Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 2 juin 2016 au greffe de la Cour administrative d'appel de Bordeaux, MmeA..., représentée par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 11 février 2016 du Tribunal administratif de la Martinique en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;
2°) d'annuler la décision mentionnée ci-dessus du 24 mars 2014 ;
3°) de condamner le CHUM à lui verser, d'une part, les sommes correspondant aux traitements et primes qu'elle aurait dû percevoir durant la période du 3 décembre 2013 jusqu'à la date de sa réintégration effective, d'autre part, la somme de 75 000 euros augmentée des intérêts à compter de la demande préalable, enfin, les sommes de 6 939,66 euros au titre des allocations de chômage, 10 000 euros en réparation de ses retards d'avancement et de l'absence de constitution de ses droits et 10 000 euros " au titre de l'attente de ses droits statutaires " ;
4°) de mettre à la charge du CHUM une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le CHUM a considéré qu'elle a abandonné son poste ; en effet, elle n'a pas entendu rompre tout lien avec le CHUM ;
- la décision attaquée méconnaît l'article 62 de la loi du 9 janvier 1986 ;
- elle méconnaît l'article 88 de la loi du 9 janvier 1986 ;
- elle méconnaît le principe général qui interdit le licenciement d'une femme enceinte.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mai 2017, le CHUM, représenté par la SCP Matuchansky-Pouppot-Valdelièvre, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les moyens tirés de la méconnaissance des articles 62 et 88 de la loi du 9 janvier 1986 sont inopérants, de même que le moyen tiré de la méconnaissance du principe général qui interdit à l'administration de licencier une femme en état de grossesse ;
- les autres moyens soulevés par Mme A...sont infondés.
Par une ordonnance du 9 mai 2017, la clôture d'instruction a été reportée au 8 juin 2017 à 12 heures.
Mme A...a produit une lettre le 17 mai 2019, postérieurement à la clôture de l'instruction.
Par une décision d'aide juridictionnelle modificative du 26 novembre 2018, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à MmeA....
Par une ordonnance du 1er mars 2019, le président de la section du contentieux du Conseil d'État a attribué à la Cour la requête présentée par MmeA....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pagès,
- et les conclusions de M. Baffray, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A...était aide-soignante titulaire au Centre hospitalier régional universitaire de la Martinique (CHUM) dans le service de chirurgie. Par décision du 21 septembre 2012, Mme A... a été mise en disponibilité pour convenances personnelles pour un an du 1er septembre 2012 au 31 août 2013, mais par courrier du 23 septembre 2012, Mme A...a demandé sans succès, d'une part la fin de sa mise en disponibilité et, d'autre part, sa réintégration. Ultérieurement, par courrier du 25 avril 2013, Mme A...a, d'une part, formulé une demande préalable indemnitaire, d'autre part, proposé la mise en place d'une procédure de " rupture conventionnelle " que l'administration a interprétée comme une démission qu'elle a acceptée par décision du 17 mai 2013. Toutefois, à la suite d'une lettre du 26 juin 2013 et d'une audience entre les protagonistes le 18 juillet 2013, l'administration a accepté de réintégrer Mme A... à compter du 1er octobre 2013 et a prolongé d'office sa mise en disponibilité du 1er septembre au 30 septembre 2013. Cependant, malgré plusieurs mises en demeure, en date des 18 octobre 2013, 2 décembre 2013 et 27 janvier 2014, Mme A...ne s'étant pas présentée à son service, elle a été radiée des cadres pour abandon de poste par décision du 24 mars 2014. Mme A... a saisi le Tribunal administratif de la Martinique d'une demande tendant premièrement à l'annulation de la décision du 2 février 2013 refusant sa réintégration, deuxièmement à l'annulation de la décision du 24 mars 2014 la radiant des cadres et troisièmement à la condamnation du CHUM à réparer les différents préjudices qu'elle estime avoir subis. Par un jugement du 11 février 2016, le Tribunal administratif de la Martinique a annulé la décision du 2 février 2013 refusant la réintégration de Mme A...et a condamné le CHUM à verser à Mme A...les sommes correspondant aux traitements et aux primes, à l'exclusion des indemnités représentatives de charges ou contraintes liées à l'exercice des fonctions, qu'elle aurait dû percevoir durant la période du 24 septembre 2012 jusqu'à l'expiration du délai de huit jours à compter de la réception par l'intéressée de la mise en demeure du 2 décembre 2013 ainsi que la somme de 1 500 euros correspondant au paiement de la reconstitution de ses droits à pension et la somme de 1 000 euros en réparation de ses préjudices. Mme A...relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.
2. Une mesure de radiation de cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il encourt d'une radiation de cadres sans procédure disciplinaire préalable. Lorsque l'agent ne s'est ni présenté, ni n'a fait connaître à l'administration aucune intention avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical, présentée par l'agent, de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester un lien avec le service, cette administration est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé.
3. En premier lieu, il n'est pas contesté que Mme A...devait rejoindre son poste le 1er octobre 2013 et qu'elle ne s'y est pas présentée. Aussi par lettres recommandées du 18 octobre 2013, puis du 2 décembre 2013 et enfin du 27 janvier 2014, le CHUM a mis en demeure MmeA..., de rejoindre son poste en lui fixant un délai et en l'informant du risque de radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable qu'elle encourait, la dernière mise en demeure du 27 janvier 2014, réceptionnée le 29 janvier suivant, lui fixant un délai de cinq jours, qui expirait ainsi le 3 février 2014. La circonstance que la première lettre la mettant en demeure de rejoindre son poste du 18 octobre 2013 mentionnait une adresse à laquelle l'intéressée ne vivait plus n'a pas d'influence sur la régularité de la procédure suivie dès lors que Mme A...ne conteste pas avoir reçu les deux mises en demeure suivantes.
4. Mme A...a tenté de justifier ses refus de rejoindre son poste aux motifs " qu'elle ne réintégrerait l'établissement qu'à la condition que l'administration lui verse les dommages et intérêts qu'elle réclame, qu'elle soit réintégrée au 5ème échelon et à la condition d'avoir connaissance d'une affectation précise et conforme à ses exigences écrites, qu'elle attendrait le jugement du tribunal administratif pour réintégrer le CHUM ". Toutefois, de tels motifs ne sont pas de nature à justifier son refus de déférer aux mises en demeure qui lui ont été régulièrement adressées par son employeur.
5. Si par courrier en date du 7 février 2014, Mme A...a fait état de sa grossesse constatée par certificat médical, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que Mme A...aurait été matériellement empêchée du fait de son état de grossesse de se rendre sur son lieu de travail suite aux différentes mises en demeure qui lui ont été adressées en vain. Enfin, si Mme A... soutient qu'elle s'est présentée dans le service le 11 février 2014, elle n'en justifie pas, alors que ce fait est formellement contesté par le CHUM, se bornant à produire un arrêt de travail daté de cette date, laquelle était postérieure à la date à laquelle elle devait rejoindre son poste, le 3 février 2014.
6. Dès lors, faute de s'être présentée dans le service ou d'avoir fourni une justification d'ordre matériel ou médical qui l'aurait empêchée de le faire, et refusant d'être examinée par le médecin du travail, c'est à bon droit que l'administration a estimé que le lien avec le service avait été rompu du fait de l'intéressée et a décidé de radier Mme A...des cadres par décision du 24 mars 2014.
7. En deuxième lieu, si Mme A...invoque le principe général, dont s'inspire l'article anciennement codifié sous l'article L. 122-25-2 du code du travail, qui interdit de licencier une femme en état de grossesse, ce principe général du droit ne peut s'appliquer à la situation de l'intéressée et ne peut être donc utilement invoqué en l'espèce, dès lors que la décision de radiation des cadres attaquée n'est pas une décision de licenciement mais est consécutive à la manifestation de l'intéressée de rompre son lien avec le service, ainsi qu'il a été démontré aux points 3 à 6.
8. En dernier lieu, la décision attaquée n'étant pas une décision de licenciement mais une décision de radiation des cadres pour abandon de poste, comme il vient d'être dit, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 62 et 88 de la loi visée ci-dessus du 9 janvier 1986 doivent également être écartés comme inopérants.
9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision en date du 24 mars 2014 la radiant des cadres. Par voie de conséquence, ses conclusions indemnitaires doivent également être rejetées.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Martinique a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par le CHUM.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du Centre Hospitalier Universitaire de Martinique présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au Centre Hospitalier Universitaire de Martinique.
Délibéré après l'audience du 28 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 juin 2019.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 16PA21816 2