Procédure devant la Cour:
Par une requête sommaire, enregistrée le 21 août 2018, et un mémoire ampliatif, enregistré le 29 mars 2019, M. H... I..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) à titre principal, d'annuler ce jugement du 21 juin 2018 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a fait droit à la demande de M. A... et de rejeter la demande de ce dernier devant le Tribunal administratif de Paris ;
2°) à titre subsidiaire, d'annuler partiellement ce jugement du 21 juin 2018 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il n'a pas procédé à la modulation des effets de l'annulation de l'arrêté du 22 juillet 2015 et de procéder soit à l'annulation partielle de l'arrêté du 22 juillet 2015 en tant seulement qu'il a procédé à la nomination de M. E... dans le gade de brigadier de police pour l'année 2015, soit à l'annulation de cet arrêté avec effet différé à la date à laquelle M. I... fera l'objet d'une nouvelle inscription au tableau d'avancement au grade de brigadier de police ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier, d'une part, faute d'avoir visé et analysé les écritures des parties, d'autre part, pour insuffisance de motivation, enfin, faute de mise en oeuvre régulière de la procédure prévue par l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;
- c'est à tort que les premiers juges ont annulé automatiquement, en conséquence de l'annulation du tableau d'avancement, les décisions de nomination dans le grade de brigadier de police, sans tenir compte de la valeur professionnelle des fonctionnaires ;
- à titre subsidiaire, c'est à tort que les premiers juges n'ont pas fait usage de leur pouvoir de modulation des effets de l'annulation contentieuse.
La requête a été communiquée à M. A..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense en dépit d'une mise en demeure qui lui a été adressée le 16 mai 2019.
Par une ordonnance du 16 mai 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 17 juin 2019 à 12 heures.
Par un mémoire, enregistré le 20 novembre 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que la requête de M. I... n'appelle pas d'observations particulières de sa part et qu'il s'en rapporte à ses écritures de première instance.
Par une ordonnance du 20 novembre 2019, l'instruction a été réouverte.
Par un mémoire en réplique, enregistré le 21 novembre 2019, M. I... maintient ses conclusions par les mêmes moyens, en soutenant en outre que la recevabilité des conclusions en défense du ministre de l'intérieur est contestable car il épouse désormais les conclusions de M. A... alors qu'il était intervenu en défense à l'encontre de la demande de ce dernier devant le Tribunal administratif.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,
- et les observations de Me D... pour M. I....
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 29 juin 2015, le ministre de l'intérieur a établi le tableau d'avancement au grade de brigadier de police au titre de l'année 2015 et, par arrêté du 22 juillet 2015, il a procédé aux nominations des gardiens de la paix promus. M. A..., gardien de la paix affecté à la préfecture de police, a formé un premier recours gracieux contre ce tableau d'avancement le 27 août 2015 et un second recours gracieux à l'encontre de l'arrêté de nomination du 22 juillet 2015. Le ministre de l'intérieur a rejeté ces deux recours par une décision du 30 octobre 2015. M. A... a alors saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant, d'une part, à l'annulation de cette décision ainsi que des arrêtés du 29 juin 2015 et du 22 juillet 2015 et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 20 000 euros au titre des préjudices qu'il estimait avoir subis. Par un jugement du 21 juin 2018, le Tribunal administratif de Paris a prononcé un non lieu à statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 juin 2015, ce tableau d'avancement ayant déjà été annulé par un jugement du même tribunal en date du 11 mai 2017, a annulé l'arrêté du 22 juillet 2015 du ministre de l'intérieur relatif aux promotions individuelles au grade de brigadier de police au titre de l'année 2015 et la décision du ministre de l'intérieur du 30 octobre 2015 rejetant les recours gracieux de M. A..., a condamné l'Etat à verser à M. A... la somme de 2 000 euros, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, enfin, a rejeté le surplus de la demande de M. A.... M. I..., un des fonctionnaires de police concernés par ce jugement, en relève appel en demandant à titre principal l'annulation de l'ensemble des articles faisant droit à la demande de M. A..., à titre subsidiaire, son annulation partielle en tant qu'il n'a pas procédé à la modulation dans le temps des effets de l'annulation de l'arrêté du 22 juillet 2015.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si M. I... soutient que le jugement attaqué est entaché d'irrégularités, d'une part, ce dernier a bien visé et analysé les écritures des parties, d'autre part, ce jugement, qui répond de façon circonstanciée aux différents moyens, est suffisamment motivé, et enfin, les premiers juges ont régulièrement mis en oeuvre la procédure prévue par l'article R. 611-7 du code de justice administrative. Les moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué doivent donc être écartés.
Sur le bien fondé du jugement attaqué :
Sur les conclusions principales de M. I... :
3. Par un jugement du 11 mai 2017 passé en force de chose jugée, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 29 juin 2015 portant tableau d'avancement au grade de brigadier de police au titre de l'année 2015. Dès lors, l'ensemble des mesures individuelles de nomination intervenues en exécution de ce tableau et qui ont été contestées dans le délai de recours contentieux doivent être annulées par voie de conséquence, et sans qu'il y ait lieu de tenir compte de la valeur professionnelle des agents concernés, comme l'a jugé à juste titre le tribunal.
4. Il résulte de ce qui précède que M. I..., qui tout en demandant l'annulation de l'ensemble des articles faisant droit à la demande de M. A... ne formule pas de moyens à l'encontre de la partie du jugement qui concerne les conclusions indemnitaires, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a partiellement fait droit à la demande de M. A....
Sur les conclusions subsidiaires de M. I... :
5. L'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu. Toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif, après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l'ensemble des moyens, d'ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l'acte en cause, de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation. Il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé à titre exceptionnel au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de celle-ci contre les actes pris sur le fondement de l'acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il aura déterminée.
6. Contrairement à ce que soutient M. I..., eu égard en particulier à la possibilité pour l'autorité administrative de reprendre une nouvelle procédure d'élaboration du tableau d'avancement et d'édiction des décisions de nomination, c'est à juste titre que le tribunal a implicitement mais nécessairement estimé qu'il n'y avait pas lieu, en l'espèce, de déroger à titre exceptionnel au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses.
7. Il résulte de ce qui précède que les conclusions subsidiaires de M. I... doivent également être rejetées.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. I... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a partiellement fait droit à la demande de M. A.... Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. I... est rejetée.
Article 2: Le présent arrêt sera notifié à M. H... I..., à M. G... A... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 26 novembre 2019 à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. F..., president-assesseur,
- M. C..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 décembre 2019.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA02859