Par une requête, enregistrée le 3 mars 2020, et par un mémoire complémentaire, enregistré le 20 avril 2020, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif du 24 décembre 2019 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. G... devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- c'est à tort que le magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 15 décembre 2019 portant obligation de quitter le territoire français au motif qu'il avait méconnu l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne alors que M. G... a été mis en mesure de présenter de manière utile et effective son point de vue sur l'irrégularité de son séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que le préfet de police s'abstienne de prendre à son encontre la mesure litigieuse, et qu'il n'a de toute façon pas fait valoir d'éléments utiles relatifs à sa situation personnelle devant le tribunal administratif ;
- les autres moyens soulevés par l'intéressé devant le magistrat désigné par le Président du tribunal administratif ne sont pas fondés.
La requête et le mémoire complémentaire ont été communiqués à M. G... qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. G..., de nationalité algérienne, né le 16 octobre 1995 à Oran (Algérie), qui a déclaré être entré irrégulièrement en France après décembre 2018, a, le 14 décembre 2019, été placé en garde à vue pour tentative de vol en réunion et recel de vol. Le préfet de police a, le 15 décembre 2019, pris à son encontre un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai, et fixant le pays de destination, ainsi qu'un arrêté portant interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans. Le préfet de police fait appel du jugement du 24 décembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français.
En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif :
2. Pour annuler la mesure litigieuse d'obligation de quitter le territoire français, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a relevé que les procès-verbaux des interrogatoires de M. G... ne mentionnent que quelques questions sur sa situation administrative, sans jamais faire état de la possibilité d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français, et en a déduit que M. G... ne pouvait donc être regardé comme ayant été mis à même de présenter de manière utile et effective ses observations sur une telle mesure. Le préfet de police soutient toutefois, à bon droit, devant la Cour que M. G... n'a fait état devant le premier juge, d'aucun élément pertinent qui aurait pu le conduire à prendre une décision différente. Le préfet de police est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a annulé son arrêté du 15 décembre 2019 comme intervenu en méconnaissance de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
3. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. G... devant le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
4. En premier lieu, par arrêté n° 2019-00939 du 11 décembre 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial, le préfet de police a donné délégation à M. C... A..., attaché d'administration de l'Etat et signataire de l'arrêté litigieux, pour signer en cas d'absence ou d'empêchement de Mme D... B..., toutes décisions et pièces comptables dans la limite de leurs attributions. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cet arrêté doit donc être écarté.
5. En deuxième lieu, l'arrêté litigieux vise les textes dont il fait application, notamment le 1°) du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il relève que M. G... ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et est dépourvu de titre de séjour en cours de validité, puisque ne s'étant pas conformé aux dispositions de l'article L. 211-1 du code précité. Il précise enfin que, compte tenu des circonstances particulières propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé à sa vie privée et familiale, puisqu'il se déclare célibataire et sans enfant, et qu'il n'établit pas être exposé à des risques en cas de retour dans son pays. L'arrêté comporte ainsi l'exposé des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet de police s'est fondé pour lui faire obligation de quitter le territoire français. Le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de cet arrêté doit donc être écarté.
6. En troisième lieu, il ne ressort pas de la motivation de l'arrêté litigieux, rappelée ci-dessus, que le préfet de police ne se serait pas livré à un examen complet de la situation de M. G.... Le moyen tiré d'un défaut d'examen de la situation personnelle de l'intéressé doit donc être écarté.
7. En quatrième lieu, M. G... n'est, compte tenu de ce qui a été dit au point 2, pas fondé à soutenir que la mesure d'obligation de quitter le territoire français aurait été prise irrégulièrement au regard des dispositions des articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration.
8. En dernier lieu, si M. G... soutient que la mesure d'obligation de quitter le territoire français reposerait sur une erreur manifeste d'appréciation et aurait été prise en violation du " principe de non refoulement ", il n'assortit ces moyens d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.
En ce qui concerne la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que l'exception tirée de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et les moyens tirés de violations des dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et des articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration doivent être écartés.
10. En deuxième lieu, le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au deuxième alinéa de l'article L. 611-3, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 ; (...) ".
11. L'arrêté litigieux vise ces dispositions et relève que le comportement de M. G... représente une menace pour l'ordre public dès lors qu'il a été signalé par les services de police pour tentative de vol en réunion et recel de vol, et qu'il existe un risque que M. G... se soustraie à l'obligation de quitter le territoire puisqu'il ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour, et qu'il ne présente pas de garanties de représentation suffisantes dans la mesure où il ne peut présenter de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, où il a, dans un premier temps, communiqué des renseignements inexacts relatifs à son identité, et où il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale. Il précise enfin qu'aucune circonstance particulière de nature à remettre en cause la réalité du risque de fuite ne ressort des allégations de M. G... et de l'examen de sa situation. Ainsi, cet arrêté doit être regardé comme suffisamment motivé en ce qu'il lui refuse le bénéfice d'un délai de départ volontaire.
12. En troisième lieu, il ne ressort pas de la motivation de l'arrêté attaqué, rappelée ci-dessus, que le préfet de police ne se serait pas livré à un examen complet de la situation de M. G.... Le moyen tiré d'un défaut d'examen de la situation personnelle de l'intéressé doit donc être écarté.
13. En dernier lieu, si M. G... conteste représenter une menace pour l'ordre public, avoir communiqué des renseignements inexacts concernant son identité et ne pas disposer d'une résidence effective et permanente, il est constant qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité. Il n'est dès lors, et en tout état de cause, pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait méconnu les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en se fondant sur un risque de fuite pour lui refuser le bénéfice d'un délai de départ volontaire.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
14. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que l'exception tirée de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et les moyens tirés de l'insuffisance de la motivation de la décision fixant le pays de renvoi et de l'absence d'examen de la situation de M. G..., ainsi que de violations des dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et des articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, doivent être écartés.
15. En second lieu, si M. G... affirme avoir fui l'Algérie en raison de craintes pour sa vie, du risque de peines ou de traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la situation de violence généralisée qui règnerait dans ce pays, il ne produit rigoureusement aucune pièce à l'appui de ses allégations, alors qu'il avait au cours de son audition par les services de police déclaré être venu en France pour travailler et n'y a présenté aucune demande d'asile. Les moyens qu'il soulève tirés de violations des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ne peuvent donc qu'être écartés.
En ce qui concerne l'arrêté portant interdiction de retour sur le territoire français pour deux ans :
16. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que l'exception tirée de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et les moyens tirés de violations des dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et des articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, doivent être écartés.
17. En deuxième lieu, aux termes des deux premiers du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. ". Aux termes du huitième alinéa du III de ce même article, la durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa est décidée par l'autorité administrative " en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. " Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux.
18. L'arrêté litigieux vise les textes dont il fait application, notamment le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles 15 et 16 de la directive 2008/115/CE du Parlement Européen du 16 décembre 2008. Il relève que M. G... représente une menace pour l'ordre public du fait que son comportement a été signalé pour tentative de vol en réunion et recel de vol, qu'il se déclare présent sur le territoire français depuis près d'un an et qu'il se déclare célibataire et sans enfant. Si son auteur n'a pas renseigné la rubrique pré-imprimée relative aux précédentes mesures d'éloignement dont l'intéressé peut avoir fait l'objet, cette circonstance n'établit pas qu'il ne se serait pas attaché à l'absence de telles mesures dans le cas de M. G.... S'il ne mentionne pas les circonstances humanitaires pouvant justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour, il ne ressort pas des pièces du dossier que
M. G... aurait fait état de telles circonstances. L'arrêté comporte ainsi l'exposé des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet de police s'est fondé pour lui interdire de retourner sur le territoire français pendant deux ans. Le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de cet arrêté doit donc être écarté.
19. En troisième lieu, il ne ressort pas de la motivation de l'arrêté attaqué, rappelée ci-dessus, que le préfet de police ne se serait pas livré à un examen complet de la situation personnelle de M. G.... Le moyen tiré d'un défaut d'examen de la situation personnelle de l'intéressé doit donc être écarté.
20. En dernier lieu, si M. G... conteste les faits de tentative de vol en réunion et de recel de vol sur lesquels le préfet de police s'est fondé pour estimer que sa présence sur le territoire français représente une menace pour l'ordre public, il a reconnu la réalité du vol d'un téléphone portable et du recel d'un autre téléphone au cours de son audition par les services de police. Il ne saurait utilement se prévaloir de l'absence de poursuite pénale à la suite de ces faits. S'il fait par ailleurs état de circonstances humanitaires et des risques qu'il encourrait dans son pays, il n'en établit, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, pas la réalité. Dans ces conditions il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux années, le préfet de police aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.
21. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de M. G....
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1927161/8 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris du 24 décembre 2019 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. G... devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. F... G....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 22 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugoudeau, président de chambre,
- M. E..., président assesseur,
- Mme Labetoulle, premier conseiller.
Lu en audience publique le 6 octobre 2020.
Le rapporteur,
J-C. E...Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
T. ROBERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA00793 2