Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 5 octobre 2015 et deux mémoires en réplique enregistrés les 29 août et 28 septembre 2016, M.D..., représenté par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Melun du 13 juillet 2015 ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 100 000 euros, ou d'ordonner une expertise ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, des bonbonnes contenant du gaz halon se trouvaient dans la salle des scellés du Tribunal de grande instance de Créteil ; ces bonbonnes n'avaient pas été vérifiées depuis de nombreuses années ; les émanations de gaz halon ont entraîné des pathologies qui ont perduré ;
- le département du Val-de-Marne a reconnu, en 2011, l'existence d'un accident du travail et l'imputabilité de son état de santé à la visite effectuée en 2005 dans la salle des scellés du tribunal de grande instance ;
- les symptômes, dont une récente paralysie faciale bilatérale, ne s'expliquent pas par le reflux gastro oesophagien dont il souffre par ailleurs ;
- il a été victime d'une rechute en 2015, sous la forme, notamment, de spasmes, sensations de brûlures du larynx, dysphonies, gênes à la poussière et à la peinture, rechute reconnue comme lié à l'accident du travail du 24 novembre 2005 ;
- un taux d'IPP de 15 % lui a été reconnu ;
- il souffre également, depuis 2016, d'un dérèglement de thermorégulation du corps et a aussi subi un préjudice moral ;
- la désignation d'un expert est nécessaire et utile.
Par un mémoire en défense enregistré le 26 juillet 2016, le ministre de la justice conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requête ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 29 août 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 septembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Petit,
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,
- et les observations de Me B...pour M.D....
Une note en délibéré, enregistrée le 28 mars 2017, a été présentée pour M.D....
1. Considérant que M.D..., agent du conseil général du Val-de-Marne a, en sa qualité de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, visité les locaux dépendant du Tribunal de grande instance de Créteil, le 24 novembre 2005, dans le cadre d'une mission d'investigation sur la présence d'amiante, signalée par des agents du conseil général du Val-de-Marne affectés dans cette juridiction ; que M.D..., qui soutient avoir, à cette occasion, été intoxiqué par l'inhalation de gaz halon se trouvant dans des bonbonnes situées dans la salle des scellés de cette juridiction, a demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner l'Etat à réparer les préjudices qu'il estime avoir subis ou d'ordonner une expertise ; que par un jugement du 13 juillet 2015, le tribunal administratif a rejeté sa demande ; que M. D...fait appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que le jugement du 13 juillet 2015 répond à l'ensemble des moyens soulevés en première instance par M.D... ; que les premiers juges n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments avancés par celui-ci à l'appui de ses moyens, ni de se référer à l'ensemble des pièces produites ; que, par ailleurs, le tribunal ayant écarté la responsabilité de l'Etat, il n'était pas tenu de rejeter expressément les conclusions de M. D...tendant à ce qu'un expert soit désigné afin d'évaluer le préjudice allégué par celui-ci ; que, dans ces conditions, le jugement n'est entaché d'aucune omission à statuer et comporte une motivation suffisante au regard des exigences de l'article L. 9 du code de justice administrative ;
Sur la responsabilité de l'Etat :
3. Considérant qu'il n'est pas contesté par le ministre de la justice que la salle des scellés du Tribunal de grande instance de Créteil abritait, en 2005 des bonbonnes de gaz halon, substance potentiellement dangereuse ; que le département du Val-de-Marne, collectivité employant M. D..., a admis, en 2011, contrairement à l'avis rendu par la commission de réforme, que les pathologies dont souffre celui-ci, qui prennent la forme de spasmes, sensations de brûlures du larynx, dysphonies, gênes à la poussière et à la peinture, résultent de la visite de cette salle des scellés, effectuée le 24 novembre 2005 ; que le département du Val-de-Marne a reconnu, en conséquence, l'existence d'un accident du travail ayant occasionné une incapacité physique permanente (IPP) de 15 % pour les séquelles psychiques ;
4. Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction et, en particulier, du rapport circonstancié du professeur Garnier, médecin toxicologue et chef de service du centre anti-poison de Paris, commis par le ministre de la justice, que M. D...a indiqué avoir souffert, quelques heures après son exposition de très courte durée au gaz incriminé, de vertiges et d'une inflammation de la gorge et de troubles de la vue, sans se plaindre de troubles nerveux, lesquels sont caractéristiques d'une intoxication au gaz halon ; que ce praticien a également relevé que seule l'élévation de ce gaz à haute température était susceptible d'être dangereuse pour la santé humaine et que les pathologies diagnostiquées en 2012 et 2013, six années après la visite des locaux du Tribunal de grande instance de Créteil, sous la forme de spasmes, sensations de brûlures du larynx, dysphonies, gênes à la poussière et à la peinture, pouvaient s'expliquer par le reflux gastro-oesophagien dont souffre M. D... ; qu'aucun des autres membres du CHSCT ayant effectué la visite de la salle des scellés du Tribunal de grande instance de Créteil le 24 novembre 2005 n'a présenté de quelconque symptôme clinique ; que les certificats produits par le médecin traitant du requérant et par un médecin du travail, qui ne sont pas spécialistes en toxicologie, ne permettent pas à eux seuls de contredire les conclusions du professeur Garnier ; que M. D...ne peut utilement se référer à l'avis, non produit au dossier, qu'aurait rendu un spécialiste de l'Institut national de recherche et de sécurité, ni se prévaloir de quelques témoignages attestant principalement de la présence d'amiante dans les locaux du tribunal de grande instance ; que, dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que les symptômes précités, ni ceux apparus plus récemment, notamment une paralysie faciale bilatérale, seraient imputables à l'intoxication au gaz halon dont il prétend avoir été victime lors de la visite de la salle des scellés, effectuée le 24 novembre 2005 ; que par suite, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise laquelle présenterait un caractère frustratoire, M.D... n'est pas fondé à réclamer l'indemnisation des préjudices qu'il prétend avoir subis à la suite de l'intoxication alléguée dont il s'estime victime ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D...et au ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Petit, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 avril 2017.
Le rapporteur,
V. PETITLe président,
O. A...TAUGOURDEAU Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA03742