Par une requête, enregistrée le 12 juin 2018, M.A..., représenté par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris du 29 décembre 2017 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté de police du 1er décembre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police d'enregistrer sa demande d'asile.
Il soutient que :
- il n'a été aucunement tenu compte de sa situation ;
- l'arrêté méconnaît l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ainsi que l'article 3, paragraphe 2, du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 puisqu'il existe des défaillances dans le système d'accueil des demandeurs d'asile en Italie.
Les parties ont été informées en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision de la Cour était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office tiré du non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er décembre 2017 par lequel le préfet de police a prononcé la remise aux autorités italiennes de M.A..., le délai d'exécution de six mois prévu à l'article 29 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 étant expiré.
Par un mémoire, enregistré le 21 septembre 2018, le préfet de police a répondu au moyen d'ordre public mentionné ci-dessus. Il soutient que le délai d'exécution de l'arrêté du 1er décembre 2017 a été prolongé du fait de la fuite de M. A...et que les autorités italiennes en ont été averties.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 octobre 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. A...ne sont pas fondés.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 21 mars 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;
- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Niollet a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.A..., ressortissant ivoirien né le 22 décembre 1988, entré en France en mai 2017 selon ses déclarations, a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile ; que, par un arrêté du 1er décembre 2017, le préfet de police a décidé sa remise aux autorités italiennes ; que M. A...fait appel du jugement du 29 décembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle du requérant avant de prendre l'arrêté contesté ; que ce moyen, à supposer que M. A...ait entendu le soulever, ne peut qu'être écarté ;
3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un Etat membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier et Etat membre auprès duquel la demande a été introduite, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable devient l'Etat membre responsable. " ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;
4. Considérant que l'Italie est un Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des refugiés complétée par le protocole de New-York qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de ces deux conventions internationales et à celles de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; que, cependant, cette présomption peut être renversée s'il y a des raisons sérieuses de croire qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et dans les conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant ; qu'en se bornant à faire état de la précarité de la situation des demandeurs d'asile en Italie et de la circonstance qu'il n'a pas obtenu d'hébergement lorsqu'il s'y trouvait, M. A...n'apporte aucun élément de nature à démontrer qu'il serait exposé à un risque de subir des traitements inhumains ou dégradants en Italie, ou que sa demande d'asile ne serait pas examinée par les autorités italiennes conformément aux garanties exigées par le respect du droit d'asile ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 27 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Labetoulle, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 décembre 2018.
Le rapporteur,
J-C. NIOLLETLe président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision
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N° 18PA01984