Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 23 janvier 2018, et par un mémoire complémentaire, enregistré le 6 mars 2018, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 14 décembre 2017 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a considéré qu'il a entaché son arrêté d'une erreur de droit en opérant une distinction entre la France métropolitaine et le département de Mayotte pour se prononcer sur la demande de M. B...tendant à la délivrance d'une carte de séjour sur le fondement du 7°) de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que les dispositions de l'article L. 832-2 de ce code prévoient que les titres de séjour délivrés par le représentant de l'État à Mayotte sur le fondement du 7°) de l'article L. 313-11 n'autorisent le séjour que sur le territoire de Mayotte, et alors qu'il revient au préfet de prendre en compte les conditions du séjour de l'étranger à Mayotte ainsi que l'existence de liens privés et familiaux effectifs de l'étranger en métropole ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré qu'il a entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il se réfère s'agissant des autres moyens soulevés devant le tribunal administratif, à ses écritures de première instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mars 2019, M.B..., représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit d'enjoint au préfet de police de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et à ce que le versement d'une somme de 2 000 euros soit mis à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la requête introductive d'instance du préfet de police a été présentée tardivement ;
- elle était irrecevable puisqu'insuffisamment motivée ; elle n'a pas été régularisée par le mémoire complémentaire présenté en dehors du délai d'appel ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 18 mai 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'ordonnance n° 2014-464 du 7 mai 2014 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Niollet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E...B..., né le 1er décembre 1996 à Mtsangadjou Dimani, aux Comores, de nationalité comorienne, titulaire d'un titre de séjour mention " vie privée et familiale, zone Mayotte " délivré par le représentant de l'Etat à Mayotte, valable du 2 mars 2016 au 1er mars 2017, est arrivé sur le territoire de la France métropolitaine le 18 juillet 2016, muni d'un visa C, également délivré par le représentant de l'Etat à Mayotte, valable du 17 juillet au 13 septembre 2016. Il a sollicité auprès du préfet de police la délivrance, d'une part, d'une carte de résident le 9 janvier 2017 sur le fondement de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, d'autre part, d'une carte de séjour, mention " vie privée et familiale " le 21 avril 2017 sur le fondement du 7°) de l'article L. 313-11 du même code. Par un arrêté du 11 juillet 2017, le préfet de police a refusé de lui délivrer les titres de séjour sollicités, l'a obligé à quitter le territoire français métropolitain dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le préfet de police fait appel du jugement du 14 décembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté comme entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation, et lui a enjoint de délivrer à M. B...une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".
Sur les fins de non-recevoir soulevées par M.B... :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 776-9 du code de justice administrative, applicable au contentieux des obligations de quitter le territoire français : " Le délai d'appel est d'un mois. Il court à compter du jour où le jugement a été notifié à la partie intéressée. Cette notification mentionne la possibilité de faire appel et le délai dans lequel cette voie de recours peut être exercée ". Aux termes de l'article R. 751-4-1 dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Par dérogation aux articles R. 751-2, R. 751-3 et R. 751-4, la décision peut être notifiée par le moyen de l'application informatique mentionnée à l'article R. 414-1 aux parties qui sont inscrites dans cette application. / Ces parties sont réputées avoir reçu la notification à la date de première consultation de la décision, certifiée par l'accusé de réception délivré par l'application informatique, ou, à défaut de consultation dans un délai de huit jours à compter de la date de mise à disposition de la décision dans l'application, à l'issue de ce délai. Sauf demande contraire de leur part, les parties sont alertées de la notification par un message électronique envoyé à l'adresse choisie par elles (...) ". Il ressort des pièces du dossier que le préfet de police a reçu notification du jugement attaqué, mis à sa disposition dans l'application " télérecours " le 14 décembre 2017, le 22 décembre 2017, date de l'accusé de réception prévu par les dispositions citées ci-dessus. Sa requête introductive d'instance, enregistrée au greffe de la Cour le 23 janvier 2018, n'était donc pas tardive.
3. En second lieu, contrairement à ce que soutient M.B..., cette requête comportait l'exposé des faits et moyens sur lesquels elle reposait, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge.
Sur la requête du préfet de police :
4. L'article L. 832-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile limite la validité territoriale des titres de séjour délivrés à Mayotte, en disposant que " les titres de séjour délivrés par le représentant de l'Etat à Mayotte, à l'exception des titres délivrés en application des dispositions des articles L. 121-3, L. 313-4-1, L. 313-8, du 6° de l'article L. 313-10, de l'article L. 313-13 et du chapitre IV du titre Ier du livre III, n'autorisent le séjour que sur le territoire de Mayotte ".
5. En vertu du deuxième alinéa de cet article L. 832-2, " les ressortissants de pays figurant sur la liste (...) des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des Etats membres, qui résident régulièrement à Mayotte sous couvert d'un titre de séjour n'autorisant que le séjour à Mayotte et qui souhaitent se rendre dans un autre département doivent obtenir un visa. Ce visa est délivré, pour une durée et dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat, par le représentant de l'Etat à Mayotte après avis du représentant de l'Etat dans le département où ils se rendent, en tenant compte notamment du risque de maintien irrégulier des intéressés hors du territoire de Mayotte et des considérations d'ordre public ". L'article R. 832-2 du même code précise que : " L'étranger qui sollicite le visa prévu à l'article L. 832-2 présente son document de voyage, le titre sous couvert duquel il est autorisé à séjourner à Mayotte, les documents permettant d'établir les conditions de son séjour dans le département de destination, les moyens d'existence lui permettant de faire face à ses frais de séjour ainsi que les garanties de son retour à Mayotte. / Sauf circonstances exceptionnelles, ce visa ne peut lui être délivré pour une durée de séjour excédant trois mois (...) ".
6. Sous la qualification de " visa ", ces dispositions instituent une autorisation spéciale, délivrée par le représentant de l'Etat à Mayotte, que doit obtenir l'étranger titulaire d'un titre de séjour délivré à Mayotte dont la validité est limitée à ce département, lorsqu'il entend se rendre dans un autre département. La délivrance de cette autorisation spéciale, sous conditions que l'étranger établisse les moyens d'existence lui permettant de faire face à ses frais de séjour et les garanties de son retour à Mayotte, revient à étendre la validité territoriale du titre de séjour qui a été délivré à Mayotte, pour une durée qui ne peut en principe excéder trois mois.
7. Les dispositions de l'article L. 832-2, qui subordonnent ainsi l'accès aux autres départements de l'étranger titulaire d'un titre de séjour délivré à Mayotte à l'obtention de cette autorisation spéciale, font obstacle à ce que cet étranger, s'il gagne un autre département sans avoir obtenu cette autorisation ou s'il s'y maintient au-delà de la durée pour laquelle elle lui a été accordée, puisse prétendre dans cet autre département à la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions de droit commun.
8. Ces dispositions faisaient ainsi et en tout état de cause obstacle à ce que M. B...qui s'est maintenu sur le territoire de la France métropolitaine au-delà de durée de validité de son visa C, qui ne lui avait été délivré que pour la période du 17 juillet au 13 septembre 2016, puisse prétendre à la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire telle que prévue à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. Compte tenu de ce qui vient d'être dit, l'arrêté en litige ne peut être regardé ni comme entaché d'une erreur de droit, ni comme reposant sur une erreur manifeste d'appréciation.
10. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur ces motifs pour annuler cet arrêté.
11. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le tribunal administratif.
Sur les autres moyens de M.B... :
12. En premier lieu, par arrêté n° 2017-00296 du 21 avril 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de police, le préfet de police a donné à Mme C... D..., adjoint au chef du 9ème bureau de la sous-direction de l'administration des étrangers, délégation pour signer notamment les décisions de refus de titre de séjour. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige doit donc en tout état de cause être écarté.
13. En deuxième lieu, l'arrêté en litige comporte l'exposé de l'ensemble des circonstances de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de cet arrêté doit donc en tout état de cause être écarté.
14. En troisième lieu, compte tenu de ce qui a été dit aux points 4 à 9, l'arrêté en litige ne peut être regardé comme intervenu en méconnaissance des dispositions du 7°) de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article L. 314-8 du même code et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
15. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 11 juillet 2017 et lui a enjoint de délivrer à M. B...une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".
Sur le surplus des conclusions de M.B... :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. B...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
17. Le présent arrêt n'impliquant aucune mesure d'exécution, les conclusions de M. B...tendant à cette fin ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1716275/4-1 du Tribunal administratif de Paris du 14 décembre 2017 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. E...B....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 27 mars 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 avril 2019.
Le rapporteur,
J-C. NIOLLET
Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
T. ROBERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA00270