Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 17 juillet 2019 et
24 mars 2020, Mme B... et M. E... représentés par Me A..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 7 juin 2019 ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet du recours indemnitaire formé le
24 novembre 2017 ;
3°) de condamner l'Etat à leur verser une somme de 258 381 euros en réparation des préjudices allégués résultant de l'illégalité de la décision de refus de renouvellement de l'autorisation d'ouverture de nuit pour leur établissement " Le Quartier général " ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'illégalité de la décision attaquée a été constatée par jugement du tribunal administratif du 18 mars 2015 et par un arrêt de la cour administrative d'appel du 10 mai 2016 ;
- le tribunal administratif a, à tort, jugé que les faits reprochés auraient pu, si la procédure avait été régulière, légalement justifier la décision de non renouvellement de l'autorisation d'ouverture de nuit de leur établissement, et en conséquence rejeter leurs demandes indemnitaires, alors que les faits en cause sont inexacts et non établis ;
- cette décision de refus de renouvellement d'autorisation leur a causé un important préjudice financier.
Par un mémoire en défense enregistré le 5 mars 2020, le préfet de police demande à la Cour de rejeter la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. L'établissement " Le Quartier général ", situé au croisement des rues Saint-Maur et Oberkampf à Paris 11ème et ayant une activité de bar, s'était vu accorder, par arrêté préfectoral du 16 juillet 2013, l'autorisation d'ouvrir toute la nuit pour une durée de six mois. A la suite de divers incidents, le préfet de police, par décision du 20 janvier 2014, a refusé de renouveler cette autorisation. M. E... et Mme B..., respectivement propriétaire de l'établissement et directrice d'exploitation, ont alors saisi le Tribunal administratif de Paris qui a annulé cette décision par jugement du 18 mars 2015 en l'absence d'éléments suffisants pour établir la matérialité des faits reprochés. Le préfet de police ayant interjeté appel de ce jugement, la cour administrative d'appel de Paris a, par arrêt du 10 mai 2016, censuré le motif d'annulation retenu par les premiers juges mais, statuant dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, a rejeté la requête du préfet de police en raison d'une irrégularité de procédure, l'article 24 de la loi du
12 avril 2000 alors applicable ayant été méconnu. M. E... et Mme B... ont ensuite formé devant le préfet de police le 27 novembre 2017 une demande indemnitaire préalable tendant à l'indemnisation des préjudices qu'ils allèguent avoir subis en raison du
non-renouvellement de l'autorisation d'ouverture de nuit de leur établissement, puis, dans le silence de l'administration, ils ont saisi le Tribunal administratif de Paris d'une requête à fins d'indemnisation. Celle-ci a toutefois été rejetée par un jugement du 7 juin 2019 dont ils interjettent appel.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Comme l'ont à juste titre rappelé les premiers juges, si l'intervention d'une décision illégale constitue une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat, elle ne saurait donner lieu à réparation si, dans le cas d'une procédure régulière, la même décision aurait pu légalement être prise.
3. Or, il ressort de la lecture de la décision du 20 janvier 2014 portant refus de renouvellement de l'autorisation d'ouverture nocturne de l'établissement " le quartier général ", que cette mesure a été prise principalement en raison des incidents survenus à l'intérieur ou aux abords de cet établissement les 11 et 21 septembre 2013 ainsi que le 27 décembre 2013, et non en raison de celui du 27 juillet précédent, le préfet se bornant à cet égard à mentionner la fermeture administrative de neuf jours notifiée le 11 octobre 2013. Dès lors les requérants ne peuvent utilement contester l'exactitude matérielle des faits s'étant déroulés le 27 juillet 2013, pour soutenir que la décision contestée du 20 janvier 2014 n'aurait pu être légalement prise.
Par ailleurs, les requérants ne démontrent nullement l'inexactitude des faits retenus alors par la Cour dans son arrêt du 10 mai 2016 qui avait relevé qu'il résultait de la main courante du 11septembre 2013, qu'à cette date les forces de l'ordre avaient dû intervenir dans le cadre d'une rixe, alors qu'une personne présentant des traces de strangulations disait avoir été agressée par le " videur " du bar du " quartier général " sans que la circonstance que cette main-courante fasse apparaitre comme adresse des faits le 92 rue Oberkampf alors que cet établissement est situé au numéro 103 de cette rue, permette de remettre en cause le lien entre ces troubles à l'ordre public et cet établissement. De même, ainsi que le retenait la Cour dans son arrêt du 10 mai 2016 une altercation était survenue le 21 septembre 2013, qui avait eu lieu selon la main-courante à l'"angle Oberkampf/Saint-Maur ", soit à l'emplacement exact du " Quartier Général ", tandis que les personnes mêlées à cette rixe se trouvaient devant le bar et que l'un d'eux a dit s'être fait arracher sa chaine " à l'intérieur de l'établissement le quartier général ". Enfin un autre incident avait justifié l'intervention des forces de l'ordre le 27 décembre 2013, la plaignante indiquant que ses amis auraient reçu des coups de matraque du " videur " de l'établissement sans que la crédibilité de ce document soit susceptible d'être remise en cause par le seul fait que l'adresse indiquée soit le 101 rue Oberkampf au lieu du 103, dès lors que le nom de l'établissement
" le quartier général " est expressément cité par les personnes entendues. Au vu de l'ensemble de ces éléments, la réalité d'une atteinte grave à l'ordre public est établie par ces différents incidents et les requérants ne sont dès lors pas fondés à soutenir que le préfet de police n'aurait pu légalement prendre la décision contestée de non-renouvellement de leur autorisation d'ouverture nocturne au terme d'une procédure régulière respectant les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 alors applicable. Par suite, faute de lien de causalité entre l'illégalité fautive et le préjudice allégué, les conclusions indemnitaires présentées par les requérants doivent être rejetées.
4. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... et M. E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Leur requête ne peut par suite qu'être rejetée y compris leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... et M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., à M. F... E... et au préfet de police
Délibéré après l'audience du 22 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme D... premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 octobre 2020.
Le rapporteur,
M-I. D...Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
T. ROBERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 19PA02319