2°) de constater l'inexistence de la décision de réintégration du 16 juin 2017 et de la décision par laquelle le directeur de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger a rejeté le recours gracieux formé par M. F... K... ;
3°) de condamner le directeur de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger à verser à M. J... F... K... la somme de 50 000 euros, à Mme I... C... épouse F... K... la somme de 22 500 euros, à M. J... F... K... et à Mme I... C... épouse F... K..., en leur qualité de représentants légaux de leur fille mineure B..., la somme de 10 000 euros et à M. J... F... K... et à Mme I... C... épouse F... K..., en leur qualité de représentants légaux de leur fille mineure A... la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis ;
4°) à titre subsidiaire, d'ordonner une enquête sur le fondement de l'article R. 623-1 du code de justice administrative, outre des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1814824 du 17 juin 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 13 août 2020, M. et Mme F... K..., représentés par Me G..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 juin 2020 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de constater l'inexistence de la demande de reintégration du 15 juin 2017 ainsi que de la décision du 15 septembre 2017 du directeur de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger ;
3°) de condamner l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger à leur verser la somme globale de 92 500 euros ;
4°) de mettre à la charge de l'AEFE la somme de 5 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est irrégulier car c'est à tort que les premiers juges, d'une part, ont rejeté comme irrecevables leurs conclusions tendant à l'annulation de la décision de rejet de leur demande indemnitaire préalable, d'autre part, ont refusé l'enquête sollicitée sur le fondement de l'article R. 623-1 du code de justice administrative;
- la décision de rejet de leur réclamation préalable a été signée par une autorité incompétente ;
- M. F... K... a été contraint sous la menace de reconnaître les faits et de demander sa réintégration dans son corps d'origine ;
- la matérialité des faits qui lui est reproché n'est pas établie ;
- la décision de suspension méconnaît le principe de la présomption d'innocence ;
- l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, qui n'a pas donné suite à la procédure de suspension, a commis un détournement de pouvoir et de procédure ;
- M. F... K... a subi un préjudice moral évalué à 15 000 euros, un préjudice économique évalué à 5 000 euros, un préjudice de carrière évalué à 15 000 euros et un préjudice de réputation évalué à 15 000 euros ;
- Mme I... C... épouse F... K... a subi un préjudice moral évalué à 10 000 euros, un préjudice économique évalué à 2 500 euros et un préjudice de carrière évalué à 10 000 euros ;
- leurs filles mineures B... et A... ont respectivement subi un préjudice moral évalué à la somme de 10 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 janvier 2021, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, représentée par la SCP Baraduc Duhamel Rameix, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge des époux F... K... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. et Mme F... K... sont infondés.
Par un mémoire en réplique, enregistré le 9 avril 2021, M. et Mme F... K... maintiennent leurs conclusions par les mêmes moyens.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D... ;
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,
- et les observations de Me H... substituant Me G... pour M. et Mme F... K... et de Me E... pour l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.
Considérant ce qui suit :
1. M. F... K... a été recruté, en tant que fonctionnaire détaché, par l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger en qualité d'adjoint au directeur administratif et financier du lycée français de Tananarive à Madagascar à compter du 1er septembre 2013. Le
15 juin 2017, M. F... K... a demandé sa réintégration dans son corps d'origine. Le
17 juin 2017, le directeur de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger l'a suspendu de ses fonctions en application de l'article D. 911-51 du code de l'éducation jusqu'au 31 août 2017. Le 1er septembre 2017, M. F... K... a réintégré son corps d'origine. Les époux F... K... ont demandé au Tribunal administratif de Paris l'annulation de la décision du 13 juin 2018 par laquelle le directeur de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger a rejeté leur demande indemnitaire préalable, de constater l'inexistence de la décision de réintégration et de la décision par laquelle le directeur de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger a rejeté le recours gracieux formé par M. F... K... et de condamner le directeur de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger à verser à M. J... F... K... la somme de 50 000 euros, à Mme I... C... épouse F... K... la somme de 22 500 euros, à leur verser en leur qualité de représentants légaux de leurs deux filles mineures la somme de 10 000 euros pour chacune en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis. Par un jugement du 17 juin 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Les époux F... K... relèvent appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, M. et Mme F... K..., qui ont demandé au tribunal l'annulation de la décision du 13 juin 2018 par laquelle le directeur de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger a rejeté leur demande indemnitaire préalable, soutiennent que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ces conclusions comme irrecevables. Or, la décision rejetant leur réclamation indemnitaire préalable a pour seul effet de lier le contentieux. En demandant l'annulation d'une telle décision, les requérants ont donné à leur demande le caractère d'un recours de plein contentieux. Les conclusions en annulation de la décision rejetant leur demande indemnitaire préalable sont donc sans objet. Dès lors, ils ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier du fait que les premiers juges ont rejeté ces conclusions comme irrecevables.
3. En second lieu, l'enquête sollicitée par M. et Mme F... K... sur le fondement de l'article R. 623-1 du code de justice administrative constituant un pouvoir propre du juge, le tribunal n'était nullement tenu d'y faire droit s'il ne l'estimait pas utile à la solution du litige.
4. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué doivent être écartés.
Sur le bien fondé du jugement attaqué :
Sur les conclusions indemnitaires :
5. En premier lieu, au regard de l'objet de la demande formée par M. et Mme F... K..., qui conduit le juge à se prononcer sur leurs droits à indemnisation, les vices propres dont serait, le cas échéant, entachée la décision par laquelle le directeur de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger s'est prononcé sur leur réclamation préalable sont sans incidence sur la solution du litige. Par suite, M. et Mme F... ne sauraient utilement invoquer le moyen tiré de l'incompétence du signataire du rejet de leur réclamation préalable.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 visée ci-dessus portant droits et obligations des fonctionnaires : " (...) Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. (...) ". L'article 30 de cette même loi dispose : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. (...) ". Aux termes de l'article D. 911-51 du code de l'éducation : " L'agent peut, dans les conditions prévues par l'article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, être suspendu par le directeur de l'agence. L'agent suspendu conserve son traitement, l'indemnité prévue (expatriation ou spécifique), les majorations ou avantages familiaux. Sa situation doit être définitivement réglée dans un délai de quatre mois. (...) ".
7 . Il résulte de ces dispositions qu'une mesure de suspension de fonctions ne peut être prononcée à l'encontre d'un fonctionnaire que lorsque les faits imputables à l'intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité et que l'éloignement de l'intéressé se justifie au regard de l'intérêt du service. Eu égard à la nature conservatoire d'une mesure de suspension et à la nécessité d'apprécier, à la date à laquelle cet acte a été pris, la condition tenant au caractère vraisemblable des faits, il appartient au juge de l'excès de pouvoir de statuer au vu des informations dont disposait effectivement l'autorité administrative au jour de sa décision.
8. En l'espèce, il résulte de l'instruction que M. F... K... a reconnu, le
14 juin 2017, sans émettre la moindre réserve sur les faits qui lui sont reprochés, avoir procédé à des appels téléphoniques personnels depuis Madagascar à destination du Cameroun entre janvier 2015 et mai 2017 pour un montant total évalué à 8 500 euros. Si M. F... K... soutient qu'il a été contraint sous la menace de reconnaître de tels faits, il n'apporte pas plus dans la présente requête d'appel qu'en première instance, le moindre élément laissant même présumer l'existence d'une quelconque menace exercée sur lui par le personnel de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger. Dès lors, les faits relevés à l'encontre de M. F... K... présentaient un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité de nature à justifier une mesure de suspension de ses fonctions. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que des manoeuvres ou des menaces auraient été exercées par le personnel de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger pour contraindre M. F... K... à reconnaître les faits reprochés. Dans ces conditions, M. et Mme F... K... ne sont pas fondés à soutenir que l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en le suspendant de ses fonctions.
9. En troisième lieu, la mesure de suspension prise à l'encontre de M. F... K... constitue non une sanction mais une mesure conservatoire. Dès lors, il ne peut être utilement soutenu que cette mesure aurait été prise en méconnaissance du principe de la présomption d'innocence rappelé à l'article 6-2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. En quatrième lieu, M. et Mme F... K... soutiennent que l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger a contraint M. F... K... à demander sa réintégration dans son corps d'origine. Or, par un courrier en date du 15 juin 2017, M. F... K... a sollicité lui- même sa réintégration au sein de l'académie d'Orléans-Tours, et aucune pièce du dossier ne laisse présumer l'existence d'une quelconque menace exercée sur lui par le personnel de l'Agence. Par suite, M. et Mme F... K... ne sont pas fondés à soutenir que l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en exerçant des menaces à l'encontre de M. F... K... afin que ce dernier sollicite sa réintégration dans son corps d'origine.
11. En dernier lieu, M. et Mme F... K... soutiennent que le directeur de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger a commis un détournement de pouvoir et de procédure en l'absence de toute procédure disciplinaire. Toutefois, en sa qualité de fonctionnaire placé en position de détachement, M. F... K... demeurait assujetti aux règles disciplinaires dans son corps d'origine et ne pouvait être sanctionné, en cas de faute commise dans l'emploi de détachement justifiant une telle mesure, que par l'autorité compétente de son corps d'origine. Ainsi, le directeur de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, qui pouvait conformément aux dispositions de l'article D. 911-51 du code de l'éducation cité au point 6 suspendre M. F... K..., ne pouvait néanmoins légalement engager une procédure disciplinaire à son encontre. En outre, dès lors que M. F... K... avait demandé sa réintégration dans son corps d'origine à compter du 1er septembre 2017, il n'y avait plus lieu, pour le directeur de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, de mettre en oeuvre les dispositions de l'article D. 911-52 du code de l'éducation permettant de mettre fin de manière anticipée au contrat de M. F... K... après consultation des commissions consultatives paritaires compétentes. Par ailleurs, dès lors que M. F... K... avait réintégré son corps d'origine et n'était plus fonctionnaire détaché au sein de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger à l'expiration du délai de quatre mois prévu par les dispositions de l'article D. 911-51 du code de l'éducation, le directeur de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger n'a pas commis d'erreur de droit en ne le rétablissant pas dans ses fonctions au sein de cette agence. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que cette mesure de suspension serait constitutive d'une sanction déguisée. Par suite, M. et
Mme F... K... ne sont pas fondés à soutenir que les agissements de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger seraient fautifs car entachés de détournement de pouvoir et de procédure et de nature à engager sa responsabilité.
12. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions indemnitaires des époux F... K... doivent être rejetées.
Sur les conclusions aux fins de déclaration d'inexistence :
13. M. et Mme F... K... demandent que soient constatées l'inexistence de la demande de réintégration formulée par M. F... K... le 16 juin 2017, ainsi que la décision du 15 septembre 2017 par laquelle le directeur de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger a rejeté son recours gracieux. Or, il n'appartient pas au juge administratif de constater l'inexistence de la demande de réintégration formulée par M. F... K... qui ne constitue pas une décision de l'administration mais une demande faite à l'administration. Par ailleurs, il n'appartient pas davantage au juge de constater l'inexistence d'une décision de rejet de son recours gracieux. Dès lors, de telles conclusions ne peuvent qu'être rejetées.
14 . Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme F... K... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger au titre du même article.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme F... K... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3: Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme F... K... et à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.
Délibéré après l'audience du 16 avril 2021 à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- M. D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 mai 2021.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
K. PETIT
La République mande et ordonne au ministre de l'Europe et des affaires étrangères en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA02275 2