Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 9 octobre 2017 et des pièces produites le 20 novembre 2018, M.E..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 septembre 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 13 juillet 2017 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour assortie d'une autorisation de travail sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) d'enjoindre, à titre subsidiaire, au préfet de police de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros au profit de Me C...sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne une décision portant refus de titre de séjour :
- le préfet de police n'a pas procédé à un examen de sa situation ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale car fondée sur une décision de refus de titre de séjour elle-même illégale ;
- Il a été privé du droit d'être entendu ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par mémoire en défense, enregistré le 29 juin 2018, le préfet de police conclut au rejet de cette requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. E...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 17 mai 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Labetoulle a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.E..., né le 25 septembre 1952, de nationalité arménienne, est entré, selon ses déclarations, en France, pour la première fois en 2003 ; qu'il a déposé à de nombreuses reprises sans succès des demandes d'asile sur le fondement des articles L. 741-1 et L. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que sa dernière demande d'asile, présentée le 10 novembre 2016, a été rejetée par une décision de l'OFPRA en date du 13 juillet 2016, confirmée par une décision de la CNDA en date du 27 janvier 2017 ; que, par un arrêté du 13 juillet 2017, le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que, par un jugement du 21 septembre 2017, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. E...tendant à l'annulation de cet arrêté ; que M. E... fait appel de ce jugement ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'à l'appui de sa demande devant le Tribunal administratif de Paris, M. E... a fait valoir, concernant une décision de refus de titre de séjour, que le préfet de police n'a pas procédé à un examen de sa situation, qu'elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que toutefois, l'arrêté litigieux emporte uniquement obligation de quitter le territoire français ; qu'en conséquence, ces moyens sont inopérants et ne peuvent qu'être écartés ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que concernant la décision portant obligation de quitter le territoire français, M. E... fait valoir qu'elle est illégale car fondée sur une décision de refus de titre de séjour elle-même illégale et qu'il a été privé du droit d'être entendu ; que, dans sa requête d'appel, M. E...reprend ces moyens soulevés en première instance, sans critiquer utilement le jugement ni apporter le moindre argument nouveau de fait ou de droit, de nature à remettre en cause la régularité ou le bien fondé du jugement attaqué sur ces points ; qu'il y a lieu, par adoption de motifs retenus à bon droit par le premier juge, d'écarter ces moyens ainsi renouvelés devant la Cour ;
4. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
5. Considérant que si M. E...soutient être arrivé en France en 2003, il ne justifie pas de sa présence en France depuis cette date ; que de même, il ne justifie pas d'une intégration particulière en France, d'une maîtrise de la langue française non plus que de l'intensité de liens qu'il aurait tissés sur le territoire français contrairement à ce qu'il soutient ; que M. E...fait valoir également que sa femme et sa fille sont en situation régulière en France ; que, cependant, si MmeD..., épouse de M.E..., était titulaire d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'au 28 novembre 2017, ce titre ne lui avait été délivré qu'en exécution d'un jugement du Tribunal administratif de Paris du 2 mars 2017, annulé ensuite par la Cour le 27 mars 2018 ; que Mme A...E..., fille du requérant, était titulaire d'un titre de séjour expiré depuis le 16 février 2017 dont elle a sollicité le renouvellement, pour lequel il lui a seulement été délivré un récépissé valable jusqu'au 7 septembre 2017 ; que si le requérant a produit en dernier lieu le titre de séjour temporaire finalement accordé à son épouse et à leur fille, ces documents étant postérieurs à l'intervention de l'arrêté attaqué, sont sans incidence sur sa légalité ; que par ailleurs, M. E...ne démontre pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 42 ans ou en Russie où la famille a vécu pendant plusieurs années et où réside la dernière de ses enfants, l'ainée vivant en Ukraine ; que compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, le préfet de police n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours a été prise ; que par suite le préfet de police n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'a pas davantage entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement de la loi du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...E...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 27 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Labetoulle, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 décembre 2018.
Le rapporteur,
M-I. LABETOULLELe président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA03195