'illégalité fautive de la décision de non-renouvellement de son contrat après le 30 avril 2011, ainsi que les conclusions d'appel incident de l'INSERM ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions dont il appartient à la Cour de connaitre par la voie de l'évocation, et tendant à la condamnation de l'INSERM à verser à la requérante une somme de 77 014,24 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité fautive de la décision de non-renouvellement de son recrutement après le 28 février 2012 :
6. Il ressort en premier lieu de l'arrêt de la Cour de céans du 14 octobre 2014 qu'il n'avait pas été alors statué sur de telles conclusions, jugées irrecevables car nouvelles en appel. Par suite l'INSERM n'est pas fondé à opposer dans la présente instance l'autorité de la chose jugée par ce précédent arrêt.
7. En revanche si Mme B... soutient que ce non-renouvellement de son contrat serait illégal dès lors que l'établissement public défendeur ne justifierait pas de ce que cette décision serait conforme à l'intérêt du service, il résulte de l'instruction que l'INSERM n'a plus eu besoin de recourir aux prestations de l'intéressée dans les deux mois qui ont suivi la décision de non-renouvellement de son contrat au 30 avril 2011, et que cet organisme n'a ensuite recouru à nouveau à elle, par l'intermédiaire de l'association qu'elle avait créée, que pour assurer l'exploitation et la valorisation des données de la " cohorte SIRS 2010 ", c'est-à-dire pour parachever l'étude à laquelle elle avait participé et sur le budget de laquelle elle avait été financée. Compte tenu de l'achèvement de cette étude, et des contraintes budgétaires exposées par l'INSERM, et nonobstant la lettre d'un directeur de recherche du 12 août 2011 plaidant en faveur de l'emploi permanent de Mme B..., l'établissement public justifie suffisamment de ce que la décision de ne plus employer celle-ci après le 28 février 2012 n'est pas contraire à l'intérêt du service et par suite n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation. Mme B... n'est donc pas fondée à demander réparation du préjudice qui résulterait selon elle, de cette illégalité fautive.
8. Par ailleurs si Mme B... fait état de ce que la décision attaquée de ne plus recourir à ses prestations à compter du 28 février 2012 l'aurait privée d'une chance de voir son contrat de travail transformé en contrat à durée indéterminée en application de l'article 6 bis de la loi du 11 janvier 1984, une telle circonstance est sans incidence sur la légalité de cette décision dès lors que, ainsi qu'il vient d'être dit, elle est conforme à l'intérêt du service et n'est, par suite pas entachée de détournement de pouvoir. De plus, dès lors que cette décision de non-renouvellement était justifiée par l'absence de besoin de continuer à recourir à ses prestations, Mme B... n'est pas davantage fondée à soutenir qu'elle lui aurait fait perdre une chance de voir son contrat transformé en contrat à durée indéterminée et à demander en conséquence réparation de ce chef de préjudice.
9. Enfin si Mme B... invoquait devant les premiers juges l'irrégularité de la décision attaquée du fait qu'elle n'en aurait pas été avisée huit jours à l'avance, elle ne justifie pas, en tout état de cause, d'un préjudice en lien avec cette irrégularité alléguée.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est seulement fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a statué sur ses conclusions subsidiaires tendant à la réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité fautive de la décision de non-renouvellement de son recrutement après le 28 février 2012. Le surplus des conclusions de sa requête ainsi que ses conclusions tendant à la réparation de ses préjudices doivent en revanche être rejetés ainsi que l'appel incident de l'INSERM.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... et de l'INSERM les sommes demandées au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1701846 du 28 mars 2019 du Tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions de Mme B... tendant à la réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité fautive de la décision de non-renouvellement de son recrutement après le 28 février 2012.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions tendant à la réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité fautive de la décision de non-renouvellement du recrutement de la requérante après le 28 février 2012 sont rejetés.
Article 3 : L'appel incident de l'INSERM est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de l'INSERM présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... et à l'INSERM.
Délibéré après l'audience du 22 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme E... premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 octobre 2020.
Le rapporteur,
M-I. E...Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
T. ROBERT
La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA01767