Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 27 janvier 2016, MmeB..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du 12 mars 2015 en tant qu'il a limité la condamnation de l'Etat à la somme de 176 890 F CFP et a rejeté le surplus de ses conclusions ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 304 640 francs CFP, assortie des intérêts de retard au taux légal à compter du 23 décembre 2013, eux-mêmes capitalisés, en réparation du préjudice que lui a causé son licenciement, le 2 août 2010 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'entretien prévu le 29 juillet 2010 avait uniquement pour objet de lui remettre le rapport d'inspection ; il ne peut être regardé comme un entretien préalable au licenciement au sens de l'article 47 du décret du 17 janvier 1986 ; le principe du respect des droits de la défense a donc été méconnu ;
- l'administration a méconnu le délai de préavis prévu par l'article 46 du décret du 17 janvier 1986 ; elle a, de surcroît, tenté de lui faire signer un nouveau contrat prévoyant une date de fin anticipée ;
- le rapport du 6 juillet 2010 ne constitue pas un élément suffisant pour justifier son licenciement et, en tout état de cause, il ne démontre pas son insuffisance professionnelle ;
- les illégalités fautives commises par l'administration sont à l'origine directe d'un préjudice économique d'un montant de 1 304 640 F CFP, correspondant aux salaires qu'elle aurait dû percevoir entre août et décembre 2010 ;
- elles sont également à l'origine d'un préjudice moral d'un montant de 1 000 000 F CFP.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2016, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requête ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 21 octobre 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 novembre 2016.
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 20 novembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n°86-83 du 17 janvier 1986 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Petit,
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public.
1. Considérant que Mme B... a été recrutée, par contrat en date du 24 février 2010, en tant que maître délégué, pour enseigner l'anglais dans un établissement d'enseignement privé sous contrat d'association situé en Nouvelle-Calédonie, le collège Champagnat, pour la période comprise entre le 17 février 2010 et le 19 décembre 2010 ; qu'elle a été licenciée pour inaptitude professionnelle le 2 août 2010, à la suite d'une inspection ; qu'elle a demandé l'indemnisation des préjudices résultant de ce licenciement, qu'elle estime illégal ; que, par un jugement 12 mars 2015, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a jugé que le licenciement était fautif dès lors que l'administration n'avait pas respecté le délai de préavis prévu par l'article 46 du décret du 17 janvier 1986 susvisé et n'avait pas motivé la décision de licenciement ; qu'il a condamné l'Etat à verser à Mme B...la somme de 176 890 francs CFP; que Mme B...fait appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à la totalité de ses conclusions indemnitaires ;
2. Considérant qu'en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité des personnes publiques, l'agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre, y compris au titre de la perte des rémunérations auxquelles il aurait pu prétendre s'il était resté en fonctions ; que lorsque l'agent ne demande pas l'annulation de cette mesure mais se borne à solliciter le versement d'une indemnité en réparation de l'illégalité dont elle est entachée, il appartient au juge de plein contentieux, forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, de lui accorder une indemnité versée pour solde de tout compte et déterminée en tenant compte notamment de la nature et de la gravité des illégalités affectant la mesure d'éviction, de l'ancienneté de l'intéressé, de sa rémunération antérieure ainsi que, le cas échéant, des fautes qu'il a commises ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 46 du décret du 17 janvier 1986 susvisé, dans sa rédaction alors applicable : " L'agent recruté pour une durée indéterminée ainsi que l'agent qui, engagé à terme fixe, est licencié avant le temps fixé, a droit à un préavis qui est de : - huit jours pour les agents qui ont moins de six mois de services ; - un mois pour ceux qui ont au moins six mois et moins de deux ans de services ; - deux mois pour ceux qui ont au moins deux ans de services " ; qu'aux termes de l'article 47 du même décret, dans sa rédaction alors applicable : " Le licenciement ne peut intervenir qu'à l'issue d'un entretien préalable. La décision de licenciement est notifiée à l'intéressé par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Cette lettre précise le ou les motifs du licenciement et la date à laquelle celui-ci doit intervenir compte tenu des droits à congés annuels restant à courir et de la durée du préavis " ;
4. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que Mme B...a fait l'objet d'une inspection, le 6 juillet 2010 ; que le rapport d'inspection a recommandé à l'administration de mettre fin à son contrat et que ce rapport a été communiqué en mains propres à la requérante par la direction de l'établissement scolaire, le 29 juillet 2010 ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'administration aurait indiqué à MmeB..., lors de la convocation à ce rendez-vous du 29 juillet 2010, qu'elle avait l'intention de la licencier ; que, dans ces conditions, la requérante ne peut être regardée comme ayant été mise à même de demander en temps utile la communication de son dossier ; qu'en outre, il résulte de l'instruction que le licenciement n'a pas été formalisé dans une décision motivée et notifiée et que les dispositions précitées de l'article 46 du décret du 17 janvier 1986, relatives au délai de préavis, ont été méconnues par l'administration, Mme B... justifiant d'une période de service de cinq mois et douze jours ;
5. Considérant, d'autre part, que le rapport d'inspection du 6 juillet 2010, était particulièrement défavorable à MmeB..., que celle-ci n'a produit aucun élément de nature à faire naître un doute sur l'exactitude des éléments relevés par l'inspecteur ; que dans ces conditions, l'administration a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, estimer que l'insuffisance professionnelle de la requérante justifiait son licenciement ;
6. Considérant que compte tenu à la fois des irrégularités relevées au point 4 ci-dessus, qui n'ont pas privé la requérante d'une chance de voir son contrat maintenu jusqu'à son terme, et du caractère justifié de la mesure de licenciement en litige, les premiers juges n'ont pas fait une inexacte appréciation du préjudice moral et du préjudice matériel subi par Mme B...en les évaluant, respectivement, à la somme de 100 000 F CFP et à la somme de 76 890 F CFP, soit un montant total de 176 890 F CFP ; que Mme B...est recevable et fondée à demander, même pour la première fois en appel, que cette somme soit assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2013, date de réception par l'administration de sa réclamation préalable ; qu'à la date à laquelle elle a demandé la capitalisation de ces intérêts, il était dû au moins une année antérieure d'intérêts ; que les intérêts échus le 27 janvier 2016 seront dès lors capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts à cette date ainsi qu'à chaque échéance annuelle suivante ; qu'enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Mme B...au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'Etat est condamné à verser à Mme B...la somme de cent soixante seize mille huit cent quatre vingt dix francs CFP (176 890), augmentée des intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2013. Les intérêts échus à la date du 27 janvier 2016 seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts à cette date ainsi qu'à chaque échéance annuelle suivante.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du 12 mars 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle A...B...et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Copie en sera adressée au vice-recteur de la Nouvelle-Calédonie.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Petit, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 avril 2017.
Le rapporteur,
V. PETITLe président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA00375