2°) de condamner le CHT à lui payer la somme de 3 287 700,09 euros au titre du préjudice subi.
Par un jugement n°1500426 du 30 septembre 2016, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté la demande de la société Inaer.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 8 novembre 2016, la société Inaer devenue la société Babcock Mission Services France, représentée par MeD..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du 30 septembre 2016 ;
2°) d'annuler le marché mentionné ci-dessus ;
3°) de désigner un expert ayant pour mission de déterminer si les appareils proposés par la société Hélicocéan dans son offre étaient conformes aux exigences fixées par le CCTP du marché ;
4°) de condamner le CHT de Nouméa à lui payer la somme de 3 287 700,09 euros au titre du préjudice subi ;
5°) de mettre à la charge du CHT de Nouméa le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il n'a pas visé les conclusions de son mémoire en réplique du 27 juillet 2016, tendant à ce qu'il soit, en application des dispositions de l'article R. 625-2 du code de justice administrative, demandé à un consultant de fournir un avis sur la capacité de l'appareil N551BA à exécuter la mission de référence prévue par le CCTP ; il n'a pas répondu à ces conclusions ;
- il n'a pas visé le moyen tiré d'une violation des règles relatives aux offres anormalement basses et du caractère anormalement bas de l'offre de la société Hélicocéan, et n'y a pas répondu ;
- il est insuffisamment motivé au regard des exigences de l'article L. 9 du code de justice administrative en ce qu'il a écarté sans aucun développement les " nombreux points techniques " qu'elle avait soulevés ; il est entaché d'erreur de fait à propos de ce moyen ;
- il n'a pas répondu au moyen selon lequel l'offre de la société Hélicocéan était irrégulière sur un plan formel, dès lors qu'aucun acte d'engagement spécifique à la variante n'avait été remis, en violation du règlement de la consultation ;
- il n'a pas répondu au moyen tiré des fausses déclarations de la société Hélicocéan sur les appareils dont elle disposait et qui n'étaient pas conformes au CCTP, et du dol ainsi commis par cette société ; il est entaché d'erreur de fait à propos de ce moyen ;
- il n'a pas répondu au moyen tiré d'erreurs dans l'analyse de son offre ;
- il a à tort, estimé que la société Hélicocéan aurait exécuté des missions d'évacuation médicales d'urgence par hélicoptères ; elle ne disposait pas des capacités financières et des qualifications nécessaires ; elle a fait de fausses déclarations sur les appareils dont elle disposait et a ainsi commis un dol ; ses appareils n'étaient pas conformes au CCTP ;
- le jugement est entaché d'erreur de droit en ce qui concerne la charge de la preuve des capacités de la société Hélicocéan ; il n'a à tort, pas mis en oeuvre les pouvoirs d'instruction du juge, et n'a à tort, pas retenu les allégations non sérieusement contestées de la société Inaer ;
- elle renvoie " par l'effet dévolutif de l'appel " à l'ensemble de ses écritures de première instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juin 2017, le CHT de Nouméa, représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la société Babcock Mission Services France le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire en réplique, enregistré le 13 juillet 2017, la société Babcock Mission Services France conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.
Par un nouveau mémoire en défense, enregistré le 10 août 2017, le CHT de Nouméa conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire.
Par une ordonnance du 13 juillet 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 août 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 modifiée et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999, relatives à la Nouvelle-Calédonie ;
- la délibération n° 136/CP du 1er mars 1967 modifiée portant réglementation des marchés publics ;
- la délibération de la commission permanente du congrès n° 64/CP du 10 mai 1989 fixant les cahiers des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux et aux marchés publics de fournitures courantes et de services passés en application de la délibération modifiée n° 136 du 1er mars 1967 ;
- le code de justice administrative dans sa rédaction applicable en Nouvelle-Calédonie.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Niollet,
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,
- les observations de Me C...pour la société Babcock Mission Services France,
- et les observations de Me B...pour le CHT de Nouméa.
1. Considérant que, par un avis d'appel public à la concurrence du 4 août 2014, le centre hospitalier territorial (CHT) de Nouméa a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert pour la passation d'un marché de missions de service médical d'urgence par hélicoptère ; que, saisi par la société TAT, candidate à la conclusion du contrat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 551-24 du code de justice administrative, le juge des référés du Tribunal administratif de Nouvelle Calédonie a, par une première ordonnance du 5 décembre 2014, enjoint au CHT de suspendre la procédure de passation du marché litigieux jusqu'au 22 décembre 2014, puis, par une seconde ordonnance du 18 décembre 2014, annulé la procédure de passation engagée ; que cette seconde ordonnance a été annulée à la demande du CHT et de la société Hélicocéan, autre candidate à l'obtention du marché, par un arrêt du Conseil d'Etat du 10 avril 2015 qui a également rejeté la demande présentée par la société TAT devant le juge des référés du tribunal administratif ; qu'après que la durée de validité des offres ait été prolongée, le CHT a, le 21 août 2015, attribué le marché à la société Hélicocéan ; que la société Inaer, également candidate à l'obtention du marché, a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler ce marché et de condamner le CHT à lui payer la somme de 3 287 700,09 euros au titre du préjudice subi ; que le tribunal administratif a rejeté cette demande par un jugement du 30 septembre 2016, dont la société Inaer, devenue la société Babcock Mission Services France, fait appel ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que, dans ses écritures devant le tribunal administratif, la société Babcock Mission Services France, invoquait notamment les dispositions de l'article 27-2 de la délibération n° 136/CP du 1er mars 1967 relatif à l'élimination des offres anormalement basses et des offres irrégulières, en soutenant que le CHT ne pouvait retenir l'offre de la société Hélicocéan, sans l'avoir au préalable interrogée pour qu'elle justifie son offre de prix ; que le tribunal administratif n'a pas visé ce moyen et n'y a pas répondu ; que par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens relatifs a la régularité du jugement attaqué, il doit donc être annulé ;
3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Babcock Mission Services France devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
Sur la demande présentée par la société Babcock Mission Services France devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie :
4. Considérant qu'indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles ;
5. Considérant, en premier lieu, qu'aucune disposition de la délibération n° 136/CP du 1er mars 1967 et aucun autre texte ne faisait obligation au CHT d'interroger la société Hélicocéan dont il a retenu l'offre, pour qu'elle justifie son offre de prix ; que le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 27-2 de la délibération n° 136/CP du 1er mars 1967 relatif à l'élimination des offres anormalement basses et des offres irrégulières, est donc inopérant et ne peut qu'être écarté ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient la société Babcock Mission Services France, l'acte d'engagement souscrit par la société Hélicocéan le 12 octobre 2014 précise expressément qu'il porte sur une variante présentée selon l'article 6-1 du CCAP ;
7. Considérant, en troisième lieu, que la société Babcock Mission Services France ne conteste pas sérieusement le fait que la société Hélicocéan a exécuté des missions d'évacuation médicales d'urgence par hélicoptère pendant une quinzaine d'années et dispose des qualifications requises ainsi que des capacités financières nécessaires pour de telles missions ;
8. Considérant, en quatrième lieu, que, si la société Babcock Mission Services France fait valoir, sans être contredite, que les hélicoptères dont la société Hélicocéan a disposé à partir du mois de mai 2016 pour exécuter le marché, n'étaient pas ceux qu'elle avait mentionnés dans son offre initiale et lors de la prolongation de cette offre à la suite de l'intervention de l'arrêt du Conseil d'Etat du 10 avril 2015, les dispositions de l'article 5 du CCAP du marché prévoyaient la possibilité de remplacer un appareil devenu indisponible à condition que l'appareil de remplacement soit au moins aussi performant ; que la société Babcock Mission Services France qui ne conteste pas que les appareils de type EC 135 P2+, mis en service en 2001 et en 2007, qui étaient initialement prévus, n'étaient plus disponibles lors de la prolongation de l'offre, ne produit aucune pièce de nature à établir que les appareils de type EC 135 P2+, mis en service en 2007, que la société Hélicocéan a exploités pour exécuter le marché, n'avaient pas des performances au moins équivalentes ; qu'elle n'établit d'ailleurs pas non plus que la société Hélicocéan avait connaissance lors de la prolongation de son offre, de la vente des appareils initialement prévus ; que le moyen qu'elle tire de fausses déclarations de la société Hélicocéan ou d'un dol de sa part, doit donc être écarté ;
9. Considérant, en cinquième lieu, que ni les divers éléments de documentation technique produits par la société Babcock Mission Services France, en particulier l'étude de la société Safety4flight qu'elle a produite devant le tribunal administratif, ni la circonstance que l'appareil de type EC 135 P2+, mis en service en 2001, initialement proposé par la société Hélicocéan, a fait l'objet d'une opération de " retrofit " chez le constructeur, ne permettent d'établir que les appareils initialement prévus et ceux que la société Hélicocéan a effectivement utilisés, n'auraient pas permis d'exécuter les missions prévues par le CCTP, ou qu'ils ne satisfaisaient pas aux normes applicables ;
10. Considérant, en dernier lieu, que la société Babcock Mission Services France ne démontre pas l'existence des erreurs de fait et des erreurs d'appréciation qui auraient selon elle été commises par le CHT dans l'analyse des offres des candidats, et sur lesquelles elle ne fournit aucune justification ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, ni de demander un avis à un consultant en application des dispositions de l'article R. 625-2 du code de justice administrative, les conclusions de la société Babcock Mission Services France tendant à l'annulation du marché doivent de même que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'indemnisation, être rejetées ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du CHT de Nouméa qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Babcock Mission Services France demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Babcock Mission Services France une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le CHT de Nouméa et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n°1500426 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du 30 septembre 2016 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la société Babcock Mission Services France devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ainsi que le surplus de ses conclusions devant la Cour sont rejetés.
Article 3 : La société Babcock Mission Services France versera au CHT de Nouméa une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Inaer devenue la société Babcock Mission Services France et au centre hospitalier territorial de Nouméa.
Délibéré après l'audience du 27 mars 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 avril 2018.
Le rapporteur,
J-C. NIOLLETLe président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA03255