Par un jugement n° 1717782/3-2 du 15 mai 2019, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à la société Opale défense une somme de 1250 euros, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 16 juillet 2019, le ministre des armées demande à la Cour:
1°) d'annuler ce jugement du 15 mai 2019 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a partiellement fait droit à la demande de la société Opale défense ;
2°) de rejeter la demande de la société Opale défense devant le Tribunal administratif de Paris ;
3°) de mettre à la charge de la société Opale défense la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont écarté sa fin de non recevoir dès lors que la demande de la société était tardive, une première réclamation ayant été rejetée le 4 mai 2016 ;
- c'est à tort que les premiers juges ont condamné l'Etat à verser une somme de
1 250 euros, la pénalité pour absence aux réunions de la société Opale défense étant fondée.
Par un mémoire en defense, enregistré le 11 février 2020, la société Opale défense, représentée par Me C... conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, demande que la condamnation indemnitaire soit portée à 3250 euros ; elle demande en outre qu'une somme de 1500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par le ministre des armées sont infondés ;
- elle est fondée par la voie de l'appel incident à demander la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros, les pénalités pour refus d'accès des contrôleurs à la zone de production ne pouvant lui être appliquées.
Par une ordonnance du 2 mars 2020, la clôture d'instruction a été reportée au
2 avril 2020 à 12 heures, clôture à nouveau reportée au 23 juin 2020 en vertu de l'article 16 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.
Un mémoire a été déposé par le ministre des armées le 24 septembre 2020, postérieurement à la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,
- et les observations de Me A... substituant Me C... pour la société Opale défense.
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre du contrat de partenariat conclu avec le ministère de la défense ayant pour objet le regroupement des états-majors et services centraux sur le site de Balard à Paris 15ème, la société Opale défense s'est vu confier des prestations de service, notamment d'accueil, de filtrage et de gardiennage des bâtiments. A cette fin, lui ont été assignés des objectifs de performance, notamment pour le pilotage de ces prestations de service. Pour la période de décembre 2015 à février 2016, le ministre des armées a, sur le fondement des stipulations contractuelles, appliqué plusieurs pénalités à la société pour absence de respect de certains de ces objectifs de performance. La société Opale défense a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à la réparation du préjudice subi du fait de ces pénalités, pour un montant de 3 250 euros. Par un jugement du 15 mai 2019, le Tribunal a condamné l'Etat à verser à la société Opale défense une somme de 1250 euros, a mis à la charge de l'Etat une somme de
1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Le ministre des armées relève appel de ce jugement en tant qu'il a partiellement fait droit à la demande de la société Opale défense alors que cette dernière, par la voie de l'appel incident, demande la réformation du même jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.
Sur la requête de la ministre des armées :
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2 Aux termes de l'article 21.1 du contrat de partenariat, relatif aux objectifs de performance: " Dans le cadre de l'exécution des prestations, le titulaire satisfait, selon les modalités prévues au contrat, aux objectifs de performance, tels que décrits à l'annexe 10. / En cas de manquement du titulaire aux objectifs de performance : / - le ministère applique les pénalités libératoires, selon les modalités détaillées à l'annexe 10, sauf à ce que le titulaire justifie de manière détaillée que le manquement ne lui est pas imputable et trouve son origine dans un évènement de même nature que ceux visés à l'article 18 ou à l'article 19 (...) ". Selon l'article 33.5 de ce contrat de partenariat : " (...) Le montant de la redevance à verser par le ministère est calculé en déduisant de chaque fraction de la redevance due à chaque date de paiement (...) le montant des pénalités appliquées par le ministère sur le trimestre s'achevant le mois précédant le mois au cours duquel le titulaire remet le rapport prévu au a) ci-après (...) ". Pour la détermination du montant dû par le ministère, ces stipulations prévoient que le titulaire du contrat de partenariat transmet au ministère, le huitième jour du mois précédant le mois de chaque date de paiement, un rapport du niveau de performance au regard des objectifs de performance atteint sur le trimestre s'achevant le mois précédant le mois au cours duquel le rapport est adressé. Il est également prévu que le titulaire transmet au ministère, le quinzième jour du mois précédant le mois de chaque date de paiement, un mémoire comprenant l'ensemble des autres éléments nécessaires à l'établissement de la facture. Sur la base du rapport qui lui a été transmis, le ministère fixe le montant des pénalités appliquées et le notifie au titulaire du contrat au plus tard à l'expiration d'un délai de dix jours suivant la remise du rapport du niveau de performance atteint sur la période considérée.
3. En l'espèce, il résulte de l'instruction que la société Opale défense a remis, le 8 mars 2016, le rapport trimestriel du niveau de performance atteint entre décembre 2015 et février 2016 puis, le 10 mars 2016, a complété ce rapport en demandant une exonération des pénalités. Par une lettre du 30 mars 2016, l'administration lui a adressé l'avis technique porté par le service sur sa demande d'exonération des pénalités, lui a indiqué qu'elle envisageait une exonération partielle de ces pénalités et l'a invitée à présenter des observations. Par une décision du 4 mai 2016, le ministre des armées a fixé le montant des pénalités. Contrairement à ce que soutient le ministre des armées et devant le tribunal et en appel, la lettre de la société Opale défense du 10 mars 2016 ne peut être regardée comme une première réclamation dès lors que, ainsi qu'il ressort de la chronologie précédemment rappelée, ce courrier a été transmis au ministère alors qu'aucune décision d'application définitive des pénalités n'avait encore été prise. Par suite, la société Opale défense pouvait adresser pour la première fois au ministre des armées, le 8 août 2017, une demande préalable tendant à l'indemnisation du préjudice résultant de l'application de pénalités. Par ailleurs, si le ministre des armées soutient en appel que cette demande n'avait pas été introduite dans le délai raisonnable d'un an à compter de la notification de la décision du 4 mai 2016, le 16 mai 2016, le principe de sécurité juridique ne trouve pas à s'appliquer aux recours tendant à la mise en jeu de la responsabilité d'une personne publique qui, s'ils doivent être précédés d'une réclamation auprès de l'administration, ne tendent pas à l'annulation ou à la réformation de la décision rejetant tout ou partie de cette réclamation mais à la condamnation de la personne publique à réparer les préjudices qui lui sont imputés. Enfin, la demande préalable indemnitaire ayant été rejetée le 21 septembre 2017, la société Opale défense n'était pas forclose, le 20 novembre 2017, lorsqu'elle a saisi le tribunal. Le ministre des armées n'est donc pas fondée à soutenir que les premiers juges ont écarté à tort la fin de non-recevoir opposée en défense tirée de la tardiveté de la demande.
Sur les conclusions indemnitaires :
4. Il résulte de l'instruction qu'une pénalité a été infligée à la société Opale défense, absente à une réunion, en application du point 2.2.1 de l'annexe 10 du contrat de partenariat qui prévoit que " Les objectifs de performance auxquels le titulaire est tenu à raison du pilotage des prestations de service sont les suivants : (...) b) Participation aux réunions, contrôles ou convocations à l'initiative du ministère... ". Or, il est constant que la société Opale défense s'est fait représenter aux réunions par les sociétés Onet ou Seris, prestataires de la société Sodexo, elle-même prestataire de la société Opale défense. Si le ministre des armées soutient que les opérations de contrôle ne pouvaient se dérouler qu'en présence de son co-contractant ou de son prestataire et que ceux-ci ne pouvaient être représentés, il ne résulte d'aucune stipulation contractuelle qu'une telle représentation aurait été exclue alors qu' au contraire, le b de l'article 1.2.1 de l'annexe 10 mentionné ci-dessus mentionne la nécessité de la présence d'un représentant du titulaire ou de son prestataire en charge des services à chaque réunion, contrôle ou convocation, les articles 39.1 et 39.2 du contrat de partenariat autorisent son titulaire à confier contractuellement à des tiers la réalisation de tout ou partie de ses missions et ces derniers à recourir à d'autres prestataires, sous réserve que les contrats soient communiqués au ministère. Dans ces conditions, la seule présence des sociétés prestataires de la société Sodexo aux opérations de contrôle des prestations de service, qui pouvaient représenter la société Opale défense, était conforme aux exigences contractuelles. La société Opale défense est dès lors fondée à demander réparation du préjudice résultant des pénalités infligées, pour un montant de 1 250 euros, en raison de son absence aux réunions de contrôle comme l'a jugé le tribunal.
5. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre des armées n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a condamné l'Etat à verser à la société Opale défense une somme de 1 250 euros.
Sur l'appel incident de la société Opale défense :
6. La société Opale défense demande la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros en soutenant que les pénalités pour refus d'accès des contrôleurs à la zone de production ne sont pas fondées, dans la mesure où les opérations de contrôle ne devaient s'effectuer qu'à l'aide du contenu des fiches de contrôle, les opérations de contrôle en zone de production générant des désagréments. Toutefois, aux termes du point 1.2.2 de l'annexe 10 au contrat : " L'ensemble du site doit avoir été contrôlé au cours d'une année civile, au plus tard dans l'heure qui suit la réalisation des prestations ". Il résulte de ces stipulations que le contrôle sur site concerne non seulement la zone de distribution mais aussi la zone de production. Dans ces conditions, la société Opale défense, qui a refusé l'accès de cette zone aux agents du ministère, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que lui ont été infligées des pénalités pour ce motif et à demander réparation du préjudice du fait des pénalités infligées pour entrave aux opérations de contrôle. Par suite, son appel incident doit être rejeté.
Sur les conclusions des parties tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative .
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du ministre des armées est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société Opale défense à fin d'appel incident et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées .
Article 3: Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et à la société Opale défense.
Délibéré après l'audience du 16 avril 2021 à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- M. B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 mai 2021.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
K. PETIT
La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 19PA02309 2